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C'est en 1824 que le premier projet de compagnie de colonisation du Bas-Canada voit le jour. L'idée est lancé par William Felton, riche propriétaire foncier de la région de Sherbrooke, qui a eu vent d'une compagnie similaire, la Canada Land Company qui œuvre dans le Haut-Canada et dirigée par John. On souhaite demander à Londres la concession de terre à rabais échange d'investissements dans le réseau routier, les ponts, des écoles protestantes et divers aménagements (KESTEMAN, 1998: p. 93). Le projet reçoit l'appui de plusieurs Londoniens influents tel Ellice, Gould et Gillespie, mais la crise financière en Angleterre a raison du projet qui est mis aux oubliettes.Après la crise, le projet refait surface à Londres par le biais de marchands anglais et naît la British American Land Company (BALC) en 1832. Deux marchands Montréalais Peter McGill et Georges Moffat sont nommés commissaires de la compagnie au Bas-Canada (KESTEMAN, 1998 : p. 95). C'est alors que l'on organise une levée de fonds pour envoyer Samuel Brooks, ancien député de Sherbrooke, porter une pétition à Londres favorable à l'implantation de la BALC (Montreal Gazette, 19 mars 1833). En mai 1834, on ouvre un bureau régionale de la BALC à Lennoxville dans la résidence de Brooks qui en devient le premier secrétaire. L'année suivante le bureau déménage à Sherbrooke pour s'y établir définitivement (ANC, BALC, p. 863, 1005). La compagnie soulève un tollé de protestation au Parti patriote où l'on dénonce la pratique de la compagnie des terres dans les 92 Résolutions. Les Résolutions Russell cependant remettent les pendules à l'heure en 1837, stipulant que l'on doit maintenir sans y rien changer le titre légal de la compagnie des terres aux termes possédés par la dite compagnie (PATRIOTES, 2001). Aussi l'hebdomadaire à tendance réformiste le British Colonist, imprimé à Stanstead par Silas Horton Dickerson, dénonce la venue de la BALC dans les Cantons de l'Est. Ironie du sort, après de nombreux problèmes financiers, les presses de ce journal sont emmenées à Sherbrooke et serviront dès lors à imprimer le journal tory Farmer's Advocate and Townships Gazette financé par la BALC et des marchands de Stanstead (KESTEMAN, 1998 : p.211). La compagnie débute donc avec plus de 800 000 acres de terres de la Couronne dans les comtés de Shefford, Sherbrooke et Stanstead (Montreal Gazette, 10 décembre 1833). La mission de la compagnie est de vendre des terres à des colons surtout britanniques mais aussi américains. Elle octroie aussi des contrats de construction de routes et de ponts. La compagnie ne se contente pas que de ses possessions, elle achète des terres recommandées par leurs agents. C'est ainsi que la spéculation commence. Des terres près de celles de la compagnie permettent à leur propriétaire de les vendre à bon prix à la BALC. Les propriétaires achètent eux-mêmes des terres situées près de futur route ou pont pour faire augmenter la valeur de leurs biens. Les débuts de la BALC sont très modestes sur le plan financier. En fait c'est davantage ses propres administrateurs qui en profitent à itre privé. La peur d'une possible rébellion sur Sherbrooke et dans la région, fait diminuer les ventes de terres à la fin des années 1830 ainsi que le départ pour les Etats-Unis de plusieurs colons. Si bien qu'en 1841 il n'y aura que 400 des 28000 immigrants qui s'établiront dans les Cantons de l'Est (SKELTON, 1920 : p. 7). Jumeler à l'incapacité de plusieurs d'entre eux à rembourser leur terre dans les délais établis et nous assistons à une crise financière importante pour la compagnie. Cela ne l'empêche pas d'investir jusqu'en 1838 dans l'achat de la totalité des terres situées sur les berges de la rivière Magog (KESTEMAN, 2000 : p.162). C'est ainsi que la compagnie devient rapidement propriétaire exclusif du potentiel énergétique des chutes de la rivière. Elle possède donc des moulins, des manufactures, des barrages. Elle loue la plupart de ses terrains à des entreprises voulant s'établir le long des berges de la Magog. On doit attendre 1842 pour voir un plan de redressement de la compagnie proposé par un jeune britannique déjà à la solde de la compagnie depuis 1835, Alexander Tilloch Galt. Son plan propose de vendre à crédit aux colons qui devront dorénavant être sélectionnés plus adéquatement. On demande à avoir plus de colons Canadiens français et d'Américains, qui semblent selon Galt avoir plus d'expérience et d'intérêt dans le défrichage et le développement à long terme de la région (SKELTON, 1920 : p. 8-9). Le projet est accepté et c'est ainsi que grâce au jeune commissaire, la compagnie se redresse financièrement. Le nouveau plan de crédit à long terme attire ainsi beaucoup de Canadiens Français dans la région. Il n'est plus nécessaire de payer une part des terres à l'achat, mais seulement les intérêts pour les dix premiers années (SKELTON, 1920 : p. 13). On peut dire que c'est probablement Alexander Galt qui fut l'instigateur du mouvement de colonisation massive francophone dans les Cantons de l'Est. Son implication dans les projets ferroviaires de la région et son poste de député l'obligent à laisser sa place en 1856 à l'assistant commissaire Richard William Henecker, qui occupera ce poste jusqu'au début du Xxe siècle. À partir de 1866, la BALC entre dans une nouvelle phase en vendant plusieurs de ses terrains à des industriels (KESTEMAN, 2000 : p.168). Autant la BALC à permis une arrivée massive d'immigrants anglophones dans la région dans les premières années, autant elle accueilli un nombre important de francophone par la suite. Elle permit le développement du système routier et des premières manufactures importantes de la région.
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