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Gilles Laporte (à droite) recevant le prix de patriote de l'année remis par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal en compagnie de précédents récipiendaires : MM. Robert Laplante, Bernard Landry et Georges Aubin.
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Soyez les bienvenus à la Maison Ludger-Duvernay. Sentez-vous comme moi à quel
point l’histoire suinte de toute part autour de nous? Imaginez, la Société
Saint-Jean-Baptiste, celle-là même fondée par les patriotes en 1834,
instigatrice de tant d’institutions, de la Fête nationale au Prêt d’honneur, en
passant par la croix sur le mont Royal! À commencer par le portrait du
fondateur, Ludger Duvernay, juste derrière moi; et tous ces présidents
successifs, illustrés dans les vitraux. Cette ambiance me pèse autant qu’elle
m’enchante à chaque fois que j’y entre, comme le rappel d’une responsabilité
nationale. C’est vous dire combien m’accable l’insigne honneur qui m’est accordé
aujourd'hui.
J’aime terriblement mon pays, ses habitants et leur histoire, mais je n’ai guère
d’autre mérite. Historien du Québec en plus, c’est dire combien je sais
l’étendue de la carrière de chacun des lauréats qui m’ont précédé à titre de
patriote de l’année. C’est donc dire à quel point leur compagnie me paraît
disproportionnée, presque insoutenable.
Je dois confier que j’ai d’abord refusé ce titre, puisque je suis évidemment
dépourvu de la visibilité médiatique qui, de nos jours, permet seule de porter
un message jusqu’au cœur du grand public.
Puis je suis retourné voir la liste des récipiendaires, les précédents patriotes
de l'année.
J’y ai vu de grands hommes d’État, des créateurs, des chefs syndicaux, des
journalistes, mais, mais, pas d’enseignant, pas de prof…
• Marcel Chaput, père de l’indépendance moderne
• Jean Duceppe, patriote des artistes
• Camille Laurin, patriote de la langue française
• Georges Aubin, patriote de l’histoire
• Luck Mervil, patriote de la chanson
• Bernard Landry, patriote de l’économie d’un Québec souverain
• Loco Locass, patriotes de la poésie
• Pierre Falardeau, patriote tous azimuts
• Hélène Pedneault, patriote de la cause féminine
Or le métier le plus important, essentiel pour que naquit l’étincelle chez
chacune de ces personnalités exceptionnelles, il ne figurait pas dans la liste.
Je serai donc le patriote de l’éducation !
Un honneur que je tiens à partager avec tous les enseignants d’histoire du
Québec, en particulier avec ceux qui sont ici ce soir.
Les colonnes du temple : la langue et l'histoire
En marge du sempiternel débat sur la meilleure voie à suivre en vue de notre
grand rendez-vous avec l'Histoire, je suis heureux que la Société
Saint-Jean-Baptiste voie en attendant à préserver les ferments de notre identité
nationale : la langue bien sûr, mais aussi l'histoire, ce corps de valeurs et de
faits qui soudent le sentiment d'appartenance autour d'une mémoire commune.
Or comment mieux rappeler le rôle clé de la préservation de notre langue et la
promotion de notre histoire que de faire un petit rappel sur 1839 et le rapport
Durham. De Durham et son rapport on a dit beaucoup de choses, mais une
essentielle semble parfois nous échapper :
« C'est pour les tirer de leur infériorité que je veux donner aux Canadiens
notre caractère anglais. »
« Je le désire pour l'avantage des jeunes instruits que la différence du langage
et des usages sépare du vaste Empire auquel elles appartiennent. »
« Je désire plus encore l'assimilation pour l'avantage des classes inférieures.
S'ils essaient d'améliorer leur condition, en rayonnant aux alentours, ces gens
se trouveront nécessairement de plus en plus mêlés à une population anglaise ;
s'ils préfèrent demeurer sur place, la plupart devront servir d'hommes de peine
aux industriels anglais. »
Cette condescendance colonialiste ne doit pas masquer le fait que Durham
considérait vraiment faire une proposition généreuse au peuple québécois en lui
offrant l'identité et la langue anglaise. C'est là essentiel pour rappeler à
quel point depuis une partie de notre élite s'est laissée séduire par ce miroir
aux alouettes consistant à joindre la civilisation anglo-saxonne, riche et
apparemment promise à un jour dominer tout le monde développé.
