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Ah belle Maman! comment as-tu donc passé ton dimanche que tu n'as pas trouvé un quart d'heure à donner à ton mari ? En dois je conclure que tu connais tes besoins -- que tu as passé tout le jour à entendre & lire des sermons; mais que me rendant justice et bien persuadée que je n'en ai aucun besoin, tu n'as pas voulu me faire la plus petite part de ce que tu as lu ou entendu d'édifiant. Il faut en ce cas que ce soit l'absence qui t'ait fait comprendre ce que je vaus, car en présence tu ne me Les épargnes pas, les sermons. Mais j'en ai si peu besoin qu'ils n'ont pas prise. Oh! voilà de quoi te facher et m'attirer une bien longue lettre! Eh bien, chère amie, voilà tout ce que je souhaite: rien ne me fait plus de plaisir, ne m'est plus nécessaire que des détails qui me viendront de toi, qui me diront tes occupations et tes soins pour mes chers petits enfans, leur babil, leurs amusemens, qui me peignent des scênes de familles, qui me reportent au milieu de vous ou je me plais si bien où la vie est si tranquille, comparée à la turbulence de la vie publique. Les circonstances m'y ont plongé si profondément que je n'ai pu en sortir. Mais je guetterai toujours l'occasion où je le pourrais faire sans détriment pour les intérêts publics, sans déshonneur pour moi. Les tems de la tranquilité s'approchent, je pense. Si nous effectuons d'assez amples réformes pour voir le pays bien gouverné, sans les secousses qui quelque fois m'ont paru devoir être prochaines et inévitables, pour obtenir cette fin, ce sera encore plus heureux que la perspective pleine de troubles que j'ai souvent envisagée; sans vouloir reculer d'un pas, même devant de très grands dangers. M(r) Viger, ça va s'en dire; mais M(r) Debartzch, que je ne crois aussi porté vers une politique timide, croient que le gouverneur nous aidera puissamment à obtenir tout ce que nous avons demandé. Que nous avons raison de temporiser, de lui aider, de lui donner une grande importance auprès des Ministres; (ils ont en lui la plus grande confiance) qu'il veut se jetter dans les bras de la Chambre et compter pour rien les Conseils; qu'il marcherait beaucoup plus vite et plus fermement dans cette voie, s'il n'était pas entravé par ses Commissaires. Il y a beaucoup de vrai dans ces opinions, et j'y entre en partie. Je sais de bonne part, que la Commission est infiniment plus humble dans ses prétensions aujourd'hui qu'elle ne l'était à son arrivée. L'observation que j'ai faite qu'elle ne pouvait contraindre aucun de nous, pas même le plus humble individu dans la société, à comparaître devant elle; tandis que, hors le gouverneur, nous pouvions bien contraindre les autres Commissaires et leurs serviteurs et attachés de tout grade à comparaître devant nous: a eu l'effet de faire rire à leurs dépens et les rend plus modestes: M(c)Kenzie est venu enchérir sur ces observations et leur a dit qu'ils étaient heureux d'avoir commencé leur Mission dans le Bas Canada, ou les Représentants, en conservant l'indépendance qui convenait à des sujets anglais, conservaient des manières de leurs ancêtres, une urbanité qu'ils n'auraient pas trouvé dans le Haut Canada; Que pas un de leurs membres libéraux n'auraient voulu leur faire visite, et se seraient unanimement plaints de l'envoi d'une commission comme d'un moyen détourné de rendre justice et de chercher à obtenir du délai sans la rendre; que s'ils allaient au Haut Canada, ils verraient une Majorité anglaise porter plus loin que nous ne le fesions, leurs vues de réforme; que les Colonies avaient déjà ce degré d'importance, qu'elles ne pouvaient plus être maltraitées comme par le passé; et qu'à la bouche des canons qui bordaient les remparts et à quelques pas des soldats anglais, nous n'hésitions pas à dire qu'il nous fallait, en liaison avec l'angleterre, avoir des institutions aussi republicaines que les Etats Unis, ou bien que nous les aurions en déclarant que nous adhérions à leur confédération, dans laquelle les hommes influents qu'il connait dans leur pays nous acceuilleraient avec tant de joie. Il a crié plus fort que nous le fesons, et le gouverneur lui a dit: Puisque telles sont vos convictions, allez de ma part les communiquer aux autres commissaires, afin qu'ils puissent bien comprendre comme je le fais combien doit être libérale la politique de l'Angleterre envers vous. Il y a été en effet, et leur a arraché l'aveu qu'ils renonçaient à aller au Haut Canada comme leur première intention avait été de le faire, et qu'ils voient que les opinions sur les questions de politique sont si fixes qu'il est inutile de chercher à les changer, et qu'ils vont s'occuper beaucoup plus d'étudier qu'elles sont nos relations commerciales avec les autres pays que l'Angleterre, et quels sont les moyens de les améliorer, que de questions de constitution: que nous avons eu beaucoup de sujets de plainte qui ne seront plus tolérés et que leur mission sera moins longue qu'ils n'avaient en contemplation. M(c)Kenzie a ajouté que nous serions soutenus en tout ce que nous demanderions par leur chambre d'Assemblée. Je vois dans cette occasion comme dans plusieurs autres, des traces de division entre le gouverneur et les Commissaires. Tout cela est très secret, et je ne le mentionne que pour mon père seul et toi. Je ne trouve pas le moment de lui écrire. De Bleury part demain soir pour Montréal pour jusqu'au commencement de Décembre seulement. Je lui remettrai sous enveloppe sans avoir le tems de lui écrire, vingt louis pour Benjamin afin qu'il paie les hommes qui ont travaillé au moulin. Adieu courage et santé ton ami très affectionné Je reçois à l'instant une lettre de Théophile et le remercie bien cordialement. Je le scandalise par ma politique modérée. Mes principes sont inflexibles, les moyens de succès divers. Je vis au jour le jour enclin aujourd'hui à espérer plus qu à craindre, 367
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