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Les Patriotes de 1837@1838 - Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 7 c ) (Copie dactylographiée.) Paris 15 mai 1839
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Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 7 c ) (Copie dactylographiée.) Paris 15 mai 1839
Article diffusé depuis le 28-mars-04
 




Ma chère amie. J'ai reçu il y a quatre jours, ta lettre du 20 d'avril dernier. Elle m'attriste profondément, en voyant combien tu as été souffrante, et inquiétée sur la santé de notre chère petite Azélie. J'approuve fort ta résolution d'aller même à bonne heure passer quelques jours à Saratoga. Tu en avais éprouvé un si grand bien l'an dernier, que j'espère que le résultat sera le même celle-ci; et que notre bonne petite fillette s'y fortifiera. Je m'afflige de voir combien ont été longs les passages et combien en effet l'ennui de n'avoir pas de mes lettres aura ajouté à ton agitation, circonstance funeste d'après le caractère qu'a pris ta maladie à la suite de la longue et violente fièvre continue dont tu as souffert; c'est devenu affection nerveuse. Le voyage et une nourriture un peu substantielle seraient les remèdes les plus efficaces, si tu n'avais pas une sensibilité si vive qu'ils ne peuvent pas produire de très bons effets, parce que le chagrin et l'indignation contre les injustices que nous éprouvons, troublent et ton 425 sommeil et tes digestions. Et pourtant nos difficultés se compliquent à un point que je ne suis guères en état de prendre de décision qui t'épargne la difficulté d'en venir de toi-même à une décision. La dernière lettre de M(r) Roebuck me disait: ""Je défendrai le Canada jusqu'au dernier moment. Je tacherai d'obtenir une amnistie générale, et la déclaration que les deux langues anglaise et française soient également sous la protection de la loi, et, malgré l'union des deux province, il sera du devoir des patriotes d'aller défendre leurs droits politiques et de préparer un meilleur avenir à leur pays. Mais, depuis ce temps, le Ministère Whig est tombé, puis la tentative d'en former un Tory n'a pas réussi. Les premiers gardent donc le pouvoir, mais ils sont déconsidérés. Je ne sais encore si l'échec qu'ils ont reçu quant au Bill de la Jamaïque, les portera à plus de prudence quant à celui du Canada et à le rendre plus libéral. Si leur désir est de suivre la politique ancienne, de nourrir des dissentions dans les Colonies pour perpétuer leur faiblesse et leur assujettissement, ils doivent voir qu'ils ne peuvent les garder qu'avec la garnison actuelle et des dépenses qui excèdent trop fortement les profits, pour que ce puisse durer longtemps. S'ils veulent avoir une chance, quoique bien faible, de les garder pendant encore quelques années, il aurait fallu concéder ce que la Chambre avait demandé et ne pas chercher d'autres combinaisons; les Whigs ne le peuvent pas faire. Je me réjouissais de leur chute. Les Torys sont aussi mal disposés, mais ils n'étaient pas aussi compromis et liés à persécuter les Canadiens français. J'ai donc retiré un écrit que j'avais donné à la Revue des Progrès pour paraitre aujourd'hui, s'il n'y avait pas eu ces altérations dans la situation du Ministère qui pouvaient influer sur la situation du Canada. Elle me parait presque désespérée pour un temps, puisque les Etats Unis ont la molesse de laisser échapper une occasion aussi favorable que la présente de se délivrer d'un voisinage aussi dangereux que celui de l'Angleterre. Ils sont de froids, mais habiles culculateurs. Ils sont persuadés que sur la frontière ils se fortifient proportionnément plus vite que ne le peut l'angleterre dans les Canadas, et que d'ici à peu d'années, leur supériorité sera si grande que les Canadas, assurés de leur appui, se déclareront libres et indépendants et seront admis à former partie de l'union américaine, sans que cela entraine la guerre contre l'angleterre. D'un autre côté un calcul si froid, si égoïste, si indifférent à tout ce qu'il entraine de souffrances pour notre malheureux pays jusqu'au jour de son affranchissement, portera des principes de dissentions dans leur confédération. ""Ici en France, non, les partis sont trop également balances pour qu'il n'y ait rien