• Plan du site
  • Nouveautés
  • Plus populaires
  • FAQ

Rubriques


 

 

Les Patriotes de 1837@1838 - Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 2 ) Albany 10 février 1838
 CORRESPONDANCE 
MOD
Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 2 ) Albany 10 février 1838
Article diffusé depuis le 28-mars-04
 




Chère Amie--Dans des moments d'agitation aussi vive, d'épreuves aussi pénibles, j'ai eu de fréquentes alternatives des plus hardies espérances, du plus accablant découragement. Je t'ai écrit sous l'impression du sentiment qui me dominait alors et j'ai de suite fermé mes lettres pour ne pas être tenté de les corriger dans d'autres moments. Je les ai laissées entre les mains de M(r) Porter qui lorsque les communications redeviendront plus faciles te les fera parvenir et remettre en mains propres. Je suis sur que le sentiment de l'abattement y domine trop ce qui pourtant est naturel parce que dans les moments ou des amis paraissaient sympathiser au sort de notre pays et lui promettre un meilleur avenir, par des négociations soit par l'entremise de nos amis en Europe ou ici, il fallait s'occuper à écrire à d'autres pour tâcher d'utiliser ces recommendations. A la suite d'espérances détruites, je cherchais la solitude, la méditation et dans ce recueillement pouvais-je ne pas voir ma femme et mes enfans dans les pleurs et l'inquiétude comme moi et pour moi. Le tems s'écoule, un gouvernement oppresseur se fortifie, les persécutions se multiplient, les jours de souffrance sont plus fréquens, plus rares ceux ou j'espère que le gouvernement serait capable de quelque modération, cet espoir s'éteint et meurt sans retour. J'ai laissé ma demeure d'après le voeu unanime et les pressantes sollicitations de parents, d'amis, d'hommes publics demeurant d'accord que dans l'état d'excitation toujours croissante qui tourmentait Montréal, à la suite d'une réorganisation criminelle de toute la magistrature pour des fins de persécutions politiques, je devais pour un tems sortir de la ville. Que j'y étais exposé à un danger instant d'assassinat; à celui d'une nouvelle attaque contre ma maison et ma famille avec la connivance de la force armée et du magistrat. Ces sollicitations se répètaient sans relâche depuis plusieurs jours. Je les avais repoussées. Le Conseil Exécutif siégeait à Québec. Je savais l'opinion de plusieurs de ses membres sur la nécessité de proclamer la loi martiale. Que l'Assemblée des cinq Comtés était accompagné d'un acte ouvert de trahison parce qu'un arbre de la liberté y avait été planté. L'absurde iniquité d'une telle prétension m'en fit sentir le danger. Le Gouvernement qui la proclamait avait le moyen de la faire prévaloir auprès de juges aussi asservis et passionés que le sont les nôtres. Cette persuasion me décida à partir sur le Champ. Mon projet était de demeurer caché pour un tems chez d'honnête cultivateurs pour laisser passer un orage dont je ne prévoyais ni la violence ni la durée. Nous n'étions nulle part préparés à résister au Gouvernement. Je croyais au danger de nouvelles aggressions contre nous dans la ville: à celui d'affreuses persécutions dans les tribunaux je ne prévoyais pas que le pouvoir commencerait une guerre civile aussi peu provoquée que celle qu'il a faite avec une brutale férocité. Je ne voulais aller chez aucun parent ou ami riche et instruit pour ne pas provoquer de persécution contre eux. Je pensais que quelqu'outrée que fut l'animosité nourrie contre moi, de braves cultivateurs ne seraient pas inquiétés pour m'avoir donné un asile, que l'on regarderait cet acte comme un service que l'humanité réclamait et que leur ignorance serait une juste excuse pour ceux de cette classe qui me mettraient à l'abri. Tu auras appris comment je suis parti du Canada. Je croyais toute possibilité de résistence perdue. Je ne veux pas écrire les circonstances extraordinaires qui ont accompagné ma fuite pour leur donner l'intérêt qu'elles ont, il faudrait trop particulariser les personnes et les localités. Ce ne fut qu'à mon arrivée aux États-Unis que j'appris qu'un grand nombre d'autres infortunés compatriotes y étaient arrivées depuis plusieurs jours principalement du Comte de l'Acadie. Le hasard en amena plusieurs sur le bord du lac ou j'avais couru le plus grand risque d'être noyé. Je n'ai vu que ceux là qui convinrent que