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Les Patriotes de 1837@1838 - <i>15 février 1839</i> de Pierre Falardeau, quelques erreurs historiques
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15 février 1839 de Pierre Falardeau, quelques erreurs historiques
Article diffusé depuis le 21 janvier 2001
 




Le film 15 février 1839 de Pierre Falardeau nous a semblé excellent.   Cela ne doit cependant pas entacher notre sens critique, surtout lorsqu'il s'agit de petites erreurs ponctuelles, à la limite des vétilles.  Nous tenions néanmoins à les souligner afin de rappeler l'importance de traduire la réalité historique avec rigueur et pour que le public profane puisse apprécier l'œuvre en toute sérénité.  Certaines de ces erreurs, disons de légers anachronismes, nous semblent liées au contexte dramatique voulu par Falardeau, d'autres, malheureusement, aurait pu être facilement évitées.  C'est donc en toute modestie que nous proposons cette liste d'anachronismes, convaincu cependant qu'ils n'enlèvent rien à la valeur artistique et documentaire du film 15 février 1839.

Les remarques suivantes découlent d'un premier visionnement du film.  Les citations ont ensuite été retracées dans le scénario paru aux édtions Stanké.  Ils se peut donc qu'il y ait quelques différences entre les mots cités ici et ceux prononcés à l'écran.

Depuis la conquête de 1760 nous vivons l'oppression anglaise...

Les Patriotes ne faisaient presque jamais mention de cette conquête et certainement pas comme d'un événement qui allait les plonger dans la tyrannie.  La Nouvelle-France n'est nullement pour eux un paradis perdu.  En bons avocats et notaires qu'ils sont pour la plupart, ils voient au contraire dans la conquête anglaise, l'occasion de se doter d'institutions plus représentatives et plus équitables que ce que les "Canadiens" avaient connu sous le régime français.

...installe un système d'exploitation coloniale comme elle le fait en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

En 1839, la Grande-Bretagne n'est encore présente dans aucun de ces trois points du globe.  Bien sûr l'Angleterre est implantée en Inde mais il faut attendre la Guerre des Sipahï (1857) pour qu'elle y installe un régime colonial et, en Chine, la Guerre de l'opium (1839-1842).  Quant à l'Afrique, l'Angleterre n'y a encore que quelques comptoirs, surtout en Afrique du sud.  Enfin, pour l'Amérique latine, il faut attendre la fin du 19e siècle pour que les compagnies britanniques s'y installent dans le domaine minier et des cultures tropicales.  Falardeau aurait pu éviter cette erreur en écrivant simplement au futur.  Son affirmation aurait alors été parfaitement juste.

Après quelques années, les députés patriotes obtiennent une majorité à l'Assemblée.

Falardeau fait ici allusion à des événements qui se déroulent vers 1800-1810.  Le mot patriote n'est alors jamais utilisé.  Il aurait du utiliser l'expression députés canadiens.

Colborne, devenu entre temps Lord Seaton, écrase la rébellion.

Sir John Colborne ne devient Lord Seaton et membre de la Chambre des Lords qu'en octobre 1839, ce qui nous place bien après la répression de la rébellion.

Charles Hindelang

Le portrait que fait Falardeau de Hindelang est intéressant mais peu crédible sur le plan historique.  D'abord, l'essentiel de ce que nous savons de lui tient dans sa propre déposition durant le procès.  Dans le but manifeste de se sauver de la potence, il y dénonce les chefs patriotes et dit avoir été trompé sur les objectifs de la rébellion.  Dans le fond Hindelang était probablement solidaire du mouvement patriote, mais il n'était certainement pas l'individu courageux et plein d'abnégation que nous décrit Falardeau.  En revanche, son "Vive la liberté", prononcé juste avant d'être pendu, est apparemment authentique.

De la même manière, Hindelang se fait rappeler qu'il ne faut pas boire de rhum à cause de la campagne de boycottage des produits britanniques.  Non seulement il est peu probable que le boycottage soit encore suivi en 1839, mais surtout il est absolument exclu que Hindelang soit au fait des résolutions de l'Assemblée de Saint-Ours de mai 1837, lui qui n'entre en scène qu'à l'hiver 1838 et qui, jusque là, n'avait même jamais entendu parler du mouvement patriote.

Le niveau de langue

Le niveau de langue n'est pas crédible.  Ici cependant l'historien devrait céder au linguiste.  Reste que le film est truffé d'argotismes modernes qui contribuent au climat dramatique, mais entachent la vraisemblance historique.  En ce sens, le film de Michel Brault était plus soucieux de respecter le niveau de langue alors en usage.

Acres ou arpents?

Guillaume Levesque fait allusion aux 800 000 acres de la seigneurie de Beauharnois (propriété d'Edward Ellice). Il est très peu probable qu'un patriote ait utilisé cette mesure anglaise pour en parler à un compagnon.  Les cadastres dans la zone seigneuriale étaient tous établis en arpents, mesure française, la seule à laquelle la Coutume de Paris fasse référence.

Les acteurs sont trop vieux par rapport aux rôles qu'ils incarnent.

En 1839, Thomas-Marie Chevalier de Lorimier a 35 ans, Charles Hindelang, 28 ans, Amable Daunais, 20 ans, Jean-Baptiste-Henri Brien, 23 ans, F.M. LePailleur, 33 ans, etc..

Jean-Joseph Girouard

Jean-Joseph Girouard, qu'on voit à l'occasion faire des croquis en prison, a été emprisonné le 26 décembre 1837 et libéré le 16 juillet 1838.  Il n'a donc jamais été le compagnon de prison du groupe représenté, incarcéré à compter de novembre 1838. (Merci à Philippe Bernard pour l'information)

Je te tu ou je te vous ?

La hiérarchie sociale entre les personnes n'est pas vraiment respectée .  L'usage systématique du tutoiement en prison est particulièrement problématique.  Entre de Lorimier, notaire, et de simples paysans, il y a alors un monde sur le plan social et cela aurait du être plus manifeste dans le film.

De la même manière, les rapports hommes-femmes étaient beaucoup plus réservés, en particulier en public.  L'échange entre Henriette et Thomas-Marie, pour magnifique sur le plan dramatique, n'en est pas moins peu crédible sur le plan historique, tant une épouse bas-canadienne aurait du être bien plus réservée et déférente.  Encore là, tutoyer son époux devant d'autres personnes était impensable de la part d'une dame de qualité.

Durham écrit dans son rapport que...

Non seulement il est peu probable que les prisonniers ait eu accès au journal Le Canadien qu'on voit dans le film, mais surtout il est impossible qu'ils aient eu si tôt copie du célèbre rapport.  Le Rapport Durham est présenté devant la Chambre des communes en janvier 1839 et, comme en hiver le fleuve est gelé, les premières versions ne pouvaient arriver de New York avant au moins deux mois.  Dans les faits, Étienne Parent n'en fait paraître des passages dans son journal qu'à compter de mars 1839, soit trop tard pour que de Lorimier ait pu en prendre connaissance.

Il nous semble qu'au strict plan de la rigueur historique le film ne présente pas d'autres erreurs. Vous êtes évidemment bien venus d'en proposer d'autres.  Bien sûr qu'on pourra revenir sur le propos, le ton et le traitement général de cet événement historique, mais ce n'était pas l'objectif de cette rubrique.

Gilles Laporte

 




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