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Les Patriotes de 1837@1838 - Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 7 e ) (Copie dactylographiée.) Paris 23 juin 1839
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Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 7 e ) (Copie dactylographiée.) Paris 23 juin 1839
Article diffusé depuis le 28-mars-04
 




Ma chère amie. C'est trop à la fois qu'avoir à supporter au milieu des main de l'exil l'ennui de notre séparation, et les chagrins et les alarmes que me donne le mauvais état de ta pauvre santé. J'espère et crois que selon le parti que tu auras pris soit de ne faire que le court voyage de Saratoga et de la frontière, soit de faire le plus long et le meilleur celui de me venir rejoindre, tu trouveras une amélioration grande et longue dans ta santé. Ce sont les épreuves morales qui se sont succédées avec une accablante rapidité, pour nous tous, qui te vaincront s'il n'y a pas quelques circonstances propres à t'éloigner de la scène de maux irrémédiables pour le moment. Mes précédentes lettres t'auront fait voir qu'il n'y avait aucune aide ni secours à attendre de ce pays. Les hommes politiques y sont peu nombreux. Les hommes de lettres en nombre infini, les amis des sciences et des beaux arts également nombreux; mais tous, dans Paris, sont aussi entrainés dans un tourbillon d'amusement et de dissipation, qui ne laissent pas pénétrer profondément dans leur coeur le désir de prouver, par des sacrifices, la sincérité de leurs opinions libérales. ""Si quelqu'un pouvait obtenir de l'aide pour notre malheureux pays, j'avais autant de chance d'y réussir pour le moment je me refugie sous la protection de la maxime que tu as adoptée pour ton cachet: faites bien, laissez dire. Chez les hommes du pouvoir comme chez les Républicains, j'ai trouvé prévention égale et partialité pour une étroite alliance avec l'Angleterre. Dans des réunions nombreuses j'ai souvent fait aperçevoir, par la discussion, le danger de cette illusion, au point qu'elle a cessé d'être appuyée par une couple de journaux, qui avaient donné dans le piège."" Mais ceux qui sont sous l'influence du gouvernement continuent de la préconiser. Dans la société américaine, il en est de même. Quoi qu'ils souhaitent ardemment l'émancipation des Canadas, ""ils sont persuadés que l'Angleterre craint si fort la guerre avec eux, qu'elle leur fera des conditions si favorables de cession de terrain sur la frontière du Maine qu'il ne peut pas y avoir guerre entre les deux pays à cette occasion."" C'est le commencement de la punition des injustices dont elle s'est rendue coupable contre les Canadas. Elle ne se serait pas soumise à des conditions désavantageuses comme elle va le faire, si elle n'avait pas la conviction qu'elle a fourni de si justes causes de mécontentement qu'au premier coup de fusil, les Colons à la presqu'unanimité, se soulèveront contre elle. Ces opinion unanimement exprimées par les Américains sont un motif de plus pour que les Français concluent qu'il faut se tenir tranquilles pour le moment, il n'y a que dans la famille Lafayette que l'on souhaite avec ardeur que les nobles aspirations du général, d'associer les Canadiens aux grandes destinées des Etats Unis, se réalisent dans un avenir prochain. C'est une famille patriarcale par les vertus et l'union qui règnent chez elle. Je les ai vus, entre autres M(r) & M(mme) de Lafayette, plusieurs fois me dire les larmes aux yeux: Nous le pleurons pour lui et pour votre pays: Son enthousiasme pour votre cause eut pu la populariser, mais demeurez ici. La persécution ne vous permet pas de retourner dans votre pays. Vous saisirez ici l'occasion de servir sa cause. Si l'Angleterre a quelqu'embarras à l'intérieur ou à l'étranger, ce serait le moment de solliciter et d'obtenir des secours utiles. En chercher, en trouver, quand l'Angleterre est en paix avec le monde entier serait nuisible au Canada. Le Roi et les riches sont persuadés que la guerre serait favorable au parti républicain. Ils veulent donc la paix à tout prix. Plusieurs hommes publics ont de plus la folie de craindre que les Etats Unis ne deviennent trop vite trop puissants et n'abusent de leur supériorité maritime s'ils abaissaient celle de l'Angleterre. Plusieurs autres personnes considérables me conseillent aussi d'attendre les évènemens ici. Mes lettres antérieures t'auront montré que j'y inclinais; s'il entrait dans tes vues de m'y venir joindre & si la vente de quelque propriété nous permet d'y vivoter. Ta prochaine lettre m'apprendra j'espère que tu auras pris cette détermination; en ce cas tu emmènes Lactance; si tu ne viens pas j'irai bien vite te rejoindre, et en ce cas je regretterais de laisser Lactance seul ici. Elle me dira à quelle date tu te proposais de laisser, pour que j'aille te recevoir au hâvre. Si je n'ai pas un tel avis, je me donnerai quelques semaines à voyager dans l'intérieur de la France. Je répète qu'il faut se hâter de vendre ma bibliothêque à l'exception de tout ce qui est relatif au Canada qu'il faut entièrement garder ainsi que quelques livres de droit anglais pour Amédée s'ils peuvent lui être utiles aux Etats Unis: Mais je ne le crois pas. Aussi les livres de Botanique à estampes de peur du vil prix. Les livres sont pour rien ici, je remplacerai et mieux ceux que je vendrai, je pense que les éditions américaines sont les seules qui par des notes et additions lui pourront être utiles. C'est nous soumettre à un douloureux sacrifice que de consentir à une séparation prolongée de notre chère Ezilda de notre cher Gustave, mais, à leur âge, quand ils sont sous les