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Ma chère amie-- Je te remercie bien cordialement de ta bonne lettre que j'ai reçue samedi et lue avec empressement et plaisir et à laquelle je me promettais bien de répondre au long hier dimanche. Mais j'ai reçu en même tems des lettres de Mr. Parker de Londres qui m'ont obligé hier et aujourd'hui de lui écrire douze pages au sujet des affaires de la succession Desrivières d'en garder minute ce qui me fait vingt quatre pages d'écritures et m'a fatigué: me laisse peu d'aptitude à écrire quelque chose d'agréable pas même de malices qui viennent bien plus naturellement que les complimens quand il est question de la politique dont tu voudrais que je t'entretienne. Peut être cela aura-t-il lieu bien vite, mais aujourd'hui ce n'est que pour te dire un mot d'amitié que je t'écris. Que malgré la continuité de mes occupations, ma vie est trop douce auprès de toi ma bonne amie et de nos chers enfans, pour qu'elle n'ait pas dans mon éloignement d'auprès de vous bien des momens d'ennui et d'amertume. Ma chère Maman j'insiste à croire mon plan de distribution intérieure bien meilleur que le vôtre. Le passage hors la salle à manger me déplait beaucoup, et que le salon d'entrée puisse être en quelqu'occasion salle à manger est tout à fait impossible. Néanmoins j'écouterai de nouvelles remontrances. Que l'on fasse d'abord tout ce sur quoi nous sommes d'accord -- et je serai peut être avec vous quand il faudra faire exécuter les ouvrages sur lesquels nos idées sont différentes, n'est à peu près inévitable j'appréhende de renouveller tous les enduits au milieu de tant de dégradations. On mettra partout des corniches en plâtre, mais tu sais comme je les aime unies de simples moulures. Tu as raison de ne vouloir pas cette porte batante suprime la donc. Le passage dans les caves--si nous le trouvions utile se fera aussi bien plus tard comme plustot. Dans le haut de la maison ne faudra-t-il pas avoir peut-être une cheminée ouverte dans le nouveau pignon outre celle de la salle à manger qui sera ouverte là-haut ? Je serai enclin à tapisser partout dans le second étage. Il faudra fixer des bois dans les trumeaux pour y placer des miroirs ainsi que sur les cheminées. Sors le plus que tu pourras avec les enfans pour ta santé et la leur. Je ne suis pas porté à faire entrer Lactance pendant le carême. Il perd son tems à la maison. fera-t-il autre chose au collège ? est-il en état de suivre sa classe de latin. S'il est en état de le faire et qu'il soit très bien rétabli à la bonne heurre qu'il y retourne, parce que pensant au tems où ils finiront leurs études j'aimerais que ce fut à peu près en même tems, pour qu'ils pussent être éloignés ensemble dans quelques établissemens hors du pays pour completter leur cours, plutot que d'y aller l'un avant l'autre. Mais à son âge il faut avant tout regarder à sa santé. Théophile et vous avez l'air de croire que je voulais descendre de la salle à manger actuelle dans la cave. Rien de semblable faites donc atten(tion) à mon plan. Pour le lambrissage je l'approuve d'après vos dernières explications, mais que du moins il soit de bon goût. Je m'en fie à Trudeau. Il ne faut pas qu'il prenne une trop grande épaisseur sur la rue, de peur de quelque mauvaise chicanne. Adieu ma chère amie, J'espère qu'avec tous les enfans, ta chère Maman, mes bons parents vous serez en santé. Tout à toi-- (...) LE GOUVERNEUR AYLMER ANQ, collection initiale - photo 311 (En marge à la page 1:) L'on dit que les instructions relatives aux finances sont reçues et sont favorables. Les Bills pour fixer les limites des paroisses, rendre vacans les sièges des membres, et peut être valider tous les contrats français des townships sont sanctionés. Demain j'écrirai. (Au verso:) Madame Papineau Aux soins de T. Bruneau Ec(r) Avocat Montreal L.