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La période révolutionnaire de 1837-1838 donne naissance à une presse qui veut atteindre le peuple, mais surtout l'orienter. Telle est l'histoire du Populaire (Beaulieu et Hamelin,1973: 98) Le Populaire débute sa publication le 10 avril 1837. L'équipe qui le crée est composée du fondateur et propriétaire Léon Gosselin, d'un autre propriétaire, Clément-Charles Sabrevois de Bleury, des imprimeurs John Lovell, Ronald Macdonald et Joseph Guibord et du rédacteur Hyacinthe (Poirier) Leblanc de Marconnay. Il est à noté que, dans la catégorie des imprimeurs, pour des raisons inconnues, Lovell et Macdonald cessent d'imprimer le journal qui ne paraît pas du 16 mars au 12 avril 1838. C'est à ce moment que Guibord, à la demande de Marconnay, décide de l'imprimer, mais avec la prudence de l'anonymat, jusqu'au 2 mai 1838 (Beaulieu et Hamelin,1973: 93-94).
Ce journal bihebdomadaire ne présente pas une facture particulière. Sur ses quatre pages s'aligne la matière propre aux journaux de l'époque. La place des affaires provinciales que suscitent les événements d'alors y prend une place prépondérante (DBC :382). Malgré sa structure changeante, on y retrouve de la poésie et de la littérature canadienne, des articles sur les affaires du Canada, des correspondances, souvent des lettres d'opinion sur la situation canadienne, une rubrique variété, des annonces, les affaires religieuses, des listes de noms de gens qui doivent des rentes et des chroniques sur les conditions du journal.
Dans le contexte des rébellions, Le Populaire tente de garder le juste milieu. Il est en faveur du respect des autorités en place, mais il considère de son devoir de les critiquer et de les éclairer. Selon Le Populaire, tous les malheurs viennent des extrémistes; la ligne de partage de ses sympathies n'est donc pas de nature ethnique. Après avoir soutenu l'action de Papineau, il la combat et condamne l'insurrection, tandis que sous Colborne il se rapproche des Patriotes. En fait, Le Populaire tente de défendre une position centriste et modérée mais, comme il réagit coup par coup, son combat le porte parfois un peu plus à droite ou en peu plus à gauche. (DBC :383).
Il est vrai que par ses articles contre l'insurrection, il est qualifié de loyaliste. Par exemple, on peut y lire un article sur le rassemblement de la Place d'Armes qui dénigre les Fils de la Liberté. Il dénonce l'illégalité de l'association, les discours qui ne peuvent tenir la patrie paisible et la réaction exagérée des Patriotes contre les enfants, d'après ses sources, qui lançaient des roches (Le populaire nu.91). De plus, on y publie un article sur la conduite infâme de Papineau qui fuit pour ne pas être emprisonné (Le populaire nu.95). En outre, les listes publiées deviennent l'objet de délation des coupables (patriotes) restant à punir (Le Populaire nu.103). Enfin, comme dernier exemple du loyalisme du journal pendant l'insurrection, un article dénonce les vols et l'esprit de vengeance des Patriotes (Le Populaire nu.98).
La position du journal l'oblige à réitérer sa profession de foi: "Le Populaire est libéral par son essence, et loyal par ses effets; il offre au bon gouvernement tout l'appui qu'il doit attendre des sujets qui n'envisagent que la prospérité d'un pays" (DBC :383). Le Populaire a subi les contrecoups d'une conjoncture difficile. Il apparaît le jour où sont connues dans le Bas-Canada les résolutions de Lord John Russell, et sa disparition coïncide avec le départ de Lord Durham pour l'Angleterre (DBC:383). Il a passé à travers le temps en imprégnant une ambiguïté dans l'esprit des gens au sujet de sa position politique (Beaulieu et Hamelin,1973:103).
Linda Marcotte
Beaulieu,A., Hemelin, J., La presse québécoise des origines à nos jours, Tome Premier 1764-1859, Québec, PUL, 1973, 268p.; Leblanc de Marconnay, H., Le Populaire, Montréal, Lovell-Macdonald, 1837-1838. ; Paquin, M et H. Filteau, DBC, vol. 7, Québec, PUL, 1988, 1166p..
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