|
Louis-Joseph Papineau, Cette fatale Union, Introduction et notes de
Georges Aubin, Lux éditeur, Montréal, 2003, 223 pages.
Décidément Lux éditeur mérite bien de la patrie tant les œuvres de son catalogue
ne cessent de fournir aux chercheurs et aux amateurs d’histoire des textes et
des documents qui font progresser le savoir et qui alimentent la réflexion de
celles et de ceux qui goûtent au plaisir de les lire. Avec ce Papineau, c’est
la critique du régime de l’Union du Bas et du Haut Canada qui occupe
l’avant-scène. La connaissance et la bonne compréhension de ce régime inique
est d’une pertinence absolue tant ses conséquences ont été aussi néfastes que
fondatrices de ce Canada qui ne cesse toujours de «minoriser», en ce début du
troisième millénaire, tout un peuple. La constitution de Trudeau de 1982, le
tristement fameux Canada Bill, auquel le Québec tout entier s’est opposé et qui
fut quand même proclamé, cette constitution n’est-elle pas que la suite logique
de cette vaste entreprise de banalisation des Québécois dont les droits,
notamment en matière linguistique, ont été anéantis par cette loi pernicieuse ?
Grâce aux savants travaux et aux recherches minutieuses de Georges Aubin, qui
rendraient jaloux un bénédictin, le lecteur peut entrer directement en contact
avec la pensée libératrice des Patriotes de 1837-1838. Une pensée
révolutionnaire et porteuse d’un discours émancipateur et libérateur. Dans ces
pages lumineuses, c’est toute la philosophie politique de Papineau qui remonte à
la surface. Cette suite d’adresses, de discours et de manifestes des années
1847-1848 illustrent avec l’éloquence du grand tribun qui se révèle aussi un
brillant écrivain, combien Londres faisait peu de cas de la vérité et de la
justice quand il s’agissait de faire la promotion du Canada-Anglais. Les
Canadiens (français) sous l’Union ont vu leurs droits les plus naturels spoliés
aux bénéfices des Anglais, comme si cela allait de soi….
Louis-Joseph Papineau est rentré d’exil en 1845. Plusieurs comtés
souhaiteraient l’avoir comme représentant au parlement. Le chef patriote, dans
ces textes, ne fait pas de quartiers à ses adversaires. Il décortique l’Acte
d’Union dont certains de ses anciens disciples se font pourtant et
malheureusement les promoteurs serviles. Il signale l’essence perfide cette
constitution et montre ses failles comme autant d’affronts à la nation
canadienne (française) qui a droit à la plus grande liberté. Le Bas-Canada
(1791-1840) était plus populeux que son voisin et ses finances montraient un
surplus important. Pendant ce temps le Haut-Canada, avait des dettes
importantes et sa population était largement inférieure à celle de Québec.
Malgré cela, le gouvernement de Sa Majesté décréta qu’il y aurait parité des
représentants à l’assemblée législative et que les finances des deux colonies
seraient fondues; ce qui eu pour conséquence que ce sont les habitants du futur
Québec qui assumeront le déficit de Toronto. Rien de moins ! L’iniquité est
érigée en système au détriment des Canadiens-Français qui devront payer la note
des autres…
C’est toute cette histoire que Papineau examine dans le détail au tamis des
intérêts du Bas-Canada faisant ressortir, mettant en exergue l’ampleur du vol
dont l’Union était porteuse. En s’adressant à ses compatriotes, il attire leur
attention sur le besoin de modifier radicalement cet ordre des choses qui n’en
finit plus de s’attaquer aux prérogatives du peuple issu de la Nouvelle-France.
Un ouvrage d’une actualité saisissante sous la plume du plus grand que notre
peuple ait connu. Il faut lire et méditer ce livre, son message nourricier est
un mets qui se déguste et qui délectera celles et ceux qui le pratiqueront…
Gilles Rhéaume
| |