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Suite à la parution dans
La Presse de
Montréal d'un article à
propos des ancêtres
patriotes de la
chanteuse américaine,
Louise Veronica Ciccone,
nous avons demandé à
l'historien Jonathan
Lemire de produire un
texte plus approfondi en
exclusivité pour le site
Les Patriotes de
1837@1838.
Pour ceux et celles qui
n'ont pas eu accès à
l'article d'Émilie Côté
paru dans La Presse du
jeudi 29 juin 2006.
http://www.cyberpresse.ca/ |
Jonathan Lemire, historien
C'est lors de sa
première tournée au
Québec en 1987, Who's
That Girl Tour, que
la plus célèbre madone
du monde a dit
publiquement que sa mère
avait des racines
canadiennes-françaises.
Ce n'est donc
pas d'hier que
les
généalogistes et
les historiens
d'ici sont au
courant de cette
nouvelle.
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En
fait, pour
nous, la question était de
savoir si certains de ses
ancêtres (directs et indirects)
avaient joué un rôle dans les
événements de 1837-1838. Eh bien
c'est en effet le cas! C'est
évidemment la visite de Madonna
à Montréal les 21 et 22 juin
dernier qui nous a poussée à
fouiller le sujet. Voici donc le
résumé de nos recherches:
Louise Veronica Ciccone naît à
Bay City dans le Michigan
(États-Unis) le 16 août 1958.
Elle est la fille de Sylvio
Anthony Ciccone et de Louise
Fortin. Il va de soit que la clé
de la généalogie
canadienne-française de Madonna
est du côté de sa mère. Celle-ci
est issue de l'union de Willard
Fortin et d'Elsie Fortin; deux
familles du même nom ayant
immigrées au Michigan vers la
fin du XIXe siècle. Il faut
cependant remonter à l'arrière-arrière-grand-mère
maternelle de Madonna, une
certaine Louise Masse, pour
véritablement saisir
l'importance historique de ses
ancêtres.
1) Jean-Baptiste Masse
D'abord, il faut souligner
l'importance indéniable du
marchand Jean-Baptiste Masse. Il
est le grand-père paternel de l'arrière-arrière-grand-mère
maternelle de Madonna.
Jean-Baptiste Masse naît en 1769
et est le fils d'Antoine Masse
et de Marie-Angélique Legris dit
Lépine. Forgeron de métier venu
de Québec, il s'établit dans la
petite paroisse de Saint-Denis
en 1791. Il devient rapidement
un important marchand de la
région se faisant aussi
construire une imposante maison
de pierre, à la hauteur de ses
affaires fleurissantes. Cette
bâtisse abrite depuis 1988
l'incontournable Maison
nationale des Patriotes qui
contient une exposition
permanente sur l'histoire des
rébellions de 1837-1838 au
Québec. C'est en troisième noces
que Masse épouse Marie-Josèphe
Hodgins en la paroisse
Notre-Dame de Montréal le 13
octobre 1814. Ensemble, le
couple a dix enfants, dont
Antoine, le père de Louise
Masse.
Jean-Baptiste Masse est sans
contredit l'un des personnages
les plus en vue du village de
Saint-Denis dans la première
moitié du XIXe siècle. En 1836
et 1837, le marchand de
l'endroit participe à quelques
rassemblements patriotes. Le 12
octobre 1837, il est d'ailleurs
signataire de l'invitation en
vue de la grande assemblée des
Six Comtés prévue à
Saint-Charles le 23 octobre
suivant. De plus, Masse lui-même
aurait avoué avoir pris part à
la bataille de Saint-Denis le 23
novembre 1837, si l'on se fie à
son examen passé devant la
première commission d'enquête
chargée d'étudier la question
des pertes subies en 1837-1838.
Ainsi, il se trouve aux côtés du
docteur Wolfred Nelson lors de
cette journée historique alors
que les insurgés de l'endroit
repoussent les troupes
britanniques de Sir Charles
Gore.
Selon certains historiens, dont
Elinor Kyte Senior, Masse aurait
donné deux pistolets chargés à
Louis-Joseph Papineau au matin
du 23 novembre 1837 afin de le
protéger dans sa route vers
Saint-Hyacinthe. Lors du retour
de l'armée anglaise à
Saint-Denis le 2 décembre 1837,
la maison de Jean-Baptiste Masse
est occupée par les soldats qui
se font probablement une joie de
piller les caves du marchand
pleines de rhum. D'ailleurs, à
la suite de la rébellion, Masse
réclame à la Commission des
Pertes de 1837-1838 la somme de
63 £ "pour logement de troupes
et pour effets pillés et
détruits par elles". Toutefois,
sa réclamation n'est pas prouvée
d'après la commission d'enquête,
et puisqu'il aurait été
clairement démontré que Masse
aurait participé au combat de
Saint-Denis le 23 novembre 1837,
il n'a droit à aucun
remboursement. Masse s'éteint en
1841.
2) Marie-Rosalie Cherrier
Le second personnage clé de la
généalogie de Madonna est sans
contredit son
arrière-arrière-arrière-arrière-grand-mère
maternelle qui a des
ramifications politiques
importantes avec le fameux clan
Papineau-Cherrier-Viger. Il
s'agit ici de la célèbre
chouayenne Marie-Rosalie
Cherrier, aussi surnommée
"Madame Saint-Jacques". Elle est
la cousine du chef patriote
Louis-Joseph Papineau et de
l'évêque de Montréal
Jean-Jacques Lartigue, et plus
directement la soeur cadette de
Côme-Séraphin Cherrier.
