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Jacob De Witt naît le 17 septembre 1785 à Windham dans le Connecticut du mariage de Henry De Witt et Hannah Dean. En 1802, lui et sa famille viennent s'installer à Montréal où son père fonde un commerce de chapellerie dans lequel De Witt, âgé de 17 ans, travaille. C'est dans cet établissement qu'il fait son apprentissage du commerce. En 1812, pendant que la guerre fait rage, il bifurque vers le commerce de la quincaillerie, car il sait que la guerre peut lui rapporter des profits considérables. Déjà on remarque que De Witt a un don pour les affaires : il sait où, quand et comment investir. Lorsque la guerre de 1812 éclate, plusieurs transactions particulièrement heureuses lui permettent d'acquérir les éléments d'une fortune qu'il fera fructifier considérablement par la suite (RICHARD 1949-50 : 538). Le 9 novembre 1814, il prend comme associé George Busby Willard, un quincaillier de Montréal. Cette association dure trois ans. Il part ensuite à son compte et installe son commerce à Montréal, au 62 de la rue Saint-Paul. Plus tard, De Witt songe à diversifier ses activités commerciales. La navigation en amont de Montréal l'intéresse. En 1816, il se porte acquéreur du bateau à vapeur de cinquante tonneaux le Montreal. Celui-ci fait le relais entre Montréal, Lachine et Annstown (Beauharnois). Bref, De Witt peut maintenant assumer le transport et la livraison des produits qu'il vend. De plus, le transport de passagers s'avère lucratif. La même année, il prend comme épouse Sophorina Frary de Montréal à l'église anglicane du canton de Dunham. En 1820, il investit dans le vapeur Car of Commerce et, en 1828, avec son frère Charles Benjamin, il établit un service de navigation entre Beauharnois et Montréal avec, entre autres, les navires Fashion et Henry Brougham. Déjà en 1825, De Witt est reconnu comme membre de la cinquantaine des grands propriétaires fonciers de Montréal. Ce service de navigation vient donc appuyer sa position. En 1829, il se porte acquéreur d'une scierie et d'une importante terre (130 acres) dans le canton de Godmanchester situé dans le comté de Beauharnois. Enfin, en 1833 il achète le Chateauguay qui relaye Lachine et la paroisse Saint-Joachim de Châteauguay. Les activités commerciales de De Witt relatives aux transports atteignent des frontières nouvelles lorsqu'en 1846 il investit dans le réaménagement du canal de Lachine. Ainsi, il " participe à la rentabilisation de la force hydraulique " (ROBERT 1985 : 244). Il s'attaque aussi à un autre moyen de transport : le chemin de fer. En en 1852, De Witt joue un rôle financier important dans la création de la Compagnie de chemin de fer Montréal et Bytown. Comme l'affirme Robert, De Witt a largement contribué à l'essor industriel de Montréal au milieu du XIXième siècle (ROBERT 1985 : 244). Durant la période qui précède les troubles de 1837-38, De Witt œuvre dans plusieurs autres activités qui ne sont pas liées au commerce. Il siège aux conseils administratifs de plusieurs organismes de bienfaisance et, en 1821, il est l'un des souscripteurs à la fondation de l'Hôpital général de Montréal. Plus tard, il en deviendra le directeur pour plusieurs années. Il siège aussi à la Auxiliary Bible Society, à la Société de Tempérance de Montréal, à la Maison d'industrie de Montréal et à l'Immigration Commitee of Montreal. Le 24 décembre 1822, De Witt, presbytérien (religion protestante réformée), fonde l'Église American Presbyterian, qui refuse la nomination du pasteur écossais John Burns à l'Église presbytérienne écossaise de la rue Saint-Gabriel de Montréal à laquelle appartenait De Witt. Le nom de cette nouvelle congrégation révèle bien " les origines nationales et les aspirations patriotiques de ses membres " (RICHARD 1949-50 : 539). En effet, De Witt fait partie de l'enfance de la Révolution américaine. Il a la tête remplie d'idées réformistes de liberté et d'indépendance. Ces idées joueront un rôle primordial dans l'évolution de sa carrière politique qui débute en 1830 ainsi qu'à son rôle au sein du Parti patriote. À Beauharnois comme à Montréal, De Witt atteint une popularité notable parmi les Canadiens français. Patriote dans l'âme, il veut prendre leur défense et participer au combat que mènent les députés canadiens-français contre le