Depuis, le destin de notre collectivité demeure et demeurera toujours un fil
tendu au-dessus de l’abîme.
J’aime à comparer l'aire culturelle du Québec à une patinoire de hockey. Pendant
que les collaborateurs du régime fédéral font des vrilles et des doubles saltos
arrière à Ottawa et à Québec, prétendant que la glace est excellente et que ni
notre langue ni notre identité ne sont menacées, les résistants, ceux-là
conscients de la fragilité de notre position, s’échinent pendant ce temps à
passer la gratte et à tasser la neige parce qu'ils savent, eux, que la patinoire
rétrécit continuellement. Parmi eux, les artistes, les comédiens, ceux aux
devants de la scène de la lutte contre l'assimilation et l'acculturation. Ces
artistes d'ailleurs, si nombreux et de bon droit parmi les patriotes de l'année.
Parler français reste et demeurera toujours un geste militant, dont nous payons
tous collectivement le prix, mais que nous choisissons quand même de léguer à
nos enfants. Ils me font rire ceux qui prétendent que le français n’est pas en
danger. Notre langue sera toujours menacée, pour la simple raison qu’il y aura
toujours un prix à payer pour le parler; un prix que certains dédaignent à
payer, au nom de l'efficacité, au nom de la rentabilité ou au nom de la
mansuétude multiculturelle. Parler français est même un geste effronté. Ceux qui
croient pourtant qu’on peut baisser la garde se bernent lourdement car le chant
de sirène de lord Durham résonne plus que jamais en 2010.
Est-ce à dire que parler français n’est pas rentable ?
Et c’est là qu’on attrape Durham. En Amérique du Nord, il y a deux endroits pour
les productions publicitaires : Los Angeles et Montréal, parce qu’il y ici un
satané peuple qui n’aime pas les publicités traduites et qui tient trop à ses
vedettes locales. Le fait français est donc responsable de la toute première
industrie québécoise, celle des communications. Alors que le Canada anglais se
contente, béat, de la culture américaine, notre pied de nez à lord Durham
rapporte des milliards à l’économie du Québec dans les domaines de la
télévision, de la radio, d’Internet, des magazines, du cinéma, parce qu’il y a
ici un peuple fier et capricieux qui n’accepte pas le prêt-à-penser que lui
balance la world culture.
Reste que, depuis, la sentence de Durham et le tic tac de l'assimilation
résonnent en sourdine à l'arrière de notre vie nationale.
Depuis, guère que deux attitudes possibles : résister au nom de valeurs dignes
d'être préservées, ou collaborer au nom du cosmopolitanisme et du progrès,
quitte à jeter au feu les racines de notre identité collective. Depuis 1840,
notre élite déchirée entre ces deux issues.
Rendons tout de même hommage à une première génération de collabos, celle des
LaFontaine, Morin, Chauveau ainsi qu'à notre clergé, y compris ces vilains
castors. Plongés dans le régime de l’Union, ils devaient d’abord s'évertuer à
sauver les meubles et assurer la survie nationale.
J’ai encore de l’estime pour ces Canadiens-français qui ont ensuite fait
carrière à Ottawa au temps de Wilfrid Laurier, Louis-Olivier Taillon, Israël
Tarte. Ils vivaient encore dans le mythe du pacte entre deux nations; sous
l’impression que le fait français avait sa place dans un Canada bilingue. Je
pardonne encore à Athanase David, Édouard Lacroix, T-D Bouchard - ce cher T-D
Bouchard - : des humanistes épris de justice, qui avaient le cœur à gauche et
qui ne voyaient pas que l’interventionnisme d’Ottawa durant la Guerre allait
crisper le Québec et le livrer à Duplessis.
Mais j’ai moins d’estime pour les fripouilles de l’après-guerre, les sous-fifres
de Louis Saint-Laurent : ces Guy Favreault, Maurice Sauvé, Éric Kierans. Puis
ces fats intellectuels a qui Pierre Elliott Trudeau allait s'empresser de donner
sa caution morale : Marc Lalonde, André Ouellet, Jean-Luc Pépin, Yvon
Charbonneau, Pierre Petitgrew, Stéphane Dion…
Tous d’honorables ministres, couverts d’honneurs, dont la descendance garde
précieusement les tableaux de famille. Des collabos certes, mais qui prétendront
toujours avoir dignement représenté le Québec. Or quelle est leur contribution
tangible à l’avancement du Québec? Nulle. Que reste-t-il de leur rêve d’un pays
bilingue? Rien. De leur héritage intellectuel? Parfois beaucoup de bonne foi,
mais en regard de l’Histoire, une contribution qui avoisine le néant. De toute
façon, la cause est entendue pour mes étudiants : ils n'en (re)connaissent
aucun.
