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JOURNAL DE VOYAGE EN EUROPE Louis-Hippolyte LaFontaine, Texte présenté par Georges Aubin, Les cahiers du Septentrion, Québec, 1999, 154 pages.
SOUVENIRS D'UN PATRIOTE EXILÉ EN AUSTRALIE par Hyppolite Lanctôt, Introduction par John Hare et Renée Landry, Les cahiers du Septentrion, Québec, 1999, 220 pages.
Louis-Hippolyte Ménard, dit LaFontaine du nom de sa mère, Fontaine, est né à Boucherville en 1807. Fils de menuisier, il a fréquenté le Collège de Montréal jusqu'à la fin des belles-lettres. Après un stage chez un avocat, il a passé l'examen du Barreau et est devenu député de Terrebonne à 22 ans. Il allait accéder au poste de premier ministre du Canada dans une période trouble, en 1848.
Ce leader naturel insista pour transférer la capitale du Canada de Kingston à Montréal, mais le Parlement de Montréal fut incendié par les tories après qu'il eut fait adopter une loi d'indemnisation pour les victimes des insurrections de 1837 et 1838. Lui-même fut attaqué par les loyalistes en armes, à son domicile, et il est sorti démoli de cette crise décisive où Montréal a tout perdu. En 1852, désabusé, l'homme se retira.
On lira avec intérêt ce journal de voyage en Europe, rédigé pendant l'exil forcé de six mois, à partir de décembre 1837. LaFontaine partit pour éviter l'emprisonnement comme tous les députés canadiens, par opposition à ceux qu'on appelait les British Americans. Pourtant, LaFontaine n'avait pas pris les armes, nourrissant une grande prudence quant à la direction des insurgés.
Ce diplômé du Collège de Montréal, surnommé la "grosse tête" par ses collègues, gravita dans le sillage de Papineau et attaqua le gouverneur Aylmer. Il participa aux réunions de la librairie Fabre, rue Saint-Vincent, avec Papineau, O'Callaghan, Rodier, Charles-Ovide Perrault et George-Etienne Cartier.
Georges Aubin le présente ainsi: "LaFontaine, jusqu'en novembre 1837, est un fier bagarreur, un fervent Papineauiste, un juriste éclairé et perspicace. Qu'en sera-t-il ensuite?" Ce député est un réaliste. En quittant Londres, il écrit le 25 mars 1838:"Je suis convaincu que le peuple américain souhaite ardemment l'indépendance des colonies du Nord, de tout pouvoir européen. Mais, à moins que le gouvernement même des Etats-Unis n'intervienne ouvertement, au risque certain d'une guerre avec l'Angleterre, les mouvements qui paraissent avoir lieu dans la partie supérieure du Haut-Canada deviendront entièrement inutiles. Et il est évident que les deux gouvernements éviteront, autant que possible, de s'engager dans une guerre. "
Le chemin de l'exil.
Même s'il s'est tenu loin des Fils de la liberté, LaFontaine a dû s'exiler. En raison de sa distanciation par rapport aux insurgés en armes, il a pu se rendre à Londres, de New York, pour assister aux discussions sur la politique coloniale à la Chambre des communes. aFontaine avait traversé le fleuve en canot, louvoyé à Saint-Michel-de-Bellechasse pour se rendre à Sainte-Marie-de-Beauce et prendre le chemin du Maine. Il longea la rivière Kennebec pour atteindre Augusta et New York. C'est là qu'il passa le jour de l'An 1838, avec Papineau et le leader des insurgés irlandais de Montréal, O'Callaghan. Le jour de son départ pour l'Angleterre, LaFontaine apprit l'arrestation de son ami, le député de Deux-Montagnes, Jean-Joseph Girouard. Dans la métropole coloniale, il établit des relations avec Henry Chapman, l'éditeur du Montreal Daily Advertiser, qui le présenta à l'oncle de lord Durham, au secrétaire de celui-ci, et qui l'amena aussi à la Chambre des communes. Ainsi LaFontaine fit-il ses classes sur le Colonial Office et se rapprocha-t-il de l'opposition réformiste. Sur le point "être arrêté, il partit pour la France où il séjourna aussi deux mois, y fréquentant l'Assemblée nationale.
Il écrivit: "Puisque les moeurs font les lois, on ne peut s'empêcher d'observer que, sous ce rapport, la France est éminemment démocratique, tandis que l'Angleterre, considérée sous le même point de vue, est essentiellement aristocratique." A son retour, LaFontaine goûta néanmoins à la prison du 4 novembre au 13 décembre 1838, au Pied-du-Courant. Il fut ostracisé comme tous les députés de langue française.
Les documents de l'histoire
Le manuscrit de LaFontaine, conservé à la bibliothèque du Séminaire de Québec jusqu'à son transfert au musée de l'Amérique française, a été repéré par Le Septentrion, qui le publie à la suite des Lettres de Siméon Marchesseault à sa femme et des Souvenirs de jeunesse d'Amédée Papineau. Georges Aubin présente ainsi son neuvième journal de Patriote. En même temps, John Hare et Renée Landry lancent le journal d'Hyppolite Lanctôt, l'un des 58 Patriotes envoyés en Australie les fers aux pieds. L'arrière-arrière-petite-fille de Lanctôt présente le notaire de 22 ans, qui a dirigé une colonne de Patriotes à la bataille d'Odeltown, sur la frontière américaine. Durant son procès, le notaire de Saint-Rémi allégua l'illégalité de ce procès, invoquant l'acte d'Irlande de 1798.
Condamné à mort, puis expédié au bout du monde, il passa cinq années au camp, après un an à la prison de Montréal; vers la fin de sa vie, avant de mourir, il décrit à ses enfants la marche de l'insurrection, son arrestation, son procès et son exil. La lecture des Souvenirs de Lanctôt permet de prendre la mesure des visée des Patriotes sur toute la rive sud du Saint-Laurent, à l'ouest de la rivière Richelieu. Le notaire Cardinal de Châteauguay, le notaire Decoigne de Saint-Philippe, le notaire Duquette de Saint-Edouard, le notaire Huot de Napierville, le notaire De Lorimier à Beauharnois participent tous à cette insurrection avec les frères Sanguinet, seigneurs de La Prairie. Au moment de la retraite de Lanctôt avec 800 hommes, près de Lacolle, Colborne fonce avec 3200 soldats britanniques et 1200 loyalistes écossais du Haut-Canada pour les écraser.
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