Parlement britannique. Il désire trouver sa place dans l'enceinte de l'Assemblée législative et s'engager dans les débats (RICHARD 1949-50 : 541). Le 26 juin 1830, le Roi britannique Georges IV meurt. L'Assemblée du Bas-Canada est alors dissoute ce qui donne à De Witt l'opportunité de se présenter lors des élections générales qui suivent comme candidat dans le comté de Beauharnois (majoritairement canadien-français). Le 26 octobre 1830, il est élu et demeure député jusqu'à la suspension de la Constitution le 27 mars 1838. Lorsque De Witt entre au Parlement, il se range avec le Parti canadien, un parti aux idées réformistes, dirigé par Louis-Joseph Papineau, Denis-Benjamin Viger, Pierre Bédard et d'autres. D'ailleurs, lorsque Bédard, en 1834, présente à la Chambre les Quatre-vingt-douze Résolutions, De Witt appuie avec vigueur les propos du chef canadien (RICHARD 1949-50 : 541). Comme l'affirme Louis Richard à propos des réactions de De Witt lors de la présentation des Quatre-vingt-douze Résolutions : " ...il s'identifia si bien avec ce groupe de défenseur des droits des Canadiens français que certains historiens, peu renseignés peut-être sur ses origines, sa langue et sa religion, l'ont qualifié de patriote canadien-français. " (RICHARD 1949-50 : 541). Voilà qui démontre bien la vivacité de De Witt devant les idées réformistes du parti libéral de Papineau, idées très proches de ses propres idées réformistes. De Witt commence son combat au Parlement en demandant que les églises chrétiennes dissidentes puissent célébrer et enregistrer les mariages de leurs membres. Rejetée deux fois par un Conseil législatif principalement anglican, cette proposition est enfin acceptée grâce à la ténacité de De Witt. Il s'attaque aussi à la question des droits seigneuriaux. Plus précisément, il défend les droits des colons établis dans les régions périphériques de la seigneurie de Beauharnois, propriété de la famille Ellice, une famille de longue tradition loyaliste. Selon cette famille, d'anciens tracés d'arpenteurs démontraient qu'ils avaient des droits sur certaines terres voisines à la seigneurie. Elle refusait donc de vendre des lots et de concéder des droits aux colons qui avaient pris ces lots. Ce long conflit prend fin en 1853 par un compromis général plutôt obscur. Durant cette longue lutte, De Witt acquiert une grande connaissance du régime seigneurial. Il se donne donc comme mission d'abolir ce régime considéré comme féodal. Ainsi, cette même année, il prend la présidence de la Convention pour l'abolition des droits seigneuriaux. De Witt œuvre aussi en politique municipale. Il est nommé juge de la cour des sessions spéciales de la paix de la ville de Montréal en 1836. Il conserve ce poste jusqu'en 1840. Il tentera ensuite sa chance comme conseiller dans les quartiers de Queen en 1842 et Sainte-Anne en 1851, mais ces deux tentatives se soldent par des échecs. Un autre secteur dans lequel De Witt œuvre est celui des banques. En 1833, il s'associe avec Thomas Storrow Brown et entreprend d'établir la Banque de la cité de Montréal. Deux années passent et en 1835, avec Louis-Michel Viger, il fonde la société Viger, DeWitt et Compagnie. Cette société aura davantage d'importance sous son nom de Banque du peuple. Selon Jean-Claude Robert : " cette nouvelle banque répond aux vœux des milieux réformistes de mettre un terme au monopole que la Banque de Montréal exerce sur le crédit dans le Bas-Canada et de créer un établissement plus ouvert et plus attentif aux besoins économiques de la petite bourgeoisie de la colonie. " (ROBERT 1985 : 244). De plus, selon Louis Richard, cette banque devait assurer aux nôtres les ressources pécuniaires destinées à activer et encourager le commerce et l'industrie dans la province (RICHARD 1949-50 : 542). On remarque donc les velléités patriotiques de cette banque. En effet, De Witt a de la sympathie pour le combat des députés canadiens-français qui siègent avec lui contre le gouvernement britannique établi au Bas-Canada. D'ailleurs, Papineau lui-même encourage ses compatriotes à investir dans cette nouvelle institution financière. De plus, d'autres éléments encouragent De Witt à se lancer dans cette entreprise : " ses origines américaines, une insatisfaction de la politique générale de la grande bourgeoisie britannique de