D’ailleurs où est le talent? Ça fait cinquante ans que toutes les femmes et les
hommes marquants sont presque tous associés à l’affirmation du Québec et à la
résistance à l'acculturation… Cinquante ans que tous les talents du Québec se
rallient à la cause de l’indépendance.
Regardez simplement la liste des patriotes de l’année, Louis Laberge, Serge
Turgeon, Jean-Claude Germain, Paul Piché. Gérald Larose, Yves Michaud, Pierre
Falardeau, Georges Aubin, Bernard Landry, Hélène Pedneault. Quel aréopage de
géants! Cette liste supplante n’importe quelle Médaille du Gouverneur général,
fondation Molson ou Société royale du Canada.
Et ça fait cinquante ans que ça dure.
Même André Pratte doit reconnaître en éditorial que le talent politique au
Québec se retrouve presque en entier aux côtés de la cause souverainiste et
nullement dans le camps fédéraliste. Et Jean-François Lisée faisait récemment
remarquer à quelles dérisoires créatures politiques nos leaders nationalistes
ont eu à faire face en leur temps :
Quelqu’un se souvient-il de l’adversaire politique de René Lévesque durant les
années 1980? Un certain Claude Ryan...
Qui faisait trembler un Jacques Parizeau dans les sondages ? Daniel Johnson…
fils
L’adversaire d’un Lucien Bouchard au Bloc québécois?… Jean Chrétien
Et l’adversaire d’un Bernard Landry… Jean Charest, triste sir.
Des nains politiques, d’infimes contributions à l’histoire du Québec et, dans
bon nombre de cas, une persistante odeur de corruption.
Or, qu’on ne s’y trompe pas, l’histoire s’écrit sous nos yeux et elle juge sans
appel : ceux et celles qui ont laissé leur marque et dont l’action demeure digne
d’intérêt sont pratiquement tous issus du clan nationaliste. C’est une question
de talent mais c’est aussi ça être dans le sens de l’histoire.
Qu’on y pense, Robert Bourassa a été premier ministre du Québec pendant 14 ans
et Jacques Parizeau pendant un an à peine. Or une biographie de Robert Bourassa
est sortie hier - un excellent livre au demeurant - quant au livre de Jacques
Parizeau, il roule depuis un an. Devinez lequel va se vendre le plus!
Bernard Landry a été premier ministre du Québec pendant deux ans. Un bilan
législatif remarquable, équilibre budgétaire, la paix des Braves, le sauvetage
de la Kenworth, la Cité du Multimédia.
Comparez un instant ce bilan aux sept années au pouvoir de Jean Charest… Grand
bâtisseur autoproclamé…
Au moment où je vous parle : MNQ, MSQ, SSJB, Libre marcheur, RPS, P I, Parti
québécois, Bloc québécois, Québec solidaire : autant d’écuries de pur-sang,
autant de pépinières, où les talents rivalisent, au point même de rivaliser au
plan de l’intensité. J’entre à mon aise dans chacune de ces écuries. J’aime
respirer le même air que ces militants qui piaffent en attendant notre prochain
rendez-vous avec l’Histoire. Des idéalistes, diplômés comme jamais, animés d’une
fois trempée. Ça travaille et ça milite sans compter, avec intelligence et à la
fine pointe de la technologie.
Pendant ce temps, les fédéralistes ont du mal à trouver un candidat capable de
nouer son nœud de cravate. Une belle collection de sans-talent dont la seule
idée de génie a été d'un jour d’établir le lien entre le fédéralisme et leur
promotion personnelle.
Quand j’enseigne l’histoire du Québec, je rappelle que la corruption politique
est malheureusement un problème ancien au Québec, sauf quand les souverainistes
sont au pouvoir, sauf quand René Lévesque adopte la loi sur le financement des
partis, sauf quand un parti et son chef se mettent à l’écoute la population.
Le Parti libéral du Québec a toujours été financé par les grandes entreprises;
il ne sait faire que ça, tout simplement parce qu’un authentique militant
libéral, animé d’un idéal, porteur d’un projet de société pour le Québec, bien
ça n’existe plus!