de favorable à en attendre dans un prochain avenir."" Sans la malheureuse émeute qui vient d'éclater et qui favorise le parti du Roi, celui du peuple aurait été, je crois, le plus fort. Le ministère ne serait pas encore formé, et le mécontentement en aurait été plus vif. Mais au milieu du meurtre et du carnage, trois hommes du parti populaire le désertent et acceptent le ministère avec des associés qu'ils n'avaient pas voulu quelques jours plutôt. Cela divise leur parti, et va donner à leurs adversaires un triomphe momentané, pendant la présente Session. J'aurais mieux espéré auprès d'un Ministère où la gauche aurait eu la majorité. La combinaison actuelle veut la paix à tout prix. La monarchie est si faible à l'intérieure qu'il lui faut ménager toutes les alliances étrangères. Elle se laisse duper par l'habileté supérieure des diplomates anglais, qui l'endort par cette phrase que les deux seuls gouvernements constitutionnels se doivent appui mutuel, quand il est évident que l'abolition de la pairie héréditaire dans ce pays le rend odieux à tout ce qui gouverne en Angleterre Wiggs ou Toryes. Bédard est revenu en hate d'Italie pour Londres. Je pense que c'est pour être consulté sur le Bill du Canada. Il n'a fait que passer, m'a envoyé des papiers du Canada, n'est pas venu me voir, et je ne pouvais l'aller voir, d'après sa lâcheté à s'excuser de ne le pas faire, parce que les papiers anglais l'avaient attaqué, par la supposition qu'il venait intriguer avec moi. Depuis quelques jours le journal des Débats, qui est le papier du Roi, a dit à diverses reprises qu'il fallait que les Canadas se soumissent à l'arrêt inflexible du sort, que la France n'y pouvait jamais acquérir d'influence assez forte, et qu'ils deviendraient américains quand ils cesseraient d'être anglais. Surchargés de population comme ils sont ici, ils ont la folie de ne vouloir pas encourager l'émigration. Je n'ai pas eu de lettres de toi, ma chère amie, et d'Ocallaghan. Je n'avais pas de gazette de M(c)Kenzie par le great Western. Je vois que ses projets et ses espérances, au temps de mon départ, étaient chimériques. Que le Haut Canada restant tranquille, les mouvements n'ayant lieu que sur la frontière du Bas, les vengeances pèseront sur celui-ci. Je n'ai pas de lettres de M(r) Chartier, ni de personne de nos amis. C'est me laisser dans un trop grand isolement. Les difficultés nous surmontent tous, avec du temps l'on peut finir par créer une impression ici, qui, dans une autre session pourrait avoir des résultats, dans la présente, non. J'écris à M(r) Roebuck que la plus importante des combinaisons qu'il devra tenter dans le Bill du Canada, serait que la Représentation eut pour base la population: que si cela n'est pas obtenu, c'est le despotisme pur qui sera établi. Je souhaite bien que tu ne voies pas Robert Nelson. Il est sans délicatesse et, si mes vues lui déplaisent, est aussi bien capable de trainer injustement devant le public et de déchirer une femme comme un homme. L'émeute aura couté la vie à plus de 300 personnes. Un plus grand nombre sont blessés. Malgré ce que disent les journaux, les gardes nationaux n'ont pas eu le dixième de leur nombre qui se soit porté à supprimer l'insurrection. Elle leur était indifférent comme tout le gouvernement. Mais il n'y a pas de risque d'un pareil évènement d'ici à longtemps, et puis en tout cas pour l'étranger qui n'y prend pas part, il peut rester sans crainte dans son appartement, quoique l'on se tue sous ses fenêtres. J'incline à croire que mon cher Amédée doit avec un redoublement d'application suivre ses études légales où il est. Qu'avec de l'application, l'amitié du Chancellier, de M(r) Ellsworth, de M(r) Cowan, lui donne une chance de s'établir avec succès. Que si Lactance veut suivre le commerce M(r) Bossange et sa Dame en prendront soin comme de leur enfant. Que s'il veut étudier la médecine il n'a pas de chance, à moins de talents supérieurs de reussir en France, mais que les études qu'il y ferait, les meilleures qu'il y ait au monde, lui serviraient en Amérique à notre retour. Si mes amis sont en état de racheter au mois d'août, leurs billets que j'ai laissés à M(r) Corning & si tu peux rassembler quelques moyens et obtenir l'assurance que mon père peut