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Les Patriotes de 1837@1838 - Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 8 b ) (Copie dactylographiée.) Paris 23 juillet 1839
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Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 8 b ) (Copie dactylographiée.) Paris 23 juillet 1839
Article diffusé depuis le 28-mars-04
 




Ma chère amie. Je n'ai reçu de toi aucune lettre depuis celle du trente mai. J'en ai reçu deux d'O'Callaghan et une de DeLagrave. Celle-ci m'apprend que mon cher père, toujours le même pour toi pour moi, pour tous ses enfans, pour tous ceux qu'il aime, et à qui il rend service avec zèle et dévouement, au point de compter pour rien les peines et les fatigues qui lui sont personnelles et qui paraîtraient insurmontables à toute autre personne, même de trente ans plus jeune que lui, se rendant auprès de toi pour te consoler et t'embrasser avec ses petits enfants. Il aura délibéré avec toi sur le parti que nous avions à prendre. Il voit la plus brutale tyrannie appesantie sur notre pays sans apparance que le règne de la loi et de la modération y soient rétablies de longtemps. La décision à laquelle vous en serez venus ensemble sera ma loi, et j'espère l'apprendre dans un jour ou deux par l'arrivée du Steamer qui devait partir le six de ce mois de New York. Tant que l'orgueil des ministres ne se rebutera point de dépenser un million et demi Sterling dans le Canada et d'y maintenir 15.000 hommes de troupes réglées, et les volontaires, que la solde, le vol, et le viol enrôlent au service de l'infâme gouvernement qui leur octroie pleine licence de s'y livrer, il n'est pas possible que les Canadas entrent en lutte efficace contre une puissance aussi formidable que l'angleterre, en paix avec le monde, qui presqu'à l'unanimité la hait à raison de l'arrogance et de l'injustice, avec laquelle elle a abusé de sa prépondérance maritime, mais qui ne l'attaque pas. ""Quand elle en impose aux Etats Unis qui ont eu tant et de si justes motifs de s'en plaindre; à la Russie qui est dans la même situation, à la France qu'elle caresse et trompe en ce moment, malgré le mal qu'elle lui a fait si récemment, il n'est pas possible que les Canadiens seuls puissent tenter de lui résister."" Mais leurs oppresseurs voient accourir en hâte le jour de la rétribution. Ses troubles à l'intérieur, s'augmentent à un degré que ses ennemis ici s'en réjouissent et regardent sa révolution comme prochaine. Je n'en crois rien, mais ce ne laisse pas que d'affaiblir son influence sur le Continent, et il n'est pas possible qu'à la prochaine guerre elle ne soit pas enfin justement chatiée et humiliée. Mais quand? Jusqu'au jour où ses embarras l'obligeront à retirer ses troupes, il faut que les Canadiens dissimulent; soient industrieux et économes; persistent dans la voie où ils sont entrés de tirer le moins que possible des produits importés. Déjà Wellington et Peel ont dit que s'ils étaient aussi mal affectionnés que l'on disait, ce qu'ils ne croyaient pas, ces colonies ne valaient pas la peine d'être conservées. C'est pour préparer d'avance l'opinion publique à un évènement inévitable. Chacun le regarde comme si certain, que c'est une raison à ceux qui le désirent le plus en ce pays, pour qu'ils demeurent tranquilles et prétendent qu'il n'y a pas besoin d'aider à un évenement qui s'accomplira naturellement avant dix ans. Pas un de nos amis n'a eu le courage de dire: Donnez leur l'indépendance; parce que on leur aurait crié: ""Vous continuez à encourager la révolte."" Quel contraste entre la douceur des moeurs et de la législation française et la législation sanguinaire, le caractère féroce et froidement vindicatif des anglais. 