Décrochage scolaire
Ce très long préambule pour vous dire combien je me sens embarrassé au moment
d’entrer dans un tel panthéon. Je serai donc le patriote de l'éducation.
Décrochage scolaire. Jean Charest plante les parents. La belle affaire! On sait
depuis longtemps que ça prend tout un village pour élever un enfant.
Que le Parti québécois pointe le sous-financement de l’éducation est essentiel.
Que l’ADQ soulève la question de la bureaucratie est judicieux, que Charest
choisisse, lui, d’ostraciser les parents n’est pas dénué de fondement. Mais qui
au juste s’intéresse à ce qu’on enseigne et à son impact sur la persévérance?
Qui en somme ose plonger à pleines mains dans cette pâte molle qu’on appelle les
programmes pédagogiques et poser la question de leur impact sur le décrochage
scolaire?
Le Renouveau pédagogique a sans doute des mérites, le problème est qu’on les
cherche encore. En attendant ses effets délétères sont bien tangibles :
accroissement du décrochage, surtout chez les gars; dévalorisation des
connaissances, surtout en histoire, en géographie et en politique; plafonnement
de la filière technique, celle-là même où les besoins de main-d’œuvre sont
criants.
Pensez juste à la motivation des garçons. Il y a des didacticiens qui croient
sérieusement que la pédagogie par projet sur un mode coopératif allait les
électriser. Or, tous les enseignants présents ici savent pourtant que le travail
d’équipe est une discipline où performent d’abord les filles; des filles
extraordinaires, qui en mènent large et qui déploient toujours davantage leurs
talents. Fondus dans une équipe et soumis à une pédagogie féminine, les gars ont
l’air perdus, longeant les murs pour ne pas se faire remarquer.
Motiver les gars, on sait pourtant depuis longtemps comment y faire :
offrez-leur des défis, misez sur leur esprit de compétition, tablez sur leur
polyvalence, sur leur individualisme, faites les bouger, laissez-les courir dans
les corridors. Enfin, donnez-leur des modèles positifs, des héros, dont leur
histoire est pourtant remplie, de Papineau à Maurice Richard. Or, défis,
compétition, individualisme, défoulement physique et une histoire héroïque,
c'est exactement le contraire de ce que prône la réforme actuelle.
Comment des bureaucrates ont pu un instant penser de la sorte enrayer le
décrochage scolaire?!
Entre-temps le décrochage scolaire est devenu une catastrophe nationale. La pire
qui soit. Bravo aux soins de santé, mais les salles d’urgence sont des puits
sans fond. Pour chaque jeune qui décroche, c’est un prix inestimable que nous
payons collectivement, et pour longtemps.
Les gars décrochent parce qu’ils n’aiment pas l’école qu’on leur offre. Mais ils
décrochent aussi pour autre chose : l’argent, s’acheter un téléphone, un char…
Le patriote de l’année entend s'impliquer concrètement sur cette question
d'importance nationale, permettez-moi donc d’engager dès ce soir mon volet
législatif, ma propre Gouvernance souverainiste en somme. Sur le modèle des
assemblées patriotes, je vous déclare par la présente assemblée délibérante.
Le Patriote de l’année 2010-2011 prend officiellement position pour que
l’obtention du permis de conduire chez les jeunes de moins de 21 ans soit
conditionnelle à la réussite de ses études secondaires.
[adoptée à l’unanimité]
L'histoire dès le primaire
Avez-vous vu le programme d’histoire au niveau primaire? Logorrhée lénifiante,
moraliste, rédigée par on ne sait qui; école du relativisme qui choisit
d’étudier l’histoire à des moments où il ne se passe rien. L’histoire est la
science des ruptures et des continuités, pas un long fleuve tranquille. En ce
sens, Histoire présentée au niveau primaire et carrément déformée :
Comment voulez-vous décrire le désastre de la Conquête de 1760 quand on leur
enseigne que cette transition se fit en douceur ?
Comment voulez-vous expliquer la révolte patriote à des jeunes qui croient que
tout allait bien entre francophones et anglophones ?
Comment voulez-vous expliquer la Révolution tranquille à des jeunes à qui on a
appris que le Québec formait une société normale avant 1960?
Or il n’y a pas vraiment d’histoire au primaire. L’enseignement de l’histoire
n’y est que prescriptif et peut être tout aussi bien remplacé par d’autres
domaines d’univers social tels l’écologie, le multiculturalisme, la citoyenneté.
