• Plan du site
  • Nouveautés
  • Plus populaires
  • FAQ

Rubriques


 

 

Les Patriotes de 1837@1838 - Philippe Bernard, <i>Amury Girod, Un suisse chez les Patriotes du Bas-Canada</i>, Québec, Septentrion, 2001. 255p. Une recension de Gilles Laporte
 HISTORIOGRAPHIE 
MOD
Philippe Bernard, Amury Girod, Un suisse chez les Patriotes du Bas-Canada, Québec, Septentrion, 2001. 255p. Une recension de Gilles Laporte
Article diffusé depuis le 23-jan-02
 




La biographie historique peut tout autant viser à restituer le climat d'une époque qu'à accroître nos connaissances sur un personnage. Il faut bien avoir cela en tête au moment d'envisager l'apport du livre de M. Bernard, car il nous semble bien mieux parvenir au premier qu'au second de ces objectifs. Ainsi, si comme je l'ai fait on tient d'une main les trois pages de l'article de Jean-Paul Bernard et Danielle Gauthier rédigé pour le Dictionnaire biographique du Canada et, de l'autre, l'ouvrage de 255 pages de M. Bernard, on constate que la différence en est surtout une de densité. On apprend peu de nouvelles choses sur l'aventurier suisse, les suppositions y disputant aux faits prouvés. Ceci dit encore une fois, la richesse de l'information n'est pas le seul critère par lequel doit être évaluée une telle œuvre, qui possède autrement d'autres mérites.



Rappelons que la première partie de la vie d'Amury Girod demeure toujours obscure. Originaire du Jura suisse, il aurait sillonné l'Amérique latine, en particulier le Mexique, avant de séjourner deux ans aux États-Unis, puis d'échouer au Bas-Canada en 1831; d'abord à Québec, où ils tentent diverses expériences dans le domaine de l'éducation et de l'agronomie, puis à Montréal où il épouse Zoé Ainsse. C'est dès lors qu'il met sa plume alerte au service des journaux patriotes et s'engage intensément dans l'action politique aux côtés de Louis-Joseph Papineau. C'est justement à la recommandation de ce dernier que Girod se serait rendu à la mi-novembre de 1837 dans le comté de Deux-Montagnes pour y organiser la résistance. Malgré ses relations difficiles avec les leaders locaux, il prend vite la tête du camp de Saint-Eustache. Prétextant aller quérir des renforts, il quitte cependant le village juste avant la fatidique bataille du 14 décembre. De Saint-Benoît, voyant la cause perdue, il prend la suite. Selon la version officielle il se serait ensuite suicidé; selon Philippe Bernard il aurait été assassiné contre rançon.



L'ouvrage de M. Bernard respecte rigoureusement la trame chronologique. Plus spécifiquement, la poignée d'informations sûres que nous détenons sur Girod sont bien rendues, mais entrecoupées de longues digressions sur le Bas-Canada de l'époque, le récits d'événements contemporains et surtout de courtes biographies de personnages traversant la trajectoire de Girod dont on perd parfois la trace tant son nombreuses ces poses dans le récit. Pour pédagogiques et bien faites, ces capsules érudites peuvent lasser et agacer un public averti - et il est nombreux -, déjà familier avec le contexte révolutionnaire de 1837-1838.



L'objectif du livre est manifestement de réhabilité un personnage malmené par l'HISTORIOGRAPHIE et que Bernard présente comme un républicain animé par les idées libérales (p. 9). Ceci dit, on décrit peu ce que les David, Filteau et Dubois lui reprochaient au juste, tandis que, au contraire, Bernard critique peu les sources présentant Girod sous un jour avantageux et, pour commencer, la version de Girod lui-même. Plusieurs questions patentes à propos de Girod ne sont donc pas résolues d'une manière convaincante. On apprend peu de nouvelles choses sur les trente ans qui précèdent son arrivée au Bas-Canada, on ne résout pas la question de sa bigamie, non plus que l'apparente contradiction de son journal qui, entre le 16 et le 16 novembre, le fait par exemple voyager étonnamment vite entre Varennes et Saint-Eustache. Certaines situations désavantageuses pour Girod, semblent par ailleurs éludées. On pense au Raid sur Oka (30 novembre) que Bernard présente comme un succès, alors qu'il ne fut qu'un cafouillage au butin bien mince. M. Bernard prend aussi la peine de mentionner que "le projet [de Girod] d'une opération sur Montréal [à partir de Saint-Eustache] se défend" (p. 182), alors qu'on ne lui en demande pas tant! On pense aussi à sa rencontre avec les frères Masson à Saint-Benoît où il est notoire que Girod fut accueilli comme un fuyard et ne souleva pas l'enthousiasme, alors que Bernard écrit plutôt que "Girod n'insiste pas. Le temps presse. Il fonce chez les frères Masson qui s'empressent de regrouper les miliciens présents pour porter secours aux troupes de Chénier." (p. 203). Ceci dit, on est quand même loin de la littérature hagiographique. L'ouvrage est rigoureux et les constats de l'auteur, tout compte fait, sobres et prudents. On compte d'ailleurs très peu d'erreurs factuels. Mentionnons quand même, en page 163, qu'il est dit que Stephen Mackay se marie avec AUGUSTINE Globensky, alors que c'est en fait MARIE-FRANÇOISE Globensky que Mackay épouse.



Ainsi le livre de M. Bernard demeure un portrait d'époque absolument réussi, où on aborde les sujets les plus variés. Les digressions portant sur l'organisation du mouvement patriote après 1834 ou sur la vie sociale à Verchères et - au premier titre - sur le beau-frère de Girod, Eugène-Napoléon Duchesnois, sont très réussies. Le chapitre huit, consacré aux derniers jours de Girod, est particulièrement trépidant. L'auteur y restitue bien, grâce à une langue alerte, peu embarrassée par les considérations historiographiques, l'intense fébrilité qui devait habiter un patriote suisse en fuite, loin de son pays.

 




Recherche parmi 16 491 individus impliqués dans les rébellions de 1837-1838.

 



Consulté 3968 fois depuis le 23-jan-02

"

   Réagir ou compléter l'information

   

Le matériel sur ce site est soit original, soit libre de droit. Vous êtes invités à l'utiliser 
à condition d'en déclarer la provenance. © glaporte@cvm.qc.ca