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Cette fresque est l’œuvre du céramiste Jean Cartier et se
trouve à la station Papineau du métro de Montréal, inaugurée
le 14 octobre 1966. La fresque a été retiré en 2009, puis
réinstallée et restaurée en janvier 2011. Il s'agit d'une
oeuvre magnifique et imposante, toute à l'honneur du célèbre
homme politique, Louis-Joseph Papineau (1786-1871).
De Papineau, Cartier fait le choix de
n'illustrer que la lutte menée par les patriotes de 1837.
Sur le mur du fond, le panneau central
qu’on voit ici commémore Louis-Joseph Papineau, tandis que
sur les parois latérales du tunnel, deux fresques
constituent un récit des événements de la rébellion de 1837.
1) Cette partie de la fresque évoque les grades dans la
hiérarchie militaire des Frères chasseurs. Sous les ordres
d’un «aigle», équivalent de brigadier général, on retrouvent
deux « castors » ou capitaines, commandant chacun à cinq «
raquettes » ou caporaux (ici six), commandant eux-mêmes
chacun à neuf « Chasseurs » ou simples soldats.
2) Aigle de la liberté, en frontispice de la «Déclaration
aux jeunes gens de l’Amérique», adoptée par l’Association
des Fils de la Liberté à Montréal le 4 octobre 1837.
3) Colonne de la Liberté érigée à Saint-Charles le 23
octobre 1837 lors de l’Assemblée des Six-Comtés et sur
laquelle était inscrit « 1837, À Papineau ses compatriotes
reconnaissants».
4) Louis-Joseph Papineau dans la pose classique du tribun
indiquant au peuple la voie à suivre. Apparemment une
adaptation libre du «Papineau à l’Assemblée de
Saint-Charles» de Charles William Jefferys, Archives
nationales du Canada, Ottawa (C-073725)
5) Groupe de paysans canadiens acclamant leur chef et
brandissant diverses bannières, dont le drapeau dit de
Saint-Eustache, orné d’une branche d’érable et d’un
Maskinongé.
Les éléments 6, 7, 8 et 9 illustrent des lieux de mémoire
consacrés aux Patriotes et intégrés à une carte du sud du
Québec.
6) Le Manoir de la seigneurie de la Petite-Nation
(Montebello, sur l’Outaouais) que Papineau fait construire
entre 1848 et 1850 et où il décède en 1871.
7) Le village de Saint-Eustache, ravagé lors de la bataille
du 14 décembre 1837. On distingue l’église, construite entre
1780 et 1783 et classée monument historique en 1970, et le
monument Chénier, une stèle en granit ornée d'un bas-relief
en bronze à l'effigie de Jean-Olivier Chénier et placé
devant l’église.
8) Au centre-ville de Montréal, à côté de l’ancienne prison
du Pied-du-Courant, le monument aux Patriotes, «La Liberté
aux ailes brisées», une œuvre d’Alfred Laliberté érigée en
1926 et évoquant la lutte parlementaire (Papineau), la lutte
militaire (Nelson) et le sacrifice des Patriotes morts sur
l’échafaud (DeLorimier).
9) On indique ici l’emplacement des villages de Saint-Denis
et de Saint-Charles. Clairement une erreur s’est glissée
puisque les deux villages sont placés sur la rive
occidentale du Richelieu et dans leur ordre inverse du nord
au sud. On reconnaît en effet dans le haut le monument aux
Patriotes de Saint-Charles, érigé en 1937 et marqué de la
mention «1837-1937, Gloire aux patriotes; Assemblée des
Six-Comtés», et dans le bas le monument à la victoire de
Saint-Denis, érigé en 1913 et où il est inscrit «Honneur aux
Patriotes»
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1)
Cette première scène sur le panneau Ouest montre des
bourgeois anglais (notez la présence de l’Union
Jack) semblant exploiter les paysans. Vêtus à la
mode de 1880 et non à celle de 1830, ces bourgeois
représentent bien l’archétype du bourgeois dodu et
égoïste. L’artiste veut montrer que l’origine de la
crise est bien sociale et tire sa source d’une
répartition inégale des richesses. |
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2)
Cette scène est moins claire et semble illustrer
l’alliance entre le paysan et l’ouvrier ou, pourquoi
pas, de l’Irlandais avec le Canadiens français.