Montréal et des rivalités commerciales " (ROBERT 1985 : 244). Toutefois, De Witt demeure un homme d'affaires. Lorsque les événements de 1837 et 1838 frappent le Bas-Canada, la Banque du Peuple est ébranlée. En effet, ses dirigeants, dont De Witt, sont vus comme des extrémistes fauteurs de troubles " qui prêtent de l'argent aux rebelles pour s'acheter des armes " (RICHARD : 1949-1950 : 545). Cette accusation n'est cependant qu'une rumeur que De Witt s'efforce de démentir. Dès lors, il constate que la banque et ses investisseurs sont en danger. En homme d'affaires prudent, De Witt refuse de suivre Papineau, qui l'avait pourtant tant encouragé, jusqu'au combat armé. Il préfère combattre pour les réformes par le discours parlementaire, un moyen plus sobre et surtout plus légitime. D'ailleurs, de nombreux investisseurs de la banque sont favorables à cette idée. Cette très sage décision prise par De Witt a permis à la Banque du Peuple de survivre et même de prospérer après la période trouble. En effet, cette décision a détaché la Banque du Peuple de son affiliation avec les rebelles. Plus tard, le 23 mai 1844, Sa Majesté la reine Victoria accorde le statut d'incorporé à la Banque, ce qui démontre sa grande prospérité. Enfin, en 1855, Viger meurt et De Witt prend la présidence de l'institution. Après la période des troubles, De Witt conserve ses idées réformistes. On le considère comme un modéré affilié au groupe de Louis-Hippolyte Lafontaine. Sa carrière politique se poursuit donc avec une défaite aux élections générales de 1841 dans le comté de Beauharnois. On attribue cette défaite à une conspiration violente et armée du gouvernement. En effet, on empêche de force les électeurs favorables à l'opposition de passer aux urnes. De Witt concède donc la victoire à John William Dunscomb, son rival. Or, en 1842, le siège du comté de Leinster devient vacant lorsque le député Jean-Moïse Raymond accepte un emploi au gouvernement. De Witt est élu par acclamation dans ce même comté le 8 août. Il revient dans les rangs du parti libéral et s'attaque à de multiples questions réformistes qui touchent la finance, l'industrie, le commerce ainsi que le tarif douanier. En 1844, constatant que De Witt représente une réelle menace, le gouverneur Sir Charles Metcalfe tente de le soudoyer en lui offrant un poste dans son ministère. Fidèle à ses convictions, De Witt refuse vigoureusement l'offre. Il est " déterminé à obtenir un gouvernement vraiment responsable au peuple " et " opposé au système que l'exécutif voulait faire prévaloir " (RICHARD : 1949-1950 : 549). Plus déterminé que jamais, en 1848 il reprend son ancien siège comme député de Beauharnois grâce à son manifeste électoral publié dans le journal La Miverve. 1849 est une année importante dans la vie de ce réformiste. Il devient président du Comité permanent des dépenses contingentes de l'Assemblée législative. Ainsi, il est de ceux qui ont voté la loi qui indemnise les victimes des rébellions. Aussi, il prend part très activement au mouvement annexionniste qui consiste à jumeler le Bas-Canada aux États-Unis. En effet, 1849 est marquée par une crise du commerce bas-canadien. Le gouvernement propose alors d'établir un libre-échange avec les voisins du sud. Toutefois, un groupe de marchands, dont il fait partie, considère cette option comme insuffisante pour remettre sur pied l'économie marchande du pays. Ils optent donc pour l'annexion comme moyen de remédier aux problèmes. Le projet est d'ailleurs supporté par Papineau qui revient d'exil. Le 19 décembre 1849 se crée donc l'Association d'annexion dont De Witt est vice-président. De même, il penche vers les idées réformistes de ce pays, ce qui explique son enthousiasme devant ce projet. On dit même que De Witt aurait supporté Papineau en 1837 pour éventuellement voir le Canada être annexé aux États-Unis. Ainsi, il signe le manifeste annexionniste en 1849. Toutefois, le gouverneur Elgin, sous les ordres du gouvernement anglais, qui veut contrecarrer ses efforts, enlève à De Witt sa commission de juge de paix. Le projet est finalement mis au rancart en 1850. Ces sujets déloyaux ne poseront plus problème. Aux élections de 1851, il est défait dans le comté de Beauharnois pour être élu en 1854 dans Châteauguay, mais sous la bannière rouge. Il ne se représente pas