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Société d’histoire des Riche-Lieux, 25 ans au service des Patriotes et du Patrimoine, Éditions Histoire Québec, Saint-Denis-sur-Richelieu, 2003, 362 pages.S’il est un exemple d’œuvre de militants québécois, ayant remarquablement
contribué à la conscientisation populaire de l’importance d’un fait historique
et de ses traces patrimoniales, dans la construction de la mémoire collective et
de l’imaginaire social, c’est bien ce qui se passe, chaque année, depuis des
décennies, le troisième dimanche de novembre, sur les bords de la Rivière
Richelieu alors que sont célébrés les faits et gestes des Patriotes de
1817-1838, ces indépendantistes du «Siècle des nationalités». Dans ce recueil,
abondamment illustré et truffé de documents de divers types, c’est le parcours
d’une œuvre nationale parmi les plus fécondes du Canada-Français et du Québec
qui est raconté ; c’est l’évolution de l’attachement de tout un peuple envers
des héros qui furent pendant trop longtemps les mal-aimés, les moutons noirs,
les dégradés de l’histoire qui est rappelée. L’histoire de l’histoire des
Patriotes n’est pas encore faite. Il y aurait place pour des dizaines de
volumes uniquement sur la censure qui a caché les Patriotes pendant plus d’un
siècle… Avec cette publication, la Société d’histoire des Riche-Lieux, rend un
service immense à la collectivité ainsi qu’aux chercheurs et aux étudiants qui
ont toujours besoin de données factuelles et de sources solides pour effectuer
leurs travaux. Aujourd’hui l’imagerie des Patriotes, leur drapeau, le tricolore
canadien, qui est aussi le drapeau de la SSJB-M, font partie du paysage
symbolique de tout un peuple comme le vieux Patriote avec son mousquet que l’on
trouve partout. Les responsables de cette publication ont dépouillé moult
pièces d’archives afin de présenter un ensemble aussi cohérent et aussi
signifiant. Ainsi, il est désormais aisé de retracer tous les jalons de
l’histoire de ces rencontres populaires et militantes.
C’est au tout début des années soixante du XXième siècle que des citoyens ont
initié ce pèlerinage annuel. C’est à un groupe de membres et militants du RIN
(Rassemblement pour l’indépendance nationale), fondé en 1960, par Marcel Chaput
et André D’Allemagne, puis, par la suite dirigé par Pierre Bourgault, que nous
devons l’idée de ce projet de saluer, de rendre hommage aux femmes et aux hommes
de 37-38. Ils n’étaient qu’une poignée, il est vrai, mais leur courage, leur
ténacité et leur détermination ont été à la source d’une tradition nouvelle, à
la source d’un véritable mémorial. Jusqu’en 1978, les gens du milieu furent peu
nombreux à s’associer à l’organisation et à la réalisation de ces célébrations,
les Patriotes de 1837-1838 étant encore considérés comme des individus
gênants... Depuis désormais un quart de siècle, les gens du Richelieu, en
collaboration et en concertation avec des militants québécois issus
d’associations vouées à perpétuer la mémoire et l’œuvre des Patriotes ainsi que
des sociétés nationales, notamment la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal,
fondée par Ludger Duvernay, député patriote et grand diffuseur, par ses
journaux, des idées de liberté et d’indépendance, honorent ces héros de 37-38.
C’est la relation de cette œuvre d’éducation populaire que ce recueil
immortalise en publiant des textes, des articles de presse, des prises de
position et des données innombrables sur le déroulement des festivités, et ce,
année après année de 1978 à 2003.
Ce volume est instructif par la somme et la qualité des renseignements qu’il
contient et qui deviennent ainsi accessibles. Incroyable tout ce qu’on peut y
trouver depuis le nom et la photo des hommes et des femmes politiques qui se
sont succédé autour du monument qui orne le parc de Saint-Denis-sur-Richelieu.
Il y en a trop pour que nous puissions les nommer ici. Des députés, des
ministres et un Premier ministre, Bernard Landry, ont été des habitués, des
assidus de ces rencontres patriotiques. D’autres personnalités publiques ont
aussi été associées à cet effort annuel de mémoire et de reconnaissance. Le
plus important toutefois c’est la participation du public qui chaque année se
fait un point d’honneur d’être présent sur les bords du Richelieu ; ils furent
des milliers et des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants à venir se
recueillir et à honorer de leur présence les Patriotes d’antan.
Les pièces que les responsables de cette publication rendent publiques en disent
beaucoup sur l’histoire du rapport entre les Québécois d’aujourd’hui et leur
passé historique. En colligeant, des procès-verbaux, des programmes-souvenirs,
des chants, des poèmes, des photos, des coupures de presse, des rapports, la
Société des Riche-Lieux garde vivante,
dynamique notre mémoire collective.
C’est donc sans réserve aucune que nous recommandons ce volume. Celles et ceux
qui se passionnent pour l’histoire autant que les chercheurs et les étudiants
trouveront dans ce recueil remarquablement bien construit une foule de
renseignements sur ces cérémonies annuelles du Mois des Patriotes, le mois de
novembre.
En documentant une tradition toujours vivante, les auteurs de ce bouquin ont
aussi contribué à faire mieux comprendre, à cerner davantage l’évolution de la
perception populaire et politique, sociale et culturelle d’un des faits les plus
marquants de notre patrie québécoise. Les Patriotes de 1837-1838 ont été
l’objet de sanctions ecclésiastiques sévères qui ont été levées, par l’Assemblée
des évêques du Québec, dans les années quatre-vingt, il y a à peine vingt ans.
Aujourd’hui, ces Patriotes ont leur place partout. La littérature et le cinéma,
comme le théâtre et le monde de la chanson honorent le courage de ces
indépendantistes avant la lettre. Une grande partie de cette estime renouvelée
et actualisée est due à la fidélité et à la consistance de ces braves
organisateurs qui n’ont compté ni leur temps, ni leurs énergies pour que chaque
année, à la fin de novembre, les Québécois se souviennent de ces héros. Bravo
et merci à la Société des Riche-Lieux pour l’excellence de cette publication qui
devrait se retrouver dans toutes les bibliothèques tant les privées que les
publiques.
Gilles Rhéaume
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