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Ma chère amie. Rien à t'apprendre encore qui puisse adoucir l'amertume ni calmer les anxiétés que nous donne notre douloureuse séparation dans des circonstances aussi déplorables pour notre malheureuse famille, pour nos malheureux amis, pour la patrie saignante par tous les pores, que celles sous lesquelles nous nous séparons. Nous sommes entrés au Steamboat au moment où il faisait brun. Robert Nelson y était: nous n'en savions rien, et nous avons fait tout le voyage & avons mis pied à terre sans en rien savoir, tant sont grande la foule et la confusion d'un mouvement perpétuel sur ces Steamboats. Nous y avons pourtant rencontré deux Canadiens de Québec M(r) Duchesnay, veuf de M(lle) Perrault, et son frère, valétudinaires tous deux, et tous deux pacifiques; qui fuient le Canada parce qu'il y fait tout ensemble, physiquement trop froid, et politiquement trop chaud, et vont chercher le suprême bien à Washington au lieu du mal suprême à Québec. Ils conviennent que bien que leur famille ait été toujours attachée au parti du gouvernement par des charges, les insultes journalières qui retentissent à leurs oreilles, contre tout ce qui est Canadien les indignent: que si les troubles continuent, nul natif ne pourra se contraindre et demeurer neutre, mais ils croient que le gouvernement ne peut se dispenser après des sévérités, qui ne feront qu'accroitre l'irritation, de revenir sur ses pas et par l'entremise d'hommes d'influence auprès des Canadiens d'y faire renaitre l'ordre. Que sans la dernière insurrection tentée en présence d'une force militaire trop grande, le retour de Wolfred Nelson & le mien dans le pays auraient été vu avec plaisir par le gouvernement, pour en venir à quelqu'accord, moyennant lequel, chaque partie cédant quelque chose aurait amené la paix. Je les ai laissé parler beaucoup; ai dit, contre son opinion, que le gouvernement de la Métropole était aussi malveillant que celui de la Colonie et à part cela, lui ai peu parlé de mes sentiments. Il a dit avoir appris que j'étais en route pour Washington. Qu'il aurait grand plaisir à m'y voir. Je lui ai dit que j'aimerais assez à voir le congress en Session; mais que je n'étais pas décidé à y aller. Le fait est que tous nos feseurs de révolutions, quoique parfaitement bien disposés et beaux parleurs, sont dans ce moment sans sou ni maille pour subvenir aux plus pressans besoins. Cette foule de refugiés sur la frontière a besoin de pain aujourd'hui. M(r) Bonnefoux a le meilleur vouloir, mais un flux de paroles qui consomme un temps précieux, s'il était donné à l'action. Le Comité ici n'a encore rien receuilli. Il commence aujourd'hui à le faire. Le retard n'a été occasionné que parce qu'il voulait commencer par une adresse pathétique, encore à faire, à tout le peuple américain en faveur des patriotes souffrants. Mais, hier au soir, on lui a fait envisager que c'était instantanément qu'il fallait des secours à la frontière. A Philadelphie, la collection a commencé avec libéralité tant en argent qu'en effets, habits, bas souliers, couvertes &(ca). Malgré ce que disent les papiers, au contraire, les assemblées ont été nombreuses et respectables, même à Washington et Baltimore. Le va et vient ont été fréquents de chez l'ambassadeur anglais à la maison du Président, qui a fini par faire écrire des circulaires dans tous les bureaux publics interdisant aux sous-employés d'assister à l'assemblée. Malgré la défense, beaucoup s'y sont rendus, plusieurs ont applaudi et l'un d'eux, fils de l'un des Secrétaires d'État, je ne me remets pas lequel et un anglais, ayant donné quelque légère interruption, ont été mis à la porte, M(c)Kenzie est plein de confiance, mais très indigné contre la proclamation de Van Buren. Ses amis l'excusent en disant que c'est artifice et diplomatie; qu'il ne la fera pas plus observer que celle de l'année dernière, qui était aussi formelle et menaçante, et qui est demeurée sans effet. D'autres personnes de ses amis la blâment avec amertume et disent qu'il ne peut pas ruiner la cause