nous faire passer au moins £150 cent cinquante louis tous les six mois, viens avec Lactance et Azélie, passer une couple d'années ici. Si cela ne peut s'effectuer, tant en mettant plus de diligence à recouvrer et me faire passer mes revenus, qui excèdent le double de cette somme, avec des arrèrages et dette exigibles au montant de plus de cent mille francs, c'est que mes biens ne seraient pas très diligemment administrés. D'ailleurs, quelques ventes, même avec des sacrifices, pourraient, sans inconvénient couvrir la différence. Je resterai jusqu'à la fin des 427 sessions des Chambres de France et d'Angleterre, et si, avant ce temps, j'apprends que les ressources pécuniaires nous manquent au point que tu ne pourrais venir, j'irai rejoindre ma femme et mes enfants pour ne plus nous soumettre aux déchirements de nos douloureuses séparations. M(r) Roebuck me donne l'espoir d'ici à ce temps de venir me voir. Je puis l'employer avec confiance je crois, après lui avoir parlé, à négocier en Angleterre peut être la vente de ma Seigneurie, après quoi nous pourrions à notre choix nous établir où nous trouverions le grand avantage de notre famille, en Europe ou en Amérique. ""L'établissement de l'imprimerie de Duvernay est une nécessité: si les Canadiens ne sont pas tout à fait écrasés ils ont du lui aider; s'ils ne peuvent pas cela, ils ne peuvent rien de plus pour s'affranchir."" Tu vois à cette époque je pense, ma chère petite Ezilda et notre Gustave, avec ma bonne soeur, à Burlington. Que de consolations, que de douleurs dans ces entrevues passagères et dans la terre d'exil! Si tu venais, mon cher Louis, ferait bien de t'accompagner, de venir passer une année à dix huit mois en Europe. C'est une autre civilisation que celle de l'Amérique. En famille avec nous il trouverait tous les avantages, sans aucun des dangers qu'offre un voyage d'observation qui lui foumira d'agréables souvenirs et des connaissances utiles le reste de sa vie. Vous prendriez des passeports du Consul anglais; M(r) Buchanan et M(r) Laforêt vous donneraient les renseignements nécessaires pour savoir si vous ne pourriez pas prendre les passages par les bateaux à vapeur. Ils sont plus courts et de cent au lieu de 140 piastres, économie importante, quand il y a plusieurs passages à payer. Si ma soeur veut payer ses dettes elle n'a qu'à venir vivre en famille ici, bien plus à son aise avec £500. de dépense qu'avec £800 en Canada, et laisse le reste à l'extinction de ses dettes. Que, si ça ne se peut je laisse à son affection sans bornes pour moi, le soin de mon Gustave, qui peut commençer son cours d'étude à S(t) Hyacinthe, et celui de mon Ezilda qui la complète aussi heureusement et bonne qu'il est possible dans nos jours de deuil et d'épreuves. Le passage d'Angleterre en France est très modique. Hélas je ne puis nommer des noms si chers sans que bien des pleurs ne viennent m'interrompre, ni tourmenté par l'incertitude toujours croissante de notre avenir. Que l'on est faible quand on est seul. Adieu ma bonne amie, Avec qu'elle ferveur je dis et redis: au jour de la réunion avec ma femme et mes enfants, et ma famille et mes amis! Puis ignorer si l'on peut ajouter--dans mon pays; quel tourment! Tout à toi Ton bon ami et fidèle époux. P.S. Si tu te décides à venir il faudra mettre en vente la bibliothèque et la laisser s'écouler peu à peu avec le moins de sacrifices que possible. J'en composerais ici une meilleure à moindre prix. Il en faudrait excepter les livres particulièrement relatifs au Canada. Lois provinciales et journaux, histoires et brochures Canadiennes, qui me serviront à écrire l'histoire du Canada si nous en sommes bannis. Je n'ai pas de lettre de De Lagrave. Quoiqu'il soit gêné dans ses affaires, je ne puis croire ni craindre qu'il ne te remette pas fidèlement tout ce qu'il aura retiré à fur et mesure que ça lui sera parvenu. Presse le, et s'il y a négligence de sa part que ce soit Louis Viger qui le remplace, ou ce pauvre Cherrier aux douleurs duquel je prends la part la plus vive. Tu l'auras vu ou sa femme à Burlington à ce sujet. (Au haut de la page 1:) (Adresse) M(r) Amédée Papineau comme précédente. Voie du Hâvre, reçue Mardi 18 juin 1839.

 


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