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Depuis l’époque des Patriotes, plusieurs ont tenté de tisser des liens entre les
rébellions de 1837-1838 et d’autres luttes de libérations nationales ayant
marqué cette époque. Bien qu’on soit tenté de penser rapidement aux différentes
luttes d’indépendance qui ont eu lieu en Amérique du Sud, le cas le plus
similaire à celui des Patriotes demeure certainement celui du soulèvement
polonais qui a eu lieu au mois de novembre de 1830.
La première ressemblance que l’on observe entre ces deux nations est le fait
qu’elles ont toutes les deux perdu leur indépendance au cours de l’histoire.
D’un côté la nation canadienne-française subissait la conquête de l’Empire
britannique (1754-1763) mettant fin à l’existence de la Nouvelle-France, de
l’autre côté, le peuple polonais perdait son indépendance en 1772 suite à la
partition de la Pologne cédant ainsi son territoire de la République des Deux
Nations à l’Empire de Russie.
La deuxième ressemblance intéressante se situe au niveau du déclenchement des
rébellions et du soulèvement. Dans les deux cas, l’élément déclencheur repose en
partie sur un complot organisé par l’ennemi. Comme Gérard Filteau le développe
bien dans l’introduction de son œuvre Histoire des Patriotes , le déclenchement
de la rébellion Bas-Canadienne de 1837 s’explique par un complot britannique. Le
radicalisme des Patriotes était justifié selon lui puisqu’ils avaient été
poussés dans une situation où ils n’avaient maintenant plus le choix de se
défendre contre la forte répression exercée sur leur nation. Il n’en demeure pas
moins qu’en passant du juridique au militaire les Patriotes venaient de tomber
dans le piège que leur tendaient leurs rivaux.
Du côté de la Pologne, une fausse rumeur fût lancée au sein de la population
stipulant que l’armée polonaise était requise par la Russie pour réprimer les
révolutions française et belge de 1830. Loin d’être loyal à l’Empire de Russie,
le peuple polonais s’est soulevé contre elle afin de s’opposer à cette
situation. C’est ce qui déclencha le soulèvement de novembre 1830. Encore une
fois il s’agissait d’un complot de l’ennemi afin de pousser le combat sur le
plan militaire afin d’obtenir la justification nécessaire pour passer à
l’offensive et offrir une forte répression armée à sa colonie.
Une fois la lutte armée lancée, on constate rapidement que les Patriotes
n’étaient pas préparés à prendre les armes comparativement aux loyaux qui s’y
préparaient depuis l’échec électoral de 1834. Les Patriotes étaient bien doués
pour les grands discours et pour la lutte électorale, mais le domaine militaire
était loin d’être leur force. C’est un peu ce qui se passe également du côté de
la Pologne alors qu’en février 1831 les Polonais font face à l’armée russe, une
armée beaucoup plus nombreuse et expérimentée.
Les techniques de combats utilisées lors du soulèvement polonais ressemblent par
contre beaucoup plus à celles utilisés lors de la rébellion Bas-Canadienne de
1838 qu’à celles de 1837. On parle d’ailleurs ici beaucoup plus d’une tentative
de révolution que d’une simple résistance armée. Suite à l’annonce de la fausse
rumeur qui continue le scénario de complot vu précédemment, un groupe d’hommes
agissant sous le commandement de Piotr Wysocki s’empare du palais de Belvédère
avec l’intention d’assassiner le grand-duc Constantin, commandant en chef de
l’armée du royaume de Pologne. L’assassinat échoua, mais les rebelles réussirent
tout de même avec l’aide de civils armés à prendre le contrôle de la ville de
Varsovie, capitale de la Pologne depuis 1596.
Prendre le contrôle de Montréal par la force était également la stratégie
envisagée par l’association des frères chasseurs lors de la rébellion de 1838.
Alors que Robert Nelson quittait les États-Unis en direction de Napierville en
compagnie d’une armée de quelques centaines d’hommes, les autres frères
chasseurs habitant toujours le Bas-Canada créèrent en date du 3 novembre
plusieurs soulèvements simultanés dans les villages au sud de Montréal. Même si
le plan n’a pas fonctionné, principalement en raison de la défaite de la
deuxième bataille de Lacolle, le plan des frères chasseurs constituait tout de
même à réunir l’ensemble des forces patriotes dans le village de Napierville
pour ensuite attaquer Montréal et prendre le contrôle de la ville avant l’hiver.
Il y a donc certaines ressemblances avec le plan de Robert Nelson et celui de
Piotr Wysocki.
Sinon il est encore possible de tisser d’autres liens entre le soulèvement
polonais et les rébellions des patriotes en observant le résultat obtenu. Du
côté patriote l’objectif de prendre le contrôle du Bas-Canada a échoué et s’est
terminé par une forte répression. En avril 1838, 501 personnes sont incarcérées
à Montréal, douze d’entre elles seront d’ailleurs pendues. Cette forte
répression contre le mouvement patriote a eu pour effet de dissoudre le
mouvement en poussant plusieurs d’entre eux en exil vers les États-Unis. C’est
la même chose qui se passe du côté de la Pologne alors que la répression est
encore plus violente. Le 25 février 1831 aura lieu la sanglante bataille de
Grochow faisant plus de 7000 morts du côté polonais. Ce ne sera par contre qu’en
septembre que le mouvement rebelle polonais sera totalement vaincu par l’armée
russe. Encore une fois plusieurs fuiront le pays et partiront en exil vers la
France afin d’échapper à la répression.
Bref, il parait évident qu’il existe plusieurs ressemblances entre l’histoire de
la Pologne et celle du Québec. Par contre, il est important de noter que la
Pologne, contrairement au Québec, a réussi à retrouver son indépendance en 1918.
Est-ce que le Québec réussira à imiter la Pologne une fois de plus ? C’est la
question que plusieurs se posent encore, près de deux cents ans après l’époque
des Patriotes.
Sylvain Lemay
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