441 Ce sont toutes les contradictions parlementaires qu'ils ont éprouvés pendant vingt cinq ans dont ils se vengent, ce sont de vieilles rancunes qu'ils assouvissent. -- Ici les hommes qui ont appartenu aux partis les plus extrêmes, pendant la rage révolutionnaire, se voient sans reproches et sans aigreur. Cette dernière émeute dans laquelle, pendant deux jours, deux ou trois cents hommes ont eu l'enthousiasme aveugle, désespéré de se battre, avec les armes qu'ils avaient dérobées par des bris de maison, contre un gouvernement qui avait à sa disposition, sous sa main, 50,000 hommes des mieux armés et disciplinés, ne fera pas tomber une seule tête sur l'échafaud. La grâce que le Roi a accordé à Barbès équivaut je l'espère à une loi d'abolition de la peine de mort. Les pairs ne se voudront pas charger de l'odieux de la prononcer pour délit politique. Ils compliquaient avec le crime de révolte, celui de meurtre, pour oser porter cette peine extrême contre Barbès, dont ils redoutaient l'énergie et ne la portaient pas même dans le cas de meurtre prouvé contre son associé moins influent. Ce sont trois cents hommes les plus riches et les plus élevés en rang de la France qui portent une sentence modérée contre ceux qu'ils regardent, à tort, je crois, comme de parfaits niveleurs, rêvant et méditant l'égalité absolue des rangs et des fortunes. Quel eut été leur sort, traduits devant les législateurs héréditaires les ainés seuls héritiers, les substitués propriétaires de fortunes accumulées par quatre à cinq cents ans de substitutions ? Une hécatombe d'assassinats juridiques, comme le prouvent leur cinquante assassinats en Canada et l'exil pour le reste de l'attroupement. Quels trésors de colère et de vengeance entassent contre lui le criminel gouvernement anglais ? J'ai lu dans les journaux du Canada le conte de mon emprisonnement ici. Sont-ils donc bêtes, méchants et ignorants comme des oies, ces éditeurs anglais. Quel bon Canadien aura été leur faire ce Conte qu'ils ont gobbé avec avidité, parce que tous les désirs dépravés de leur coeur et les rêves de leur imagination en délire, deviennent des réalités pour leur malice. Mais elle est maladroite parfois, parce qu'après tout quelques jours plus tard ils sont reconnus pour menteurs, et l'effet qu'ils ont voulu produire sur l'opinion publique en la faussant, est suivi d'une réaction en sens contraire. Chacun est aussi libre et assuré ici contre l'arbitraire comme on l'est à Londres. Si je voulais me répandre dans le grand monde, j'y serais accueilli avec les attentions les plus marquées, comme je les éprouve dans toutes les sociétés ou j'ai été. Un homme instruit et de bonnes manières recevra toujours plus de marques d'égard, que celui qui ne portera dans la société française que l'étalage des titres ou de la fortune. Je souhaiterais que la fastueuse aristocratie anglaise vint un peu plus souvent s'humaniser dans ce pays. Hier je jouissais d'une scène que j'ai vu à plusieurs reprises. Une séance de l'Académie d'Agriculture, commerce et manufacture présidée par le Duc de Montmorency, M(r) Juchereau de S(t) Denis et plusieurs autres, secrétaires des plus anciennes familles et du plus haut rang, grands cordons de la légion d'honneur, &(ca), distribuaient des médailles d'encouragement, et chacun de ces secrétaires lisait dans les termes les plus démocratiques que l'âge était passé pour toujours ou quelques hommes oseraient demander l'estime et l'approbation publiques sans autre titre que le mérite de leurs ancêtres ou leurs fortunes. Que ceux qui jouissaient de ces dons étaient plus étroitement obligés à donner de bons exemples de vertu, de travail, et d'industrie, que l'homme quelqu'il fut, se distinguent dans les professions agricoles et industrielles devait être l'objet spécial de la sollicitude et de la protection du gouvernement, et de la bienveillance de ses concitoyens. Cela était débité