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Les Patriotes de 1837@1838 - La poésie patriotique à l'époque des rébellions
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La poésie patriotique à l'époque des rébellions
Article diffusé depuis le 19-mai-01
 




La poésie patriotique apparaît au début du XIXe siècle. Au début les versificateurs chantent la gloire de l'Angleterre et se moquent de la Révolution française. Vers 1830, les auteurs sont influencés par l'action politique et sociale des écrivains romantiques français comme Hugo, Lamartine ou Vigny. "Avec la radicalisation du Parti patriote, la poésie se fait plus revendicatrice (Lahaise, 1997 : 33).".

Avec le siècle qui commence, les poètes se mettent au service de la patrie avec des thèmes aussi enlevant que l'"usage de la langue française, le libre choix du peuple quant à son gouvernement et la correction des injustices sociales" (LAURIN, 1996 : 49). Plus spécifiquement, les thèmes suivent le cours de l'actualité, comme par exemple la crise du choléra survenue en 1832 : " L'inévitable maladie / Sur nous répand son noir venim / L'art la combat par son génie / Elle résiste mais cède enfin" (LAHAISE, 1997 :58-59). Le premier banquet de la Saint-Jean-Baptiste, en 1834, en est une autre illustration : " Saint Jean-Baptiste, à la mémoire / Nous avons consacré ce jour; / Nous voulons servir à ta gloire / Tu dois nous servir à ton tour (LAHAISE, 1997 :60). Les pratiques électorales peu orthodoxes sont aussi relatées : " Cinq cents hommes en bataillon / Armés de pistolets, de bâtons (...) / Du poll ils se sont emparés" (LAHAISE, 1997 :64). Plus le temps passe, plus le radicalisme s'affiche en poésie. La fougue et la jeunesse inspirent cet appel au soulèvement de François-Réal Anger : "Que l'arme au bras, chacun s'écrie : " Mort à vous, lâches renégats; / Vous immolez notre patrie; / Vos crimes nous ont fait soldats" (HUSTON, 1982 : 336). Le thème du pays est aussi abordé sous l'angle de la nature. Au-delà des luttes politiques, on chante la beauté du paysage. George-Étienne Cartier, à l'occasion d'un banquet de la Saint-Jean-Baptiste, nous en donne son appréciation dans cette chanson :"L'étranger voit avec un œil d'envie / Du Saint-Laurent le majestueux cours; / À son aspect le Canadien s'écrie : / Ô Canada! Mon pays! Mes amours!" (HUSTON, 1982 : 308). Les chansons patriotiques s'avèrent un efficace moyen de propagande. Par leur caractère oral, elles rejoignent un plus vaste public. " Certaines productions, sitôt composées, gagnent la faveur populaire et sont consacrées chansons nationales" (LEMIRE, 1992 :345).

La forme que prend les divers écrits poétiques demeure classique. Les vers courts sont privilégiés, car ils s'adaptent mieux en chansons. Rares sont ceux qui dérogent aux règles strictes de la versification, sauf exception : " Notre pays sera O.C. (haussé) / En République R.I.G. (érigé) / Et les renégats aux J.B. (gibets) / Et chacun dira c'est A.C. (assez)" (Lahaise, 1997 : 64). Ce jeu graphique s'avère original pour l'époque, mais n'enfraie aucunement les lois de la versification. Pour plusieurs, le souci tatillon de la forme se fait au détriment du contenu. Octave Crémazie premier poète national, posera ce regard critique sur l'œuvre de ses prédécesseurs en 1867 : " Entremêlez ces rimes de quelques mots sonores comme notre religion, notre patrie, notre langue, nos lois, le sang de nos pères; faites chauffer le tout à la flamme du patriotisme et servez chaud. Tout le monde dira que c'est magnifique" (LAURIN, 1997 : 44) . La poésie précédant les Rébellions recèle peu de joyaux, mais témoigne habilement de la lutte acharnée pour faire advenir le Pays rêvé.

L'Histoire a retenu peu de noms dans la littérature bas-canadienne. Pourtant, une pléiade d'auteurs donne alors dans le genre poétique. D'abord, Michel Bibaud (1782-1857) qui dénonce les travers des Canadiens français par des satires contre l'avarice, l'envie, la paresse et l'ignorance (HUSTON, 1982 :91-118). Denis-Benjamin Viger (1774-1861) propose aussi quelques textes, dont une fable versifiée Le lion, l'ours et le renard (1823) où les deux premiers figurent les Canadiens français divisés, et le renard, l'Anglais. À mesure que l'on se rapproche des Rébellions, les écrits sont publiés anonymement, car on met sa vie en jeu en critiquant le gouvernement. D'autres ont eu le courage d'assumer leur engagement jusqu'au bout. C'est le cas notamment de François-Xavier Garneau (1809-1866) mieux connu comme historien que poète : "... pour la liberté/ Sacrifier nos biens, la vie / Et sous son drapeau redouté / Mourir pour elle et la patrie" (LAURIN, 1996 : 50). Il s'agit là d'une figure marquante pour la poésie d'alors : " F.X. Garneau se distingue nettement de la foule des versificateurs, par la variété et l'intérêt de son œuvre poétique. Il se présente aujourd'hui comme le meilleur et peut être le seul poète de son époque" (COSTISELLA, 1968 :49).

Les journaux apparaissent comme le moyen de difusion privilégié pour la poésie. D'abord publiée dans des journaux littéraires, comme L'Aurore (1818), elle l'est ensuite dans des journaux à vocation d'éducation et d'édification, où les traités sur l'agronomie côtoient les recette de cuisine, les éditoriaux politiques et la littérature : Le Spectateur canadien (1813) et La Minerve (1826) en sont quelques exemples. Les journaux ne bénéficient que d'un faible tirage : 300 pour La Minerve en 1827 (BEAULIEU, 1972 : 55). Or, un exemplaire peut être parcouru par plusieurs personnes ou lu sur les places publiques. Le journal s'avère donc à cette époque un moyen de diffusion efficace. Les poètes d'alors peuvent aussi compter sur des animateurs culturels dévoués pour mettre au jour leurs oeuvres. C'est ainsi que Michel Bibaud, par son acharnement, favorise l'essor du champ littéraire en élaborant des revues encyclopédiques qui réunissent moult écrits canadiens-français, comme l'hebdomadaire L'Observateur (1830-1831) ou le mensuel Magasin du Bas-Canada (1832).

L'apogée du patriotisme en poésie survient après 1837. Dans l'effervescence engendrée par les Rébellions, certains auteurs, dont Napoléon Aubin et Joseph-Guillaume Barthe, se feront emprisonner pour leurs écrits jugés séditieux. Suite aux soulèvements, plusieurs auteurs opteront pour la docilité, allant de pair avec le Bas-Canada défait. On passe alors d'un nationalisme libéral et revendicateur, à un nationalisme de conservation. Il faudra attendre la Révolution tranquille pour que la poésie suscite autant de passions.

Marie-Ève Saint-Denis

 




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