en 1858. Jacob De Witt meurt d'une attaque de paralysie le 23 mars 1859, laissant derrière lui sa femme et dix enfants. Âgé de 73 ans et demi, il a passé sa vie entière à défendre des idées axées sur la liberté et l'égalité des droits, tout en maintenant une vie commerciale active. Yan Ethier "De Witt, Jacob", Cédérom Histoire de l'Amérique française-Dictionnaire des parlementaires du Québec, 1792-1992.; RICHARD, Louis, Jacob De Witt (1785-1759), RHAF, Volume 3, Montréal, 1949-1950 : 537-555.; ROBERT Jean-Claude, De Witt, Jacob dans DBC Volume 8, Montréal, Presse de l'Université Laval, 1985 : 243-245 DE LORIMIER@ Père : Henry DeWitt Mère : Hannah Dean Épouse : Sophronia Frary Jacob DeWitt est né au Connecticut, à Windham, le 17 septembre 1785 et est mort à Montréal le 23 mars 1859. Il était alors âgé de 63 ans. Jacob DeWitt a d'abord appris le métier de chapelier. Il s'est ensuite lancé dans le domaine de la quincaillerie, où il démarré sa fortune, puis il s'est attaqué à ce qu'il y avait à l'époque de plus gros : les banques. En tant que homme d'affaires influent, il a aussi pris une bonne place au niveau politique. Au moment des rébellions, Jacob DeWitt était fondateur et propriétaire de la banque du peuple. Il avait la réputation d'accorder du crédit facile aux réformistes. Quoiqu'il en soit, il avait une certaine sympathie pour la cause patriote. BIOGRAPHIE Jacob DeWitt a débuté sa vie sur des bases de commerce. Son père était un important chapelier. Sa famille d'origine Hollandaise s'était d'abord implanté aux États-Unis, puis, vers 1802, ses parents aurait décidé de s'installer dans la région de Montréal (on suppose que le marché du chapeau y était alors florissant !). C'est donc d'une mentalité de commerçant "états-uniens" que Jacob DeWitt avait hérité. Vers 1812, à la veille de la guerre, DeWitt se lance dans la quincaillerie. Comme il a souvent été le cas, le fils de chapelier a profité de la guerre pour s'enrichir. Devenant rapidement un commerçant important de Montréal, Jacob DeWitt élargit son commerce. Il fit l'acquisition de deux bateau et se lança dans un commerce qui englobait toute la région de Montréal. (Étant donné les moyens de l'époque, de lancer en affaire dans un si grand secteur était une entreprise pour le moins ambitieuse.) En 1825, Jacob DeWitt faisait voyait déjà son nom sur la liste des 50 plus importants propriétaires fonciers de Montréal. Plus la fortune de DeWitt augmentait, plus il s'intéressait à l'argent (on aurait pu s'y attendre !). Ayant été un des fondateurs de la banque du Canada en 1922, Jacob DeWitt se lance dans ce qui allait probablement être le projet de sa vie. Avec Louis-Michel Viger, il se forme une association (DeWitt, Viger et cie) et se porte acquéreur de la banque de la cité (à Montréal). Il donne avec Viger à leur banque une vocation à tendance populaire. L'apparition de cette nouvelle banque, d'ailleurs surnommée "banque du peuple", brise le monopole de la banque de Montréal, qui depuis longtemps était reconnue comme une banque réservée à l'élite anglaise. Étant donné que DeWitt accordait par l'intermédiaire de sa banque des prêts à des associations de petits bourgeois libéraux et réformistes, DeWitt a rapidement été associé au mouvement réformiste. Toutefois, il ne cachait pas sa sympathie pour les réformistes, plus particulièrement au parti de Louis-Joseph Papineau, dont les idées libérales ne pouvaient nuire aux intérêts d'un commerçant qui visait un marché toujours plus grand. Donc, pendant les troubles, DeWitt n'a rien fait qui aurait pu nuire aux patriotes, bien qu'en tant que homme d'affaire respectable, il se devait un certain flegme qu'il aura su préserver en ne se liant en aucun cas à des mesures directes des réformistes décidés. Homme d'action très impliqué dans le développement de Montréal, Jacob DeWitt continuera jusqu'à sa mort à développer et à mettre en œuvre ses idées libérales. En conclusion, je dirait que Jacob DeWitt a été un capitaliste sympathique. Sa vie de banquier aura gardé un arrière-goût de petite bourgeoisie. Bibliographie 1) Louis-Richard, "Jacob DeWitt (1785-1859)", RHAF, 3 (1949-1950) : 537-555. 1. Histoire de Montréal depuis son origine jusqu'à nos jours (Lamothe et al.), 202. Nicolas M.-Desrosiers
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