à une assemblée de 1500 personnes, et dans l'intervalle, des odes composées pour l'occasion, étaient chantées par de belle voix, avec des refrains terminés par les mots travail et liberté, longtemps répétés au milieu d'un tonnerre de vivats et de battements de mains. Dans les places réservées, de hauts fonctionnaires et de simples artisans, et leurs femmes à tous, les unes en diamants et dentelles du plus haut prix, les autres en indiennes de douze sous l'aulne étaient assises pêle mêle sans distinction aucune. Le sentiment de l'égalité est plus universel ici qu'aux Etats Unis, au point que la monarchie y est un contresens avec les moeurs nationales, mais une nécessité d'après les rapports du pays avec les autres nations. Mais pour la préserver telle qu'elle est, il faut l'habileté rare et la rare application du Roi actuel. Une faute un peu grave la ferait tomber. Vous pouvez discontinuer à m'envoyer des papiers. Si tu viens, il suffira de voir ici M(c)Kenzie & parent. La condamnation du premier me surprend et m'afflige. Est-ce une hostie de pacification immolée à l'orgeuil anglais ? Je ne le vois pas ainsi. Je vois quelques ennemis politiques sur le juré, pour s'être trop immiscé dans la politique américaine dans son journal au lieu de se borner à défendre la cause Canadienne. Cela aura l'effet d'arrêter des violence individuelles sur les frontières; qui ne sont plus la guerre. J'ai été deux fois rencontré par des anglais de rang, qui, dans la rue, sont venus me donner la main pour me dire. Nous rougissons pour notre pays et notre gouvernement qu'un homme de votre mérite soit si injustement forcé de vivre dans l'exil. Nous espérons que ce ne peut durer. Puis ils ont passé, sans que je les aie vus depuis. Tu ne saurais croire avec quelle impatience j'attends de toi, ma bonne amie, les prochaines lettres qui me diront où tu veux que nous vivions ensemble avec une partie de notre famille pour le moment. Si elles me disent que tu viens bientôt me rejoindre, je demeure ici jusqu'au moment probable de ton arrivée lorsque j'irai te recevoir à ton débarquement au Hâvre. Si tu ne dois pas venir que tard, je suis tenté d'aller faire une course dans la Belgique pour voir un pays très beau et très intéressant en lui même et pour aller étudier l'industrie nouvelle dans laquelle le général de Chassenon à fort bien réussi, me dit-il, de fabriquer d'excellent vin, vinaigre et eau de vie, avec les bleuets & croquets si abondants en Amérique. Je t'en parlais dans ma dernière, et comme cela pourrait être de quelqu'utilité si je retournais en Amérique -- c'est peut être un devoir d'acquérir cette connaissance pour en faire part à ceux à qui elle pourra être utile. Il y a donc des malheurs pour tout ce qui est Canadien. Ce pauvre Louis Viger, après avoir eu une femme et des enfants, les a tous perdus les uns après les autres -- M(r) Denis Viger, après une longue vie, toute entière irréprochable, à l'âge ou le repos lui devenait plus cher et nécessaire que jamais, a passé près d'une année dans un odieux emprisonnement. Cherrier aussi perd ses enfants, la chère petite Emma déjà si avancée; puis moi je suis forcément séparé de tout ce que j'aime. Jusqu'à quand ? fesons cesser ce malheur le plutôt possible. Adieu bonne amie, santé et courage. Amédée, Lactance, Azélie Ezilda, Gustave que je vous aime et déplore votre absence à tous, celle de tant de bons parents et amis, et la tienne ma tendre épouse Ton ami. (Au haut de la page 16) Mr Amédée Papineau Saratoga Springs State of New York (Adresse) Via Hâvre Reçue mardi le 17 sept. 1839.

 




Recherche parmi 16 491 individus impliqués dans les rébellions de 1837-1838.

 



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 [Nom]  (6 avril 2008)
moi toii nous tous

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