Le patriote de l’année propose de rétablir la discipline histoire au niveau
primaire et de miser sur l’acquisition de connaissances permettant d’identifier
les moments charnières de notre histoire et de souligner le rôle d’hommes et de
femmes exemplaires; des modèles positifs pour les jeunes. [adoptée à l’unanimité]
L'histoire nationale au niveau secondaire
Le contenu des cours au secondaire ressemble à l’heure actuelle à un fouillis,
désormais séparé en deux cycles. Au troisième secondaire l’élève voit l’histoire
du Québec de manière chronologique, au quatrième secondaire, la même histoire,
mais cette fois de manière thématique, par sujet. C’est n’importe quoi. C’est
redondant, fastidieux et démoralisant.
En plus l’histoire nationale est fondue avec formation à la citoyenneté, sorte
d’initiation à la diversité culturelle.
Le patriote de l’année propose donc que l’histoire nationale soit vue sur deux
ans de manière chronologique : des origines à la Confédération en secondaire
trois, et de la Confédération à nos jours en secondaire quatre.
[adoptée à l’unanimité]
Le patriote de l’année propose par ailleurs que le cours bizarrement appelé
Histoire et éducation à la citoyenneté s’appelle tout simplement Histoire de
l’histoire du Québec et du Canada, un point c’est tout.
[adoptée à l’unanimité]
Mais le pire c’est au cégep…
L’histoire est totalement exclue de la formation générale au niveau collégial.
Sur les douze grandes compétences supposées être acquises par les étudiantes et
les étudiants à la fin de leur parcours collégial, pas une seule ne fait
allusion ni à la culture historique des jeunes Québécois, ni à leur appartenance
à une nation de langue française et de culture distinctes en Amérique du Nord.
Sur les 111 pages du descriptif du programme de sciences humaines, le mot
«histoire» n’apparaît littéralement qu’à un seul endroit; en rapport avec le
cours sur la civilisation occidentale et, dans les 182 pages du descriptif de la
formation générale commune, le mot «Québec» n’apparaît qu’une seule fois, en
rapport avec le cours «littérature québécoise».
Au cégep, Histoire du Québec, ne représente que 10 % des cours d’histoire
offerts et n’est plus offert que dans douze cégeps sur 48. Conséquemment, en
2009, seuls 2424 cégépiens avaient suivi un cours d’histoire du Québec. C’est là
moins de 5 % des élèves.
Plus préoccupant encore que le sort réservé à l’histoire, c’est l’objet Québec
lui-même qu’on est en train de sortir des écoles. Là on parle carrément
d’espèces en voie de disparition : Fondements historiques du Québec, Sociologie
du Québec, Politique Québec-Canada, Économie du Québec et ses régions, Histoire
de l’art au Québec, autrefois des cours florissants dans les programmes
préuniversitaires, sont soit disparus des banques de cours, soit relégués au
choix en toute fin de parcours.
Le patriote de l’année propose donc l’introduction d’un cours à la formation
générale portant sur l’histoire, l’économie la géographie, la politique, et la
culture du Québec à un moment charnière, où un jeune de 17 à 20 ans fait
l’apprentissage du travail rémunéré, du syndicalisme, du bureau de scrutin. [adoptée à l’unanimité]
L’université québécoise ne va pas bien…
Dans son édition d’hier, le fabuleux McClean publiait son palmarès des
universités canadiennes. Sans surprise, les universités francophones sont toutes
parmi les dernières et l’UQAM remporte le titre de la pire université au Canada.
Après la corruption, voilà que le Canada anglais célèbre notre médiocrité!
Malgré cela, l’UQAM est toujours pleine de chaires de recherche quémandant des
subventions aux organismes fédéraux, toutes émoustillées d’être invitées aux
congrès des Canadian Studies à Régina ou de la fondation Historica à Kanloops.
Méprisés et ridiculisés les chercheurs universitaires québécois des sciences
humaines, puérils quand ils baragouinent leurs communications en anglais devant
les sociétés savantes, avec leurs universités sous-financées, dédaignées par les
fondations privées.
Malgré cela, trop d’universitaires québécois s’évertuent à préserver leur tour
d’ivoire et à jouer le jeu des institutions canadiennes, publiant leurs articles
savants dans des revues que personne ne lit, se pliant à tous les caprices du
CRSH ou du Conseil des arts du Canada afin obtenir leurs précieuses subventions
fédérales.