La quatrième arrière-grand-mère
maternelle de Madonna naît à
Repentigny en 1800 et est la
plus jeune fille de Joseph-Marie
Cherrier et de Marie-Josette (ou
Marie-Josephte) Gaté dit
Bellefleur. Note: c'est la soeur
de son père, aussi nommée
Marie-Rosalie Cherrier, qui est
la mère de Louis-Joseph
Papineau. Tante et nièce ayant
donc le même nom. C'est lors de
son premier mariage qu'elle
épouse Louis Cheval dit
Saint-Jacques à Saint-Denis le
31 juillet 1821, et de cette
union sera issue Madonna...
beaucoup plus tard évidemment.
Contrairement à son frère et à
son célèbre cousin, Cherrier est
une bureaucrate reconnue. À ce
sujet, il faut absolument lire
l'ouvrage de Renée Blanchet, La
Chouayenne, récits de 1837-1838
(Éditions Varia, 2000). Elle
collabore aussi notamment au
Populaire, un journal
constitutionnel dirigé par
Clément Sabreuvois de Bleury.
Dans la trempe d'Hortense
Globensky dans le comté des
Deux-Montagnes, Marie-Rosalie
Cherrier semble mener une vie
sociale des plus controversée à
Saint-Denis, surtout à la suite
de son divorce d'avec Louis
Cheval dit Saint-Jacques. Elle
demeure ensuite avec un
Américain (beaucoup plus jeune
qu'elle) nommé William Southwick
afin, selon l'historien Allan
Greer, "de satisfaire ses
appétits dépravés". Enfin,
Cherrier est victime à au moins
deux reprises des actes
perpétrés par les Septenbriseurs
(charivaristes patriotes du
Richelieu) en septembre 1837. Sa
maison est d'ailleurs
littéralement prise d'assaut et
incendiée la deuxième fois.
3) Côme-Séraphin Cherrier
Parallèlement au loyalisme de
Marie-Rosalie Cherrier, il
convient de souligner le
patriotisme inébranlable de son
frère aîné Côme-Séraphin
Cherrier. Né à Repentigny le 22
juillet 1798, il est aussi le
fils de Joseph-Marie Cherrier et
de Marie-Josette Gaté dit
Bellefleur. Avocat de
profession, il est rapidement
initié à la politique, étant un
membre important de l'influent
clan Papineau-Cherrier-Viger.
Par son mariage avec Mélanie
Quesnel en 1833, il devient le
gendre de l'avocat et célèbre
député Frédéric-Auguste Quesnel.
En 1834, il est élu député dans
le comté de Montréal. Par la
suite, il participe
inlassablement à plus de
cinquante rassemblements
politiques entre 1834 et 1837.
Cependant, en raison de sa santé
fragile, il participe peu aux
assemblées anticoercitives de
1837. Arrêté, puis incarcéré au
Pied-du-Courant en décembre
1837, Cherrier est néanmoins
libéré en mars 1838. Il est à ce
moment consigné à sa résidence.
En 1840, il prend position
contre le projet d'Union. En
1853, on le retrouve à la
présidence de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal.
Au cours de sa longue existence,
Cherrier occupe plusieurs postes
de directions très importants,
que ce soit par exemple à la
Société Saint-Vincent-de-Paul ou
sur le Conseil de l'instruction
publique du Bas-Canada.
4) Louis-Joseph Papineau
Enfin, il faut tout de même
mentionner le nom de
Louis-Joseph Papineau
(1786-1871), le leader patriote,
qui est donc le cousin de l'arrière-arrière-arrière-arrière-grand-mère
maternelle de Madonna. Avocat de
profession formé auprès de son
cousin Denis-Benjamin Viger, il
est d'abord élu député dans le
comté de Kent en 1808 pour le
Parti canadien. Son leadership
au sein de cette coalition de
députés ne fait aucun doute; en
1815, il devient l'orateur de
l'Assemblée législative du
Bas-Canada. Il est aussi à
l'origine des fameuses 92
Résolutions. N'ayant jamais
prôné la résistance armée, il
favorise plutôt le boycott des
produits britanniques. En 1837,
Papineau est vraisemblablement
dépassé par les événements
politiques et militaires qui se
bousculent. À la suite de la
publication des mandats
d'arrestation vers la
mi-novembre 1837, Papineau
quitte Montréal pour rejoindre
Nelson à Saint-Denis. Le jour de
l'affrontement, le 23 novembre,
il "fuit" vers Saint-Hyacinthe
(avec les fusils que lui aurait
donnés Masse), puis vers les
États-Unis, et enfin vers la
France jusqu'en 1845. À son
retour au Canada, sa répution de
politicien étant relativement
entachée, il se retire à son
manoir de Montebello, dans sa
seigneurie de la Petite-Nation,
où il s'éteint en 1871.
En 2006, Madonna, avec la
parution de son dernier album
Confessions on a Dance Floor,
"devient l'artiste féminine
ayant vendu le plus d'album dans
l'histoire de la musique,
derrière les Beatles, Michael
Jackson et Elvis, avec plus de
275 millions d'albums vendus".
Qui aurait cru que la plus
grande artiste pop de l'histoire
avait des ancêtres aussi
importants dans l'histoire du
Québec?
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