des patriotes mais qu'elle a déjà commencé et consommera sa ruine à lui-même. Que les sympathies se fortifient et s'étendent rapidement &(ca) Je saurai d'ici à demain si l'on peut nous aider, le D(r) Wolfred Nelson, & moi, et dans ce cas je partirai de suite pour Washington; et s'ils ne le peuvent pas, je partirai de suite pour Albany en leur disant que dès qu'ils pourront me fournir des moyens je mettrai à la voile, non autrement. Tout ceci n'est qu'entre nous. 409 J'ai vu M(r) Burnley, Beaupère de M(r) Hume, qui part sous une couple de jours pour la Trinidad. Il me dit que M(r) Hume condamne le plan de M(r) Roebuck d'encourager l'émigration. D'un autre coté je lui dis que quoique ce soit un acte de désespoir, il est hors de question d'espérer que les Canadiens se résigneront à être aussi insultés et maltraités par le gouvernement, comme ils l'ont été par le passé; qu'il ne peut plus jamais régner sur le Canada, par la soumission volontaire de ses habitants mais est réduit au déshonneur de les maitriser par une violence ruineuse pour l'Etat, pour le commerce, pour la réputation de l'empire. Il en est convenu et pense qu'il n'y a qu'un aveugle orgueil qui l'empêche de les abandonner. M(r) Bidwell m'en dit autant. Il commente avec amertume, contre la conduite de Durham, et le regarde comme le plus malhabile et le plus malhonnête de nos gouverneurs. Il dit que Buchanan parle aussi librement comme il ose se le permettre, contre l'absurde systême de violence dans lequel persiste le gouvernement, qu'il ne cesse d'écrire en opposition, et nomme un autre anglais influent qui en fait autant. Mais il ne sait rien de plus positif, sur les vues ultérieures de la Métropole, ainsi mon voyage jusqu'à présent n'est pas très fructueux pour rien apprendre de très important. Il est pourtant bon de n'être pas oublié de ces personnes et de les avoir vues parce qu'ils le méritent. Le brave O'callaghan n'est malheureusement pas encore encouragé dans sa pratique. Il est bien lui-même, te salue et embrasse notre Azélie: Et moi aussi je le fais, et bien tendrement. Mais hélas c'est de loin. J'ai appris hier soir que M(r) Pontois était ici, j'ai passé ce matin pour le voir, Il n'était pas chez lui. J'y retournerai après midi, peut être apprendrai-je de lui quelque chose. Non, rien autre chose que des regrets inutiles qu'une nouvelle résistance ait été tentée. New York est aujourd'hui comme, au quatre de juillet, avec ses belles Milices paradant par les rues pour célébrer l'anniversaire de l'évacuation finale et pour toujours j'espère, de la soldatesque anglaise hors de cette ville. Quand le Canada aurat-il la consolation de célébrer un aussi heureux anniversaire ? Adieu chère & bonne amie--J'ai pressé M(r) Porter de venir à notre secours pour le plaçement de nos chers enfans. S'il arrivait que je dusse m'éloigner, qu'elle inquiétude de moins s'ils avaient une bonne place, et qu'elle consolation s'ils l'avaient près de toi. Tu lui rappèlera le sujet -- et je crois qu'il s'y portera avec le zèle et la parfaite amitié qu'il a eu pour moi. Aussitôt la tranquilité un peu solidement établi, j'espère que les secours attendus du Canada te parviendront. Ecris à mes chers enfans combien c'est leur sort plus que le notre qui nous afflige, mais qu'avec de la bonne conduite nous pouvons espérer après de rudes épreuves de le voir s'améliorer--Qu'il n'y a pas de malheur absolu, de malheur sans consolation, alors que l'on est sans reproche. Adieu mon amie soigne ta santé, courage, résignation, autant qu'il sera en notre pouvoir d'en avoir. Ton ami, ton époux tout dévoué P.S. Au cher Théophile, à nos bons amis d'Albany sincères amitiés de ma part. M(r) Porter, n'étant pas parti hier j'ajoute que M(r) Bonnefoux dit qu'il subviendra aux dépenses du voyage--ainsi il est probable qu'il est probable qu'il se fera et que je partirai sous un jour ou deux p(r) W... Pas âme qui vive autre que toi ne doit avoir cette lettre, garde là dans ce pays; si tu vas en Canada laisses là à Amédée -- Adieu L.J.P.
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