Ils croient ainsi pouvoir faire de la vraie recherche, ils ne perpétuent en
général que leur dépendance intellectuelle envers les mots d’ordre du
multiculturalisme canadien.
Quel gaspillage d’intelligence. Or on a besoin des universitaires comme jamais
au Québec. Notre société est trop petite, trop pauvre pour entretenir un milieu
universitaire fermé et narcissique. Où sont nos universitaires à l’heure de la
crise identitaire, du naufrage dans l’éducation et du déficit démocratique de
nos institutions? Où sont ces admirables intellectuels des années 1950 et 1960
qui n’hésitaient pas à occuper l’espace média : Lionel Groulx, Maurice Séguin,
Richard Arès, Fernand Dumont, Marcel Rioux? Lâchez un instant vos demandes de
subventions et descendez dans la Cité!
L’autre problème de l’université concerne la formation des maîtres.
L’apprentissage de l’histoire par les futurs enseignants y occupe une place
marginale par rapport au salmigondis de cours de didactique et de pédagogie. Un
bon prof est d’abord celui ou celle qui maîtrise bien sa matière, mais à l'heure
actuelle les étudiants au bacen enseignement de l'histoire ne suivent que deux
misérables cours d'histoire du Canada au niveau universitaire en guise de
préparation en vue de l'enseigner eux-mêmes pour les 35 prochaines années!
Le Patriote de l’année propose donc que le nombre de cours de didactiques et de
pédagogie soit réduit au baccalauréat en enseignement de l’histoire et qu’ils
soient remplacés par des cours disciplinaires en histoire.
[adoptée à l’unanimité]
Autres chantiers : appellation Pays patriote
Heureusement il se fait de la bonne histoire ailleurs, notamment dans les
sociétés d’histoire et de généalogie, par le tourisme historique, ainsi que dans
les musées. Au fil des années j’ai aussi rencontré d’autres chercheurs, fervents
d’histoire et de généalogie : à la Fédération des sociétés d’histoire, à la
Société historique de Montréal, à la Société des professeurs d’histoire du
Québec, les sociétés Saint-Jean-Baptiste, à la fondation Lionel-Groulx, ainsi
qu’avec les musées Pointe-à-Callière, de Saint-Eustache ou à la Maison nationale
des patriotes.
Je les ai presque tous rencontrés à l'occasion de l'épique croisade en vue de la
proclamation d'un jour férié en l'honneur des patriotes de 1837-1838.
Dès 1997 je m'étais joint aux efforts menés par des citoyens de l’Estrie, autour
de M. Alcide Clément, afin de voir naître un jour férié consacré aux patriotes
de 1837-1838. Au terme de plusieurs années de conscientisation, la Journée
nationale des patriotes est proclamée en 2002 par le gouvernement de monsieur
Bernard Landry à chaque troisième lundi du mois de mai et commémore depuis les
assemblées populaires tenues par les patriotes à la grandeur du Québec du temps.
J'ai ensuite participé à chacune de ces journées afin de coordonner le travail
de centaines de bénévoles et d’organismes désireux de dignement célébrer la
lutte patriote. Modeste à ses débuts, la Journée nationale des patriotes était
soulignée en mai dernier par pas moins de cinquante activités, conférences,
expositions, fêtes champêtres, visites patrimoniales autour des thèmes de
l’histoire, l’identité nationale et la conquête de nos libertés démocratiques.
La Journée nationale des patriotes est depuis devenue une véritable fête de
l’histoire et a pris place parmi les jalons identitaires du peuple québécois.
Or la lutte pour la démocratie et la justice n’est pas un monopole des
patriotes.
Le patriote de l’année propose que la Journée nationale des patriotes soit
désormais comprise comme une fête de l’histoire, commémorant ceux et celles qui,
depuis 1837, ont poursuivi le combat pour la justice, l’équité et l’affirmation
nationale.
[adoptée à l’unanimité]
On me parle constamment d’autres manières de commémorer la lutte de nos
ancêtres. Je souligne par exemple le travail entrepris par la société historique
du Richelieu pour bâtir, autour de M. Onil Perrier, la généalogie des
descendants de patriotes et qui devrait permettre à chacun de retracer ses
ancêtres patriotes.
