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Les Patriotes de 1837@1838 - Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 7 d ) (Copie dactylographiée.) Paris 31 mai 1839
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Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 7 d ) (Copie dactylographiée.) Paris 31 mai 1839
Article diffusé depuis le 28-mars-04
 




Ma chère amie, ma bonne épouse. Depuis ton excellente lettre du Vingt d'avril reçue dans les premier jours de ce mois, je n'en ai reçu aucune autre d'Amérique. Mon isolement me devient très pénible, maintenant que je suis convaincu que, pour le moment présent, je ne puis rien obtenir d'ici à l'avantage de mon pays. La lutte entre les parties est assez ardente, et l'issue assez incertaine, pour qu'ils ne soient occupés que de leurs intérêts Européens et du moment, sans porter leurs regards sur des intérêts permanents immenses, qu'ils peuvent établir en Amérique, s'ils y aidaient à rendre les Canadas indépendants. S'il y avait eu la plus légère chance d'obtenir de l'aide, j'aurais fait des efforts pour voir le Roi et faire ressortir par un Mémoire, tous les motifs d'intérêt et d'honneur, qu'il aurait trouvé à donner suite à la politique suivie par ses prédécesseurs Louis Seize & Napoléon, qui ont également voulu favoriser les Etats Unis, pour opposer un contre poids à la puissance prépondérante de l'Angleterre sur toutes les Mers. ""J'aurais eu peut être quelque difficulté, parce que la personne qui devait rendre cet accès facile, prétexte son mécontentement contre la politique de la Cour, pour dire qu'elle ne peut plus voir le roi."" Mais la certitude que, pour le moment, la meilleure intelligence prévalait (malgré des ressentiments ou des vues saines à mon avis du Roi contre l'Angleterre) entre les Ministres des deux pays, rendrait cette démarche inutile. Toute espérance de salut, par l'intervention Américaine, parait nous manquer; ici également il n'y a rien à obtenir; pour un temps, l'absolutisme va prévaloir. Mais, d'un autre côté, si la guerre d'orient éclate, comme toutes les apparances l'annonçent, la Russie et l'Angleterre seront inévitablement en collision, malgré les fêtes prodiguées avec tant d'art & d'habilité au Prince Russe par la noblesse anglaise, qui a beaucoup plus d'habiles politiques, quoique bien méchants hommes, que n'en a la France. Dans ce cas, la guerre deviendra bientôt après générale, et soit par les Concessions que l'Angleterre ferait alors par frayeur, soit par les secours que quelque puissance ou autre donnerait au Canada, il sera affranchi. Cet espoir nous échappera-t-il encore après tant d'autres ? ""Tous les gouvernements sont inclinés à la Paix. Ils redoutent les exigences des peuples qui tous tendent à vouloir des institutions plus démocratiques, et qui ne se soumettront aux sacrifices que commande un état de guerre qu'en vue d'obtenir des compensations par de plus amples libertés politiques & civiles arrachés à leurs gouvernements."") S'il n'est pas permis de désirer la guerre par tout le monde en vue de l'avantage particulier du Canada ce désir devient légitime, en vue de l'amélioration de la situation de tous les peuples qui, après des malheurs passagers, trouveraient dans des institutions libérales des gouvernements plus économiques, plus disposés à la paix permanemment, & des sociétés plus éclairées et dès lors plus à l'aise, qu'elles ne l'ont été depuis des siècles avec leurs dispotismes monarchiques, Aristocratiques, et cléricaux. Puis la guerre que nous n'aurons pas occasionnée et dont nous ne devons pas répondre, il sera du moins permis d'en tirer parti dans l'intérêt du Canada. Il doit être bien clair pour tous maintenant, que nulle autre combinaison que celle qui assurera son indépendance ne peut lui garantir un avenir supportable. Il ne faut pas obtenir moins s'il y a guerre. 