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C'est en 1830 que le comté de Saint-Hyacinthe est créé. Comprenant pas moins de 7 seigneuries, il fait partie du district de Montréal et est bordé par les comtés de Richelieu et de Rouville au Nord, celui de Shefford au sud et par les districts de Trois-Rivières et de Sherbrooke à l'est. Situé dans la vallée du Richelieu, le comté est baigné au sud par le Richelieu et est traversé par la rivière Noire et la Yamaska, où la navigation est ardue à cause des nombreux rapides (Voyer, 1980 : 13). Le paysage y est très plat et n'est accidenté que par les monts Saint-Hilaire, Rougemont et Yamaska faisant tous partie des collines montérégiennes. Les sols y sont extrêmement riches et variés (Bouchette, 1832 :323), à base argileuse et généralement favorables aux cultures céréalières et aux cultures vouées aux pâturages et aux exportations (Parizeau, 1976 : 52). La population commence à peupler la région au Nord, au début du 18esiècle, puis dans l'ensemble de son territoire au milieu de ce même siècle. À l'époque des rébellions, Choquette nous apprend que la région est passablement habitée. Le village de Saint-Hyacinthe compte environ un millier d'habitants dès 1831. Il abrite l'important séminaire de Saint-Hyacinthe où étudient plusieurs fils de patriotes notoires, ainsi qu'un des rares tribunaux de comté, ce qui lui confère une certaine autonomie judiciaire (Greer, 1993 : 92). En termes de bâtiments, on y retrouve manoirs et bâtiments seigneuriaux, moulins, commerces dans les agglomérations, églises et auberges, dont deux à Saint-Hyacinthe. La présence de ces dernières est intimement liée à un important réseau de routes qui relie le Vermont à Trois-Rivières et Québec. L'agriculture céréalière est pratiquée par la majorité de la population avec un certain succès. Greer (1993 : 46) soutient même que, malgré les fléaux, la population du comté connaît une prospérité depuis 1795. Les industries qu'on retrouve dans le comté sont des tanneries, distilleries, scieries. Les élites qui œuvrent dans la région sont d'abord foncières (seigneurs Dessaules) et religieuses (regroupées au séminaire).Bien que le comté soit nouvellement créé, on note tout-de-même une certaine domination du Parti canadien à la veille des rébellions. Le seigneur Louis-Antoine Dessaulles est élu député dès 1816. Il est l'époux de la sœur de Louis-Joseph Papineau, et ce dernier jouit d'une grande popularité dans le comté. En 1832, suite à une demande d'Aylmer, il accepte de siéger au conseil exécutif ; Parizeau (1976 : 55) écrit qu'il y faisait valoir des idées patriotes. Louis Raynaud dit Blanchard (1830-1838), Louis Poulin (1832-1834) et Thomas Bouthillier (1834-1838) (Saint-Pierre, 1993 ) sont les autres élus du comté à sa suite : ils sont tous patriotes et ils font tous trois partie des insurgés. Parallèlement, on peut dire que les loyaux ont certains appuis dans la région, notamment dans les comtés voisins. Selon une liste établie par Bernard en 1983, 86 habitants du comté sont identifiés comme patriotes dont les principaux agitateurs se nomment Thompson, Dr Bouthillier, Eusèbe Cartier, Blanchard, Poulin, Bouthillier, Dr Boucher de La Bruère, Jean-François Têtu, F.X. Langelier et A.-A. Papineau; ce dernier sera puni et expatrié en Australie. Ils viennent surtout des agglomérations, car, selon Choquette (1930 ; 145), les ruraux du comté sont peu impliqués dans les soulèvements. Le comté de Saint-Hyacinthe est le théâtre d'au moins cinq assemblées Patriotes rapportées dans les journaux (Patriotes : 2001). Des événements loyaux ont aussi lieu ; on rapporte une assemblée dans le comté (Abbotsford, 13 novembre 1837) et d'autres dans les localités voisines dont Granby et Rouville (Patiotes : 2001) où les appuis loyaux sont importants. D'ailleurs le clergé et plusieurs ruraux affirmèrent dans une lettre leur loyauté aux institutions (Choquette : 1930 : 145). Dès 1834 des assemblées patriotes y sont tenues, surtout dans la ville de Saint-Hyacinthe. Elles s'intensifient en 1837, en réaction aux Résolutions Russell, et la plus populaire aurait attiré 1600 hommes selon Le Canadien (Patriotes :2001). Choquette mentionne que le presbytère (1930 : 127) et la prison du palais de justice (1930 : 141) sont le théâtre de certaines d'entres-elles. De plus, certains habitants du comté participent à d'autres assemblées dans les comtés voisins dont celles de Saint-Ours (7 mai) et de Saint-Charles (23 octobre). Le comté de Saint-Hyacinthe n'a pas été le théâtre d'affrontements entre loyaux et rebelles, mais, de par son positionnement, il était primordial au réseau d'approvisionnement patriote, lors du siège de Saint-Charles notamment (Choquette : 1930). Cependant, quelques charivaris pro patriotes y eurent lieu, le plus commun fut dirigé contre la personne de Colborne, alors de passage dans le village de Saint-Hyacinthe à la veille des troubles. Lorsque les troubles éclatent à Saint-Denis, Senior nous informe que Bouthillier et A.-A. Papineau se présentent en renfort avec une quarantaine d'homme de Saint-Hyacinthe (1985 :82). Puis, lors de la bataille de Saint-Charles, Bouthillier et Blanchard sont à la tête de deux régiments de combattants provenant du comté qui s'étaient préalablement réunis chez Bouthillier à Saint-Hyacinthe (Choquette, 1930 : 145). Puis, à la fin novembre, quand Papineau est recherché, il trouve d'abord refuge dans la seigneurie de sa sœur, mais d'où il doit fuir lorsque le général Gore et plus de 300 soldats loyaux s'y dirigent dans le but de l'arrêter. Cela donne un bon exemple du véritable rôle des habitants de Saint-Hyacinthe. En effet, selon Filteau, ''le rôle des habitants de Saint-Hyacinthe devait être surtout de fournir des moyens d'évasion aux fugitifs''. Nelson aussi se réfugia chez les Dessaules. Après avoir incendié les campagnes du Richelieu, les soldats séjournent de 4 à 5 jours, au collège de Saint-Hyacinthe (Choquette, 1930 : 1540. Ils auraient épargné le pillage aux habitants du comté et Choquette dit en ce sens qu'il y eut peu pillage dans comté de Saint-Hyacinthe. Bien vite, le calme revient dans le comté et cela n'est pas étranger à la présence d'une police sévère, sous les ordres du chouayen P.-E. Leclerc, à Saint-Hyacinthe. L'année 1838 fut très tranquille dans le comté : le seul événement digne de mention qui s'y produisit est l'arrestation de De La Bruyère.
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