Le patriote Victor Charbonneau a aussi mis de l'avant une idée sensationnelle :
au musée virtuel des patriotes. Suite à l'exposition tenue au musée Pointe-à-Callière
en 2007, nous avons été à même de constater que les objets portant sur cette
période étaient loin d'être tous conservés dans les musées et les centres
d'archives, mais pour bon nombre encore précieusement conservés dans le
patrimoine familial. Un musée virtuel, constitué de photos à hauterésolution
bien documentées à propos de la provenance et de l'authenticité des artéfacts
devrait permettre de les localiser en vue de leur préservation et d'en faire
profiter le grand public via un musée virtuel diffusé sur Internet.
On parle également de publier une série de petits livres portant sur le
patrimoine patriotique local afin que chaque famille puisse, près de chez elle
et à coût modique, parfois même à vélo, découvrir la richesse de l'histoire de
sa localité, y trouver une légitime fierté et apprendre à la préserver et à la
perpétuer.
Mais la plus belle que j’aie entendue vient d’un de mes étudiants. Il revenait
alors d'un voyage dans le sud de la France où il avait entendu parler d'une
appellation contrôlée portant sur les produits du terroir, l'artisanat et les
services touristiques et intitulée "Appellation Pays Cathare". Une telle
appellation fait en effet référence à la civilisation cathare, un groupe
religieux original, persécuté dès le Moyen Âge, mais dont bon nombre de traits
sont demeurés vifs jusqu'à nos jours en Occitanie, autour de la ville de
Toulouse.
Il est bien clair qu'un tel exemple pourrait être repris ici, autour de valeurs
et de produits équivalents et portant le sceau Pays patriote….
Le patriote de l’année propose que la vallée du Richelieu, de l’Acadie, de la
Yamaska, ainsi que de la rivière du Chêne et la rivière du Nord, en Montérégie
et dans Deux-Montagnes, soient désignés Pays patriote. Que les maraîchers,
pomiculteurs, viticulteurs, pratiquant une agriculture durable et de qualité,
ainsi que les auberges, bistrots, musées, ainsi que les municipalités qu’y s’y
trouvent soient invités à adhérer à l’appellation Pays patriote, prouvant qu’il
s’agit d’un produit local, gage de qualité et de respect des traditions et du
savoir-faire québécois. [adoptée à l’unanimité]
Tant d’autres projets, tant d’autres idées stimulantes que j’entends soutenir au
meilleur de mes moyens afin de préserver et mettre en valeur notre patrimoine
patriote.
Malgré tout cela, je trouve toujours moyen de faire mes 4000 kilomètres de vélo
par année. À traverser certains de nos villages magnifiques, je recharge mes
batteries à ainsi sillonner le monde rural. Ici est né Honoré Mercier, ici vécut
Laure Conan, de là est parti Cavelier de LaSalle pour son voyage dans l'Ouest...
Mais c’est la nature qui me rend le plus fier d’être québécois. Quel pays
magnifique, gorgé de ressources; un pays riche. Ainsi, en août dernier je suis
allé voir un ami à Saint-Élie-de-Caxton; une bonne ride de 180 kilomètres. À un
moment donné, épuisé, je me suis couché dans un champ de blé d’inde. C’était
tout coupé. Restaient que les cotons. Y avait une vieille grange, une clôture,
une croix de chemin, des épis rabougris, le sol, une belle terre noire. Ce sol;
mon sol, celui qu’on m’a légué; que des milliers d’Indiens ont sillonné et
récolté. Puis douze générations de Français, celles des trente sous zéro, des
maisons pleines d’enfants, des mères qui n’avaient rien mais qui voyaient à
tout.
Je suis le fils déchu de race surhumaine, Race de violents, de forts, de hasardeux, Et j’ai le mal du pays neuf, que je tiens d’eux ! Ce sol, cet épis, la dépouille de mes ancêtres, Abénakis, Hurons, Français,
Irlandais, Acadiens, Québécois. Ce sol, cette grange, cet épi, un ciel bleu, constellé de nuages blancs tel un
drapeau. Mon corps, ma peau même. Tout cela me réclamait un pays, un pays pour honorer les pionniers, pour
respecter la nature généreuse, pour mieux accepter l’hiver, pour justifier les
sacrifices, un pays pour que cette langue et cette histoire aient un sens, un
pays, en somme, pour que le sol prenne enfin son nom : Québec.

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