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Chère amie. Je t'écris au moment de mon départ pour Philadelphie d'ou je me rendrai jusqu'à Washington. C'est toujours pour la vieille bonne cause quelque faible chance de succès qu'elle offre, après la déplorable proclamation. Elle embarrasse un peu mes relations avec le premier magistrat. Je ne laisserai pas que de le voir, mais avec moins d'empressement que je ne l'aurais fait. J'ai eu d'assez vifs mécontentements depuis que je suis ici, M(r) Bonnefoux a de bon qu'il voudra servir la cause du Canada parce qu'il déteste bien cordialement ses oppresseurs. Il a été huit ans leur prisonnier de guerre. Ce sont huit années d'infortune; elles ont été suivies d'un grand nombre d'années de bonne fortune, pendant lesquelles par de l'activité & de l'intégrité dans le Commerce, il a acquis une grande aisance. Je n'en demande pas tant, mais seulement de ne pas tomber dans de plus grandes gêne & embarras que je n'en ai. C'est bien assez à porter à la fois. Le brave homme est opiniâtre comme un mulet, n'ayant pas vécu dans la vie publique il n'a pas appris à céder de ses opinions à celles des autres. Ils ont voulu me pousser à des démarches inconséquentes. Après des infortunes aussi grandes que celles que vient d'éprouver nos malheureux consitoyens, Rob(t) Nelson avait arrangé, avec Ryan & M(c)Kenzie, qu'il fallait continuer leur plan d'agitation sur la frontière, et retremper les courages, par l'organisation immédiate d'un gouvernement provisoire, dont on me ferait président, et son frère Commandant en chef. Il est clair que la persuasion aurait été entière, que j'avais participé à tout ce qui s'est fait récemment et que je me serais perdu de réputation, comme un écervelé, si, dans un moment où ces circonstances occasionnaient tant de maux et provoquaient une dénonciation si amère de la part du Président, j'en avais assumé la responsabilité, et par là exonéré les véritables auteurs. Je leur ai dit que j'étais persuadé que c'était par dévouement à la cause d'un pays odieusement tyrannisé, qu'ils s'étaient plongés, et d'autres après eux, dans les plus grands périls; que cette considération rendrait odieux à mes yeux quiconque se permettrait le blâme et l'injure; mais qu'ils ne pouvaient pas exiger de ceux qu'ils n'avaient pas consultés; quand après avoir entendu parler de leurs projets d'une manière vague, ils auraient conclu que les moyens étaient insuffisants et totalement disproportionnés au but, qu'ils prissent leur place, pour moi, disait-il Bonnefoux qui par affection me voulait faire cet honneur, a été excessivement mécontent et a pris cette raison ou ce prétexte pour ne me pas avancer d'argent. Il passe pour être très serré, et le calcul de ce qu'il pouvait lui en couter, sans être sur de ses gros intérêts accoutumés, a pu refroidir son zèle. J'en ai trouvé pour ce premier voyage. Il est possible qu'il ne s'en trouverait pas pour le second qui en demanderait davantage. Il est évident que c'était un piège et que l'on aurait dit ensuite: ""vous avez une charge nouvelle qui vous impose de nouvelles obligations, vous ne partirez pas"". Duvernay est convenu que telle aurait été la conséquence, et voilà comme j'aurais été bien traité. J'ai été réjoui de voir M(c)Kenzie acquiescer à la force de mes objections et accueillir les suggestions d'un autre genre que j'ai faites. Le D(r) Wolfred Nelson est demeuré parfaitement d'accord avec moi. Il est judicieux et modéré, quoique dévoué, mais d'autres ne consultent plus que la passion. 411 Oh! bonne amie, j'admire ton courage à te soumettre à d'aussi pénibles embarras, comme t'en laissera mon absence si elle a lieu. Quelle chance de succès avons nous, pour espérer que nous en serons dédommagés un jour, par le bonheur public d'abord & par quelqu'amélioration à notre sort. Ah! si les beaux Jours reviennent une fois je t'en aurai en grande partie obligation, parce que tu n'as pas été découragée quand tout portait à l'être. Nos chers enfans j'espère je les prie, de redoubler de soins à te donner les consolations dont tu as besoin. De leur application et de leur bonne conduite aurait en grande partie dépendu notre bonheur même dans un temps de prospérité, mais si cet appui nous manquait quand tant d'autres nous ont déjà échappé n'écraserions nous point sous le faix. L'on me dit que nous allons nous trouver sur la route de Philadelphie avec M(r) Buller. Je puis lui imputer en grande partie les maux de mon pays et les miens. J'ai bien des raisons de me tenir à distance: néanmoins pour une pareille cause, je tacherai de vaincre mes aversions et de lui faire entendre la vérité sur les criantes injustices de son gouvernement; si, comme on me le dit qu'il le désire, il cherche l'occasion de me voir. M(r) Shea, que nous avons vu plusieurs semaines à Saratoga, chez M(r) Loomis a eu la politesse de me venir voir avec ses fils, et m'a invité à l'aller voir. Nous avons parlé de la famille; c'est un plaisir mêlé de tristesse. L'on s'est intéressé à demander si Sisis était toujours bien bonne et bien gentille, et son cher petit papa a dit que oui, qu'elle lisait bien et parlait bien anglais. ainsi elle continuera à s'appliquer pour ne le pas faire mentir. J'aurais bien plus de satisfaction à aller à Washington dans des temps moins malheureux, mais je verrai quelques unes des réputations américaines. Je m'efforcerai de les intéresser à mon pays qui souffre autant. -- J'ai revu M(r) Pontois, qui parle des bonnes intentions de l'Angleterre à l'avenir, et demande semi-officiellement s'il n'y a pas moyen de négocier un accommodement. Je suis certain que, allant avec W. N. je serai suivi pas à pas, épié sur chaque mot, par M(r) Fox et M(r) Buller, et M(r) Featherstonhaugh l'ami de M(r) Fox. Pas un mot de tout ceci à qui ce soit. Je le mentionne pour notes qui me serviront plus tard et que je n'ai pas le temps de prendre à la volée. Adieu chère amie et toi et les enfans je vous embrasse tendrement. Si ce que j'apprends à Philadelphie et Washington n'est pas plus encourageant que ce que j'ai appris ici, je n'irai pas en Europe. Nous verrons. Ton ami très affectionné.
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