soins d'une seconde mère, le mal est pour nous plus que pour eux. Il est si pénible de vivre séparé des parents et des amis que l'on a aimé de jeunesse, si difficile d'aimer avec intimité les amis que l'on fait plus tard, surtout quand l'on est incertain de son sort, incertain de savoir si l'on vivra longtemps ou peu de jours avec eux, que je ne croirais pas prudent que tu les amènes avec toi. Je crois qu'il faut que tu fasse un noviciat d'une année pour décider comment tu aimeras ou n'aimera pas la vie d'Europe, avant de déplacer ceux qui, sous tout autre rapport que celui d'être avec nous, sont aussi bien qu'ils peuvent l'être. Ah! comme me sourit le songe délicieux de votre arriver nos deux familles pour n'en former qu'une ici en attendant que l'ordre & légalité soient rétablis en Canada, ou mieux son Indépendance. Tu auras communiqué cette idée à ma soeur comme je la suggérais -- mais hélas! c'est chose quasi impossible. Néanmoins Louis au moins devrait s'arracher pour une année à la vie casanière et venir finir sa très bonne éducation par un tour en Europe, si nous y demeurons. 433 Les séances de la Chambre des Députés ne m'ont pas longtems intéressé. La discussion n'y est pas assez franche et passionnée. Elle se conduit dans un but de vanité plutôt que de persuasion. Des phrases brillantes, des jeux d'esprit pour se faire admirer, mais de Patriotisme, des principes fixes, il n'y en a pas ici. Depuis quinze jours, c'est l'exposition des produits de l'industrie qui m'a le plus souvent occupé et le plus vivement intéressé. L'on a bâti un édifice qui a coûté 400,000 francs pour ne durer que deux mois et être détruit en Juillet prochain, et il est rempli de modèles de toutes les fabriques et machines les plus utiles et des produits que l'on en obtient. Après l'exposition, une somme plus forte sera distribuée, tant en argent qu'en médaille aux auteurs des découvertes jugées les plus recommendables, puis un bon livre qui rendra compte de ce rapport de jury. C'est tout les jours que la littérature s'enrichit de quelque publication nouvelles et importante, la science de quelque découverte dont l'on rend compte. J'ai donc des distractions intéressantes, mais les souffrances du pays et la séparation de la famille les empoisonnent et me peinent plus que l'étude ne peut me consoler. Viens adoucir ces chagrins, ma bonne amie. La semaine prochaine et la suivante vont m'occuper aussi, parce que je suivrai à la chambre des pairs le procès politique contre les insurgés du 12 et 13 Mai. Après des tâtonnements qui avilissent de plus en plus le Ministère Whig, vil instrument des Toryes, il introduit des Bills pour l'union des Canadas et par là, contracte l'obligation de n'y pas diminuer son établissement militaire énorme. ""Si les Canadiens ont l'énergie comme je pense qu'il l'auront de ne pas se diviser; de persister dans le systême de non consommation des produits anglais et d'efforts pour encourager leur propre industrie, le haut prix que les dépenses de l'armée donnent aux fruits de la terre fortifie le pays à un degré qui me laisse espérer que les trois années de brutal despotisme auquel il est voué, ne l'aviliront pas et qu'il sera au contraire bientôt après en mesure de châtier l'oppresseurs."" Cette semaine m'a apporté lundi les deux intéressantes lettres d'Amédée et de Lactance par M(r) Hoguet, que je n'ai pas vu parce qu'il partait de suite pour la Suisse. La circonstance qui m'attristait bien fort était que tu étais assez indisposée pour n'avoir pu écrire. Mais enfin j'ai reçu hier la lettre conjointe d'O'callaghan et toi du seize mai qui m'apprend que tu es mieux et qu'il ne doute pas que le séjour à Saratoga te sera infiniment utile. Tu auras reçu le 25 mai celle que je t'avait écrite le 30 avril dernier et que portait le jeune M(r) Bossange. Celle-là et les suivantes t'auront décidée j'espère à venir. Je n'aurai peut être pas le tems d'écrire aujourd'hui à O'callaghan que je remercie affectueusement de son amitié, de sa lettre et de ses soins pour toi. Dearest Azélie. Papa learns with great pleasure that you have recovered from the severe illness under which you have repeatedly laboured, but of which the skill and care of your good little doctor cured you well. You have been so good, a young tall miss, says with flattery--I apprehend brother Amédée, that you deserve not only to have some of the prettiest play things that can be found in Paris but more, to come and make choice your self with kindest Mama. On the happy day when I will meet you on your landing at havre, or you on my landing at Albany, as mama shall determine. You will give my best compliments, friendly regard, and warm thanks to Misses Pitch, M(rs) Porter, Laforce, Clark, manuel, Walworth, Page, Corning, &(ca), &(ca) for their love and care to you and all of us. And so to our Saratoga friends if you are there and most loving Kisses to dear Mama and dear brothers for me. I write you in English as Amédée informs me that you have been so proficient an English scholar, that you are as ready in the one as in the other language. What a little wonder it shall be to hear such good English from the tall young miss, Fear not, you shall not forget your English if you come to see me, as I have many Kind American friends to whom I will be glad to introduce you. Adieu, ma chère amie. Il n'y a que la pensée que le jour de notre réunion approche qui aide à supporter l'ennui de la séparation. Santé, courage et tendre amitié nous soutiendront j'espère dans nos pénibles épreuves Ton bon ami et fidèle époux. L.-J. PAPINEAU

 




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