je ne devais pas me faire connaitre dans ce moment. Dans ce but je me privai du plaisir de revoir des amis qu'il aurait été si doux de revoir, entre autre M(r) Jh. Roy qui était venu y chercher ses frères. Au lieu d'aller dans la maison publique où ils étaient, je me tins dans des maisons particulières et voyageai par des voitures privées. Rendu à Albany M(r) Porter et sa famille m'ont accueilli aussi amicalement que le peut être un tendre frère ou le meilleur ami tombé dans le malheur. J'ai été longtems à ses charges et vais m'en éloigner. Mes espérances de rentrer en Canada d'ici a (que) longtemps sont anéanties. Il n'y a plus qu'à se résigner à la souffrance jusqu'à ce que des événemens imprévus les fassent cesser. Armes toi donc de courage. Si le régime militaire cesse jamais si l'autorité des lois reprend quelqu'empire tu défendras et conserveras pour toi et nos chers enfans une bouchée de pain tant que tu vivras. Je pense que le pillage, la confiscation, les proscriptions d'un peuple pour en enrichir un autre sont dans les vues et les spéculations du Ministère et surtout des loyalistes provinciaux. Sans autres raisons qu'une haine invétérée contre nous et l'avarice des prétendus amis du Gouvernement beaucoup 403 d'innocents sont déjà ruinés beaucoup d'autres le seront. Je ne puis échapper à cette persécution. Mais notre contrat de mariage te donne des avantages que tu tacheras de recouvrer si l'iniquité de mes ennemis me condamne en vue de ravir mes biens. Ces avantages sont en plus grande partie pour ta vie durante seulement et dans le cas ou nos enfans auraient le plus grand de tous leurs malheurs à supporter, la perte de leur tendre mère ils seraient réduits à n'avoir rien du tout dans le cas supposé. Redouble donc de soins pour te conserver pour eux. Réalises à même le mobilier tout ce que tu pourras et le plus vite que tu pourras. Pour tes réclamations tu ne les pourrais faire que dans le cas ou les autorités se livreront à d'atroces injustices, à des condamnations & confiscations qui les flétriront. Celles du haut Canada sont bien odieuses ici par suite de la violence à laquelle elles s'abandonnent contre leurs adversaires politiques. Ce m'a été une grande consolation de voir notre Amédée pendant quelques jours. Ce m'est une cuisante souffrance de recommencer des adieux qui ci-devant m'ont déjà si sensiblement attristé ou plutot torturé. Le pauvre enfant A eu la prévoyance de sauver plusieurs de mes titres et papiers qui ont rapport à mes affaires. Il faudra les remettre à mon pauvre vieux père qui est plus accablé à la vue des souffrances du pays et de sa famille je n'en doute pas, que de ses quatre vingt cinq ans, et qui s'il y a moyen de le faire peut mieux que personne autre conserver mes intérêts. Ce qu'il pourrait retirer de dettes et arrérages devrait être mis à part pour devenir productif plus tard pour ton soutien et non pour payer des dettes quellesqu'elles soient, parce que les Créanciers ont un ample gage sur mes bien fonds ce qui assure leur créance et qu'ils la recouvreront contre le Gouvernement si celui-ci me vole et me dépouille. Si ces appréhensions ne se réalisent pas, et elles ne peuvent pas se réaliser avec l'ombre de justice, nous aurons le bonheur de vivre réunis ici où ailleurs, n'importe sur quel point du globe ce sera, ni dans quelle médiocrité de fortune, ce sera j'en suis sur avec toute la tendresse mutuelle possible et un contentement justement apprécié au souvenir du risque éminent que nous aurons couru de ne voir jamais s'accomplir cette chère espérance. Si nous n'avons pas cette consolation, mes enfans hors la dernière peut être trop jeune pour que les impressions qu'elle a reçues soient assez profondes pour n'être pas affaiblies par le tems, conserveront un vif attachement pour un père qui les aima si tendrement. Que le souvenir de ses malheurs ne les humilie ne les décourage jamais. D'autres hommes irréprochables comme leur père ont souffert comme lui. Ils doivent demeurer inflexiblement attachés à tous les sentimens honnêtes quelque péril qu'il y ait à les professer et il n'y a pas de sentiment plus honnête de devoir plus pressant que celui d'aimer son pays. C'est l'action du Gouvernement d'outremer qui pour un tems du moins va décider de l'avenir plus ou moins malheureux qu'il va faire au Canada. Il y a trop de