429 S'il n'y a pas guerre il faudra employer le zèle de Mess(rs) Hume & Roebuck à diminuer le plus qu'ils pourront le mal que les ministres ont l'intention de lui faire souffrir. J'avais commencé à écrire, d'après l'opinion que les Ministres allaient présenter assez vite leur Bill d'Union avec des conditions iniques, pour que je dusse continuer à commenter sur le rapport de Lord Durham, et sur leurs plans, avec une juste Sévérité. Comme leur chute, puis leur retour au pouvoir, puis l'ajournement, puis l'apparance de la guerre d'Orient, ont retardé la production de leurs projets et, je n'en doute pas modifié leurs plans, il eut été peu prudent de continuer à écrire comme j'avais commencé à le faire. Nos pauvres compatriotes auraient peut être été trompés. Des plans iniques sont arrêtés contre eux et n'auraient pas été abandonnés par les justes reproches que l'on doit adresser à leurs persécuteurs: Mais ils auraient eu mille presses, soudoyées pour répéter: Vous voyez par les écrits des M(c)Kenzie, Papineau, Nelson, &(ca), que les mesures les plus rigoureuses sont les seules qui puissent soumettre à l'obéissance une population si irritée: nous devons croire que ces hommes sont les véritables interprètes des sentimens de ceux au nom desquels ils parlent. Ils se seraient servis de cet artifice pour reconstituer un parti modéré en Canada. Il m'a paru mieux de suspendre mon travail et de ne le reprendre qu'après la publication de leur Bill. M(r) Lamothe est arrivé hier seulement. Il m'apportait une lettre de mon cher père et une autre de Delagrave. Je les remercie affectueusement des soins qu'ils donnent à mes affaires. Je ne doute pas qu'avant ce temps tu n'aies vu ma soeur ou au moins nos chers petits enfants; qui viendraient avec elle, si comme je te le suggérais dans ma dernière elle venait elle-même passer quelques années en France pour donner à ses enfants une éducations accomplie et payer ses dettes; ou qu'il faut confier à ses soins, à sa tendre amitié, si elle demeure en Canada et que tu viennes me rejoindre dans le cas où il serait nécessaire de rester ici une couple d'années, si la tyrannie écrase notre malheureux pays sans que nous puissions le sauver. Je crois que tu dois prendre ce parti. Dans ce cas tu viens avec Lactance et Azélie. Je demande à mon Amédée, que j'aime si tendrement un sacrifice qui n'est pas moins douloureux pour lui que pour moi de demeurer séparé de nous, exilé du Canada, soumis si jeune aux plus déchirantes épreuves. Qu'il ne perde pas les avantages qui peuvent découler pour lui d'un aussi long séjour que celui qu'il a fait aux Etats-Unis. Sa résidence lui facilitera sous quelque mois de devenir Citoyen américain, si le Bill du Canada nous parait justifier cette démarche--puis un peu plus tard de prendre un état et de se faire admettre comme procureur dans les cours de l'Etat de New York. Cela fait, il viendrait nous rejoindre ici, si nous n'avions pas été déjà le rejoindre aux Etats Unis. Citoyen américain, ayant une profession, familier avec les deux langues, avec les bons amis que nous avons en Amérique et ceux que je fais ici, il n'est du tout point impossible, si des différents éclataient entre l'Angleterre et les Etats, et ils ne sont qu'ajournés, nullement réglés, il serait possible que dans la légation américaine si leurs intérêts se trouvaient être les mêmes dans ce cas que ceux du Canada, l'on aimerait à employer quelque Canadien et à se donner ainsi de la popularité en Canada, et dans quelque Secrétariat ici, il pourrait avoir sa chance d'entrer dans la vie publique en servant la cause de son pays. Si au contraire, la persécution commune à tous nos compatriotes s'appesantit en particulier sur nous, ce qui n'est pas encore impossible, eh bien! il se ménage pour lui et pour nous des ressources contre la misère. Si j'effectuais la vente de ma Seigneurie à une valeur approximative de son importance, alors nous serons les maitres de choisir sans gêne et après avoir délibéré ensemble, la profession, ou la branche d'industrie à faire valoir, qui nous serait la plus agréable, et notre première résolution serait sans attendre plus longtemps, de le réunir auprès de nous. Ainsi notre séparation telle que je la lui demande ne peut pas durer plus