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Fondé en 1832 par Pierre-Édouard Leclère et John Jones, L'Ami du peuple de l'ordre et des lois s'avère être un des journaux loyaux francophones les plus importants à l'époque des troubles. Il a pour mission de " maintenir le peuple dans l'ordre et le guider dans le dédale des questions à résoudre " (L'Ami du Peuple, Beaulieu et Hamelin, 1973 : 89). Il aura comme premier rédacteur Michel Bibaud, qui sera vite remplacé en 1833 par Alfred Rambau, journaliste ayant fait son apprentissage du métier dans la région de New York. La plume de ce dernier n'est pas des plus agressives. Il préfère semer le doute, discréditer un adversaire à l'aide d'anecdotes compromettantes ou qui le rendent ridicule. Les rédacteurs présentent leur journal comme étant modéré et neutre; " ami des droits et des libertés constitutionnelles [sic] du Peuple, tout en respectant les justes prérogatives de l'autorité, il ne veut être l'instrument d'aucun parti " (L'Ami du Peuple..., 22 juillet 1832). Cependant, il appert que " les justes prérogatives de l'autorité " soit la principale préoccupation de l'Ami du Peuple puisqu'il sympathise avec le parti bureaucrate. Les thèses défendues par Rambau tournent autour de trois pivots principaux; le peuple n'est pas malheureux, l'indépendance du Bas-Canada est une absurdité et l'union aux États-Unis constitue un suicide collectif (Beaulieu et Hamelin, 1973 : 74).Derrière les noms officiels de Leclère et Jones apparaissant au journal comme dirigeant de L'Ami du Peuple..., se cache en vérité celui de l'abbé Joseph-Vincent Quiblier, supérieur du Séminaire de St-Sulpice. En effet, à cette époque, l'ordre des Sulpiciens négocie avec les autorités britanniques pour faire reconnaître leurs droits de propriété au Canada. Quiblier estimait donc qu'il serait tout à l'intérêt de son ordre de démontrer ouvertement sa loyauté et son opposition aux idées et aux actions de Papineau et des Patriotes (Beaulieu et Hamelin, 1973 : 74). C'est Quiblier qui alla trouver Leclère et Jones pour les convaincre de fonder un journal loyal modéré. Le manifeste du journal publié dans son premier numéro affirme d'ailleurs que " L'Ami du Peuple sera aussi celui de la religion; il sera l'organe de la vérité sur laquelle cette Religion est basée, convaincu que, comme elle, cette vérité prévaudra " (L'Ami du peuple..., 22 juillet 1832). Et quand le journal annonce " qu'il se fera un devoir impérieux d'avancer, en tout, les vrais intérêts du pays " (Beaulieu et Hamelin, 1973 : 74), il est à propos d'y voir aussi l'intention de d'avancer, en tout, les vrais intérêts des Sulpiciens. Voilà qui explique en bonne partie la haine qu'entretiennent les Patriotes à l'endroit des Sulpiciens. Amédée Papineau déclare d'ailleurs dans son Journal d'un fils de la liberté que L'Ami du Peuple serait depuis longtemps " au royaume des morts, s'il n'était l'enfant gâté des bons Sulpiciens " (Beaulieu et Hamelin, 1973 : 74). L'animosité des dirigeants de L'Ami du Peuple envers les Patriotes était réciproque. Pierre-Édouard Leclère abandonnera son poste au journal en mai 1836 pour accepter celui de surintendant de la police secrète de Montréal. Il devient donc un agent à la solde du gouverneur et ainsi, un symbole actif de la répression envers le mouvement patriote (Beaulieu et Hamelin, 1965 : 57). François Bellemare BEAULIEU, André et Jean Hamelin. Les journaux du Québec de 1764 à 1964, tome 6, Québec, PUL, 1965.; BEAULIEU, André et Jean Hamelin. La presse québécoise des origines à nos jours, tome premier 1764-1859, Québec, PUL, 1973.; BIBAUD, Michel, L'Ami du peuple, de l'ordre et des lois..
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