Plus
probablement, elle représente la réunion de jeunes
patriotes au sein de l'Association des Fils de la
Liberté, créée en août 1837. |
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3)
Cet affrontement avec un soldat anglais autour du
mot DÉFENSE semble illustrer les crises de 1832
quand les journalistes Ludger Duvernay et Daniel
Tracey furent injustement emprisonnés et qu’une
élection partielle à Montréal se solde par la mort
de trois patriotes tués par l’armée. |
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4)
Représentation du premier banquet de la
Saint-Jean-Baptiste à Montréal, le 24 juin 1834. |
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5)
Placardage des 92 Résolutions. On est donc à l’hiver
de 1834, en principe avant la scène précédente. Il
n’y a pas eu de placardage des résolutions ailleurs
que dans le Journal des débats et sur la pétition
envoyée à Londres. Cette représentation semble tenir
à la fois de la fameuse image représentant Martin
Luther affichant ses 95 thèses dénonçant la ventes
des Indulgences, et à la fois du dessin bien connu
de Henri Julien représentant le patriote
Jules-Napoléon Duschenois arrachant la déclaration
Gosford du 15 juin 1837. |
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6)
Clairement il s’agit d’une assemblée patriote, ici à
Saint-Benoit dont on reconnait l’église au fond et
rapporté par un dessin du notaire Jean-Joseph
Girouard. On reconnait d’ailleurs au premier plan le
drapeau de Saint-Eustache si caractéristique. C’est
la seconde utilisation de ce drapeau dans l’œuvre de
Cartier. En revanche le drapeau tricolore dit de
Saint-Charles n’y apparait nulle part. |
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7)
Papineau à l’Assemblée des Six-Comtés, à
Saint-Charles le 23 octobre 1837. On reconnaît à
l’arrière la colonne de la Liberté, également
illustrée dans le panneau central, ainsi que la
rivière Richelieu à l’arrière. |
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8)
La bataille entre les membres du Doric Club et les
Fils de la Liberté, à Montréal le 6 novembre 1837.
On reconnait à l’arrière les deux tours de l’église
Notre-Dame. |
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9)
La victoire de Saint-Denis du 23 novembre 1837 dont
on reconnait vaguement l’église à l’arrière. L’armée
anglaise est clairement en fuite mais l’artiste fait
curieusement le choix de placer les protagonistes
sur deux rives différentes du Richelieu. |
Habilement mise en scène, l’œuvre de Cartier présente sur
chacun des côtés de la passerelle les deux côtés de la
médaille de la rébellion de 1837. D’abord les victoires sur
le panneau Ouest, puis les défaites sur le panneau Est.
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1)
Défaite de Saint-Charles du 25 novembre 1837. Le
paysage illustré est trop vallonné. L’artiste
perpétue ainsi l’erreur d’un autre célèbre artiste,
Charles Beauclerk, qui illustre aussi la bataille de
Saint-Charles entourée de collines. |
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2)
Rencontre de Jean-Olivier Chénier et Amury Girod
avec des autochtones de l’habitation d’Oka dans le
comté de Deux-Montagnes, le 4 novembre 1837. Les
autochtones refusent alors de céder leurs armes aux
Patriotes. |
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3)
Scène de destruction de la part de l’armée anglaise.
S’il faut respecter la logique chronologique, il
doit s’agir de la dévastation du village de
Saint-Denis, visité par l’armée anglaise le 2
décembre, dix jours après la défaite du colonel Gore
devant les patriotes de Wolfred Nelson. |
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4)
Mouvements de l’armée anglaise vers le comté de
Deux-Montagnes. |
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5) Les
troupes anglaises affrontent les patriotes sur la
rivière des Mille-Îles gelée devant le village de
Saint-Eustache. Cartier reprend ici l’œuvre de
Charles Beauclerck qui a aussi illustré la bataille
du 14 décembre 1837. |
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6) Les
patriotes offrent leur reddition aux troupes
anglaises. Cette scène a pu se produire à bien des
endroits, notamment à Saint-Benoit le 15 décembre,
ce qui n’a toutefois pas empêché l’armée de bruler
tout le village. |
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7)
Lecture d’une proclamation qui semble bien
accueillie. Sans doute la proclamation de lord
Durham, du 14 juin 1838 qui déclare l’amnistie de
tous les prisonniers sauf huit exilés aux Bermudes. |
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8)
Dans une fin assez brusque mais prévisible,
l’artiste imagine une scène de réconciliation entre
un soldat anglais et un patriote. C’est là faire une
part bien mince pour la rancœur qui demeure et,
surtout, complètement laisser sous silence le
nouveau soulèvement qui explose à l’automne de 1838
et mené par des patriotes exilés aux États-Unis.
Gilles Laporte |
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