de dix huit mois; elle peut n'en pas durer six. Il faudra que tu voies à assurer sa pension et son entretien pendant cette absence. Pour les affaires tu diras à mon père de faire passer les fonds qu'il réalisera à M(r) Corning qui m'allouerait sur les fonds entre ses mains le plus haut intérêt qu'il accorde sur dépot, avec faculté de tirer sur lui de temps à autre. Si tu viens tu n'apporteras rien du tout que tes habillements, et tu ferais vendre en Canada ce que nous avons gardé de ménage et d'argenterie. Ces sommes nous en fourniront un ici, qui nous coûtera moins et sera plus joli. Tout autre chose que vos habillemens vous soumettront à d'interminables tracasseries avec les douanes. Une lettre de change pour £300 si on les a réalisés serait nécessaire parce qu'il faudra au début se monter d'un ameublement. Après cela £150. de six mois en six mois, nous feront faire une vie très aisée; beaucoup plus qu'elle ne le serait à Montréal avec la même somme. Si cette somme ne se trouvait pas d'abord nous vivrions en l'attendant à la pension. Le paquet du 24 avril ne m'a apporte aucune lettre. J'ignore beaucoup trop quels sont nos craintes, nos périls, nos espérances, et la conduite des réfugiés sur la frontière. Je n'ai reçu qu'une seule des gazettes de M(c)Kenzie, M(r) Lamothe me dit qu'il ne serait nullement surpris de voir venir ici cet été M(r) Auguste Quesnel et son fils. Ce serait un grand plaisir pour moi et le voyage ne peut que lui être très agréable et utile. D'un autre côté, il attendra pour se décider que la politique anglaise à notre égard soit connue et cela ne lui parviendra qu'à la fin de Juin. Je continuerai à écrire à Amédée. Lamothe a eu honte sans doute de n'avoir pas été te saluer, et m'a dit une menterie en m'informant qu'il avait été informé que tu étais rendue à Saratoga. J'ai fait confiance que le séjour là d'abord, et notre réunion ici, te rendra à la santé. J'arrive de la campagne. J'ai été passer douze jours avec des cultivateurs, voir comment on travaille les champs, et les manufactures de soie et de sucre de betteraves à la campagne. Je me suis trouvé avec des cultivateurs qui avaient 8 à 900 arpents en culture, et 1000 à 1200 mérinos, et de la gaieté et de la bonhomie comme nos bons cultivateurs Canadiens. La main d'oeuvre et les matériaux sont à si bas prix dans les campagnes que l'on peut facilement y louer pour £25. une maison aussi grande que la mienne, avec deux ou trois arpents de jardins entourés de murailles et plantés de toutes sortes de bons arbres fruitiers, tandis qu'un semblable logement sans jardin couterait £150 dans Paris, j'y ai vu d'excellentes écoles, des curés aimables, vivant en bonne intelligence avec des paysans incrédules, mais qui leur aident, dans de petites paroisses, à être très bien logés et nourris, quoique dans la dépendance des habitants qui, dans chaque commune, votent annuellement ou refusent 5 à 600 francs de plus que le salaire du Curé, selon qu'ils en sont satisfaits ou mécontents, qui votent pour le soutien de leurs écoles, et d'hopitaux. Sur le tout mon voyage m'a instruit et plû parce que j'y ai vu chez les cultivateurs plus d'aisance & de lumières que je ne m'y attendais, d'après le rapport des voyageurs. Puis, des chateaux et des couvents et des églises de tous les siècles, depuis des ruines du temps des Romains jusqu'à celui du vandalisme révolutionnaire. Puis, des Lamenais ou des Arago tant que l'on veut! 431 Ces vieux pays ont leur beau côté, mais combien je le verrais mieux et plus beau en ta société, ma bonne amie, en celle de nos enfants! En votre absence, il n'est rien qui puisse, je ne dis pas consoler, mais distraire de ce qu'elle a t'affligeant. J'ai donc grand hâte de la voir cesser. Sous peu j'attends par le Liverpool qui a du laisser New York le 18 mai, avis de tes déterminations. Adieu santé, courage et réunion. (Au haut de la page 1:) (Adresse voie du Havre). M(r) Amédée Papineau at Saratoga Springs State of New York. Reçue le 10 juillet 1839.

 




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