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Oui ma chère amie tu es bien en effet une mère de douleurs et d'affliction --Tu as été déchirée plus que mille personnes qui ont offert le sacrifice de leur vie à leur foi et qui recoivent un culte religieux. La Providence qui t'a soumise à une si terrible épreuve peut seule te soutenir--Sacrifier sa vie avec l'espérance de voir sous peu finir ses tourmens et la foi en une récompense immense et prochaine était un moindre effort d'héroïsme que ceux d'une mère tendre, torturée de toutes les souffrances qu'a endurée une enfant si chère, suppliciée sous tes yeux, sans que tu y puisses porter nul des secours que tu brûlais de lui rendre, puis la perdre, puis n'avoir pas son meilleur ami auprès de soi, aussi affaibli et chagrin que toi, mais trouvant dans le besoin de nous chérir et entresecourir le seul refuge contre une pareille calamité.--Ah mon amie ta lettre est bien l'expression des cris douloureux de la mère la plus tendre, de l'épouse la plus affectueuse, de la femme la plus sensible et la plus respectable que je puisse imaginer. Ton mari, le père de ceux 293 qui nous restent de nos enfans, te doit un culte d'amour et de reconnaissance pour ce que tu trouves de force & de résignation par amour pour lui et pour eux. Tu sais que je désire passionément aller pleurer avec toi, aller t'aider dans les soins qui demandent notre famille et le soin du rétablissement de ta santé.--Je t'écris de la Chambre ou nous siégeons ce matin et je ne puis le faire qu'à la hâte. Ta lettre m'y a été remise, la poste n'étant arrivée que tard. Elle fera ma consolation par la satisfaction que j'ai à la recevoir de toi, elle fera mon deuil ce soir sur mon oreiller en me rappellant les cruels tourmens d'une enfant qui m'a tant chérie, que je vois toujours partout, qui me manquera toujours partout. Mais je ne sais ce que je dis, toi mon amie je te retrouverai et nos autres enfans, nous ferons pour leur amusement et leur instruction chaque jour quelqu'effort, qui les rendront heureux dans ces momens et leur bonheur ils n'en peuvent pas avoir sans que nous le partagions, et leur oublie naturel à leur âge d'une d'entre eux ne sera plus pour nous l'oublie de notre chère Aurélie, mais quelques momens de distraction, un motif, de résignation plus ou moins grande selon que la Providence voudra bien le décréter. Adieu ma Julie-- Mes respects et amitiés à qui j'en dois tu en as en ce cas autant et plus pour ta part que tous les autres ensembles. Adieu je vous embrasse tous bien affectueusement Ton ami et ton époux.
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