réfugiés des deux provinces qui ont des talents et de la fixité dans leur principes, pour ne pas venger avec quelqu'effet par leurs écrits et leurs protestations des injustices outrées s'il s'y livre. Il y a entre eux une grande incertitude sur la direction qu'elle va donner à son administration et dès lors sur le parti qu'il leur convient de prendre. S'il faut ou ne faut pas de suite établir un papier, si des plaintes trop fortes n'aggraveraient pas le sort des prisoniers. Cet état d'incertitude est une grande souffrance qui se répette et se renouvelle à chaque instant. Je vais m'éloigner d'ici sans plan fixe et arrêté de savoir ou je vais me rendre pour t'en informer. Vienne l'été lorsque les communications sont plus faciles et fréquentes et dès lors moins suspectes qu'aujourd'hui je prendrai les moyens de te le faire savoir et qui sait peut être aurons nous celui de nous revoir. Si quelque sentiment de modération y pouvait inspirer le Gouvernement et qu'il abolit cette loi martiale qui est le renversement de tout ordre, je pourrais me mettre plus prochainement (me mettre) en rapport avec vous par écrit. Je me prive de cette consolation par la voie fréquente de la poste de peur de vous exposer à des vexations. Vers la mie mai quelqu'ami sûr présentera j'espère chez M(r) Porter qui seul ici saura où je serai pour me faire connaître la situation de ma famille et me procurer quelque secours. Si Amédée est raisonnable comme je l'espère il sera avantageusement placé à Saratoga avec une perspective si le Canada lui est fermé de faire ici son chemin tout aussi bien et mieux que là, patronisé comme il le sera par des amis des plus respectables dans la carrière du barreau. Ma torture est de n'avoir pas de détails sur le sort de ma famille, et de songer qu'en m'éloignant j'en aurai encor moins. Tu es avec les enfans sans cesse présente à mon esprit et je vous vois entourrés de tant d'embarras que je suis quelques fois terrassé par ces considérations et envie la disposition d'esprit de ceux qui voient l'avenir comme ils le veulent voir, n'envisageant ques les circonstances encourageantes éloignant de leur vue celles qui les découragent. Amédée est un peu de ceux-ci. Ce n'est plus de mon âge et de mon expérience et tant pis. J'ai vu assez régulièrement les papiers du Canada mais l'inutile verbiage des gazetiers en discussions sur ce que sera son avenir ne me console pas de la pénurie de faits que contiennent des feuilles aussi partiales. Puis quand elles nous donnent des faits ils sont si attristans qu'il vaudrait mieux ne les avoir pas connus. Si j'avais le bonheur de recevoir quelque lettre du Canada avec quel soin et quel plaisir je les conserverais dans ce pays ou il n'y a nul risque à le faire. Toi au contraire après avoir lu les miennes qui ne contiennent rien qui te puisse compromettre détruis les néanmoins parce qu'ils concluraient de celles qu'ils verraient si elles étaient saisies qu'il y en a d'autres et ce serait un prétexte pour te tourmenter. Il n'est pas en Canada de sanctuaire à l'abri de la profanation, puisqu'ils sont assez fous pour suspecter les couvens, que des fanatiques disent que j'y suis caché et que l'on veut m'y chercher, quoique le gouvernement ait la certitude que je suis rendu ici avant la publication de ses proclamations. Oh mon amie que c'est tendrement que je chéris tous ceux avec qui j'ai vécu et qu'une séparation comme celle-ci est amère. Je ne te le rappelle pas pour t'attrister mais pour te (rappeller) dire que s'il y a possibilité de se réunir ici ou ailleurs plutot ou plus tard nos efforts mutuels y doivent tendre incessemment. Ton nom, celui de mes enfans, de mes proches parents, sont des noms sanctifiés gravés dans mon coeur répétés en moi-même avec un culte et un amour de tous les instans. L'espoir de vivre réunis peut seul nous ratacher à la vie et à l'accomplissement de nos devoirs, toi au soin de nos enfans et de toi. Tout à vous tous, de S(t) Hyacinthe Verchères, Petite Nation &(ca) L.-J. PAPINEAU

 




Recherche parmi 16 491 individus impliqués dans les rébellions de 1837-1838.

 



Consulté 2058 fois depuis le 28-mars-04

"

   Réagir ou compléter l'information

   

Le matériel sur ce site est soit original, soit libre de droit. Vous êtes invités à l'utiliser 
à condition d'en déclarer la provenance. © glaporte@cvm.qc.ca