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Parce qu'elle fut marquée d'une grande violence, l'élection de novembre 1834 dans le comté du Lac des Deux-Montagnes est restée célèbre. On a toujours pensé que les auteurs de cette violence avaient été les orangistes du haut du comté. C'est du moins ce que La Minerve et la tradition "patriote" avaient raconté. Cette élection avait vu la victoire de Girouard (de Saint-Benoît) et de Scott (de Saint-Eustache) sur Brown (de Saint-André) et Globensky (de Saint-Eustache). Ces deux derniers avaient concédé la victoire au Parti patriote avant la fin même de l'élection. Mais le journal L'Ami du Peuple, de l'Ordre et des Lois (financé par les sulpiciens) en donna une version bien différente, comme on peut le lire dans la présente chronique..."L'élection du comté du Lac des Deux-Montagnes s'est terminée, samedi dernier, par la retraite de MM. Brown et Globensky, qui, quoiqu'avec une majorité de voix, se sont trouvés forcés d'abandonner la lutte, en conséquence des actes de violence exercés par les partisans de MM. Scott et Girouard pour empêcher d'approcher au poll les électeurs disposés de voter en faveur de MM. Brown et Globensky". "L'ouverture du poll à Saint-Eustache ayant été fixée à jeudi matin, le 13 [novembre], à huit heures et demie, MM. Brown et Globensky, s'attendant à trouver le passage libre, se rendirent à la salle publique (lieu du poll), accompagnée de plusieurs électeurs, mais à leur grande surprise, ils rencontrèrent vis-à-vis la maison de M. Scott une troupe de gens armés de bâtons, à la tête de laquelle étaient le Dr Chénier, Neil Scott, frère du candidat, et plusieurs autres qui s'opposèrent absolument à ce qu'aucune autre personne que les candidats se rendit au poll." "Les amis de MM. Brown et Globensky furent obligés de rebrousser chemin, et les deux candidats s'y rendirent au milieu des bâtons levés sur leurs têtes et y furent introduits comme des prisonniers de guerre. Les électeurs désireux de voter en leur faveur tentèrent plusieurs fois de se faire un passage, mais ils furent constamment repoussés par les partisans de MM. Scott et Girouard, armés de bâtons, qui menaçaient de les tuer, et les insultaient de la manière la plus indigne." "Espérant avoir un meilleur sort le lendemain, ils restèrent au nombre de deux à trois cents dans les maisons du village, attendant du rendort de la partie ouest du comté pour les aider à se faire un chemin au poll; mais ces gens qu'on attendait étant très éloignés, arrivèrent un peu tard... Les partisans de MM. Scott et Girouard apprenant dès jeudi qu'on avait demandé de l'aide, envoyèrent aussi de toutes parts pour en chercher et se trouvèrent en grand nombre vendredi matin, tous armés de pierres et de bâtons, arrêtant tous les passants et les obligeant à rebrousser chemin, les frappant même eux et leurs chevaux, s'ils voulaient résister." "La soirée de jeudi ne se passa pas sans orage. Les partisans ou scélérats de MM. Scott et Girouad étant informés que nombre de citoyens paisibles qui venaient pour donner leurs votes à MM. Brown et Globensky logeaient chez un boucher du village, s'y rendirent en foule et brisèrent les contrevents, les portes, les fenêtres, entrèrent dans la maison et en brisèrent aussi les meubles, enlevèrent l'argent et autres articles qui s'y trouvaient, frappèrent une jeune fille à coups de bâton, renversèrent le poêle par terre et laissèrent le feu étendu sur le plancher, ce qui aurait consumé la maison et une partie du village en peu de temps, si quelques personnes du parti opposé ne l'eussent éteint immédiatement.
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