-J. PAPINEAU A SA FEMME (APQ P-B: 40a) (Copie dactylographiée.) Québec 23 février 1831 Ma chère amie. Je n'ai pas écrit hier comme je le devais faire d'après le mot que j'avais dit dans ma lettre de lundi et je ne puis pas employer l'expression vulgaire tu ne perds rien pour attendre, ce qui supposerait que j'aurais quelque chose de plus à dire aujourd'hui qu'hier. La vérité est que je dois faire tu ne gagnes rien à attendre. Les Gazettes, les oisifs de Québec qui font du bureau de M(r) Glegg secrétaire civil leur lieu de rendez-vous, sont ceux qui apprennent les nouvelles et les débitent, avant que le Gouverneur les connaisse toutes, bien moins encor les membres de l'Assemblée. Le gouverneur (Lord Aylmer) a un vif désir de bien connaitre le pays, il doit dans le cours de l'été visiter la baye des Chaleurs, le Nord et le Sud du fleuve, l'Ottawa & et la Comtesse faire danser tout Montréal et, après ces recherches, on pourra lui parler d'affaires l'an prochain. Il sera au niveau de toutes les connaissances nécessaires pour bien gouverner le pays, mais il y aurait de l'injustice à demander ou attendre de lui ce résultat cette année. Laissez la faction Dalhousie gouverner sans contradiction pendant une petite année encor, et, si l'on voit qu'elle ne ramène pas le contentement dans la Province, l'on ne manquera pas d'écrire en Angleterre avec franchise qu'il faut employer d'autres hommes. Dans la réalité, l'on parait penser que venir gouverner en Canada ou passer son tems de Florence à Rome & de Rome à Naples, ne met pas d'autres différence dans l'état d'un homme, sinon que dans un cas l'on s'amuse à ses dépens & que dans l'autre on s'ennuie aux dépens d'autrui. Malgré ces petites erreurs de calcul et divagations de raisonnement, l'on a un bon coeur, des manières polies, des idées libérales, quelques-unes de judicieuses. L'on dit tout haut que ce sont les Canadiens qui font la force du Pays que les mécontenter pour les anglifier, serait les americaniser, qu'il faut les employer !! sitôt que l'éducation aura pénétré parmi eux, que dans leurs Séminaires l'on fait de bonnes études et que, dans l'avenir, ils doivent espérer qu'ils auront peut être les biens des Jésuites. Cette dernière perspective ne s'ouvre dans l'avenir qu'au moment ou on leur dit: ""Puisque vos soldats armés occupent dans notre collège des Jésuites les appartemens où, sous des professeurs éclairés, nos enfans devraient finir leurs études et se qualifier par la science du droit public, de la haute politique et de la philosophie, à remplir dignement les différens emplois où la forme de notre Gouvernement Représentatif les appelera, il faut bien qu'ils aillent puiser ces connaissances dans les collèges des Etats unis."" La violence avec laquelle dans le Conseil Législatif, l'ancienne administration Dalhousie, tous les employés, agissent contre la Chambre montre qu'ils méprisent le Gouverneur qui ne veut pas ce qu'ils veulent. Ils exhalent leur colère individuelle, et nous exhalons en Chambre la colère du Peuple, et je crois que quoi qu'ils soient bien plus hardis qu'ils ne l'ont été sous Sir James Kempt, ils ne seront pas soutenus en Angleterre. L'avenir améliorera l'état du pays moins, et moins vite, que je ne le veux, mais beaucoup plus, & plus vite que ne le veulent ces hommes là. Aujourd'hui nous aurons un Message sur les finances qui leur déplaira, et à nous aussi quoiqu'il y ait quelques années nous aurions pu nous en contenter. Mais, ou il y a des institutions populaires, ce que le pouvoir a perdu un jour, il ne peut plus le jamais regagner: ce que le peuple n'a pu gagner un jour, il n'y renonce jamais et finit toujours par l'obtenir. Il est inutile de me demander des détails sur la politique, les papiers débitent assez régulièrement, et bien plus au long qu'on ne le peut, par lettre, ce qui se passe. Ce ne sont donc que quelques aperçus que je trace comme notes, pour les retrouver dans quelques années quand il faudra faire l'histoire secrète du parlement. Mon cher père seul doit lire cette lettre. J'ai bon coeur et bonne santé. Je lui souhaite et à vous tous, pareil avantage. Mes chers petits enfans avec quel plaisir, quel bonheur, je pourrai les embrasser. Cela s'éloigne d'environ un mois encore, bien long ennuyeux, mais quel dédommagement aussi que le jour de la reünion. Adieu bonne Maman. Tout à toi. L.J.P.
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