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Ma chère Julie. Je n'ai pas reçu aujourd'hui la lettre que j'attendais de toi comme tu le vois, par celle que tu as de moi au moment ou je t'écris la présente. Je n'en suis ni surpris ni inquiet ainsi ne t'attriste nullement de ne l'avoir pas fait. La bonne et longue lettre de Théophile me donne des détails sur ce que vous faites et dites et m'occupe et me distrait; appelle mon attention sur les jeux et l'innocence et la bonne santé de mes chers petits enfans et sur la raison, la résignation, l'amour pour eux et pour moi de leur mère, de ma bonne épouse, de ma bonne amie. Cela est rassurant. Sa migraine de Samedi, et la fatigue qu'elle aurait mal à propos prise en m'écrivant dans cet état, sont des excuses & si j osais trancher le mot, je dirais un acte d'obéissance à son époux, qui veut avant tout et toujours qu'elle n'oublie jamais un moment de prendre les précautions qui hâteront son rétablissement Mais ce vilain mot d'obéissance doit disparaître partout ou ceux d'amour ou de confiance peuvent le remplacer et produire le même résultat. Ainsi ma chère Julie je te remercie de n'avoir pas écrit quand ce t'aurait incommodée comme je le prévoyais & le disais dans ma lettre, mais j'espère que tu es un peu plus forte et que tu m'écris aujourd'hui et je suis certain que sous le rapport de la tranquilité d'esprit et du calme de tes affections si violemment boulversées comme elles l'on été dernièrement tu n'en éprouveras que du bien. La mauvaise saison vous à de nouveau euvahis plus vite que nous ici puis qu'elle ne commence qu'aujourd'hui car un vent violent accompagné de beaucoup de neige mouillée. Les affaires s'expédient avec rapidité & mais s'accumulent de même. WOLFRED NELSO ANC, C-13438 291 Il est possible que la Session dure jusque vers le vingt, et alors nous serons renvoyés sans doute, parceque les juges, obligés d'aller en cour, et ne prêtant plus leurs lumières au Conseil, ces aveugles ne pourront plus marcher sans bâton. C'est une indignité pour le pays d'être livrés à la direction de quatre hommes aussi profondément immoraux et méprisables que les quatre Juges de Québec. Sir James a eu le tort de vouloir les soutenir, ils l'ont honteusement compromis dans l'affaire des Milices, il doit ouvrir les yeux, il n'y a plus à reculer; ils le perdront ou il les perdra. Dans mon malheur domestique les souffrances publiques se sont présentées à mes regards sous des traits plus odieux que jamais, leurs auteurs m'inspirent une indignation plus forte que je ne l'avais sentie, et c'est naturel. Dans la tranquilité et les douceurs d'une union aussi chère que celle que j'ai avec ma femme et mes enfans, je trouvais un refuge, une consolation contre les injustices des ennemis de mon Pays, mais quand ce sanctuaire a été envahi par la mort que rien n'attendrit m'arrête; que pour un tems on se sent poursuivi partout par le malheur: il en doit résulter ou un découragement qui tue un homme ou l'hébête; ou bien une exaltation, qui lui fait dire, je vaincrai le malheur. Je suis d'avis que les Avocats et Citoyens de Montréal, témoins de l'infamie de Stuart dans ses poursuites politiques, viennent le plutôt possible devant la Chambre l'accuser de subornation et parjure dans l'affaire de S(t) Germain, de malversation d'office en promettant l'impunité à ses partisans et vengeance à ses adversaires. Que Théophile copie ceci pour le D(r) Nelson. Qu'il voie mon père au sujet de la maison de Dewitt dont je t'écrivais: que l'on me réponde au plutôt sur ce sujet, que le tout demeure un secret. Adieu ma Julie je vous embrasse tous de toute mon âme & de toute ma force. J'irai bientôt porter dans mes bras ma chère petite Ezilda. Tout à toi Ton ami & fidèle époux. L.-J. PAPINEAU A SA FEMME (APQ P-B: 33h) (Copie dactylographiée.) Québec 9 Mars 1830 Ma chère amie Le mardi est un de ces jours malheureux où je n'attends pas de lettre de Montréal parceque je n'ai pas le tems de me receuillir dans mon appartement pour me mettre en rapport et en conversation avec ce que j'aime le mieux au monde, ma famille, mes enfans et leur tendre mère. Nous commençons à avoir deux séances par jour, ce qui annonce toujours l'approximation de la clôture et sous ce rapport te sera agréable et te consolera de la brièveté, du peu d'ordre & d'intérêt de mes lettres. Si elles venaient à manquer quelque jour, tu ne t'en inquièteras pas. Je m'efforcerai, mon amie, de ne pas manquer à écrire bien assiduement, mais ce surcroit de travail et la fatigue des débats dans lesquels j'ai commencé à rentrer pourrait peut être ne me pas laisser la satisfaction de m'entretenir avec toi par chaque poste. J'espère que tu es mieux portante, en état de rendre à ta chère maman, quelques un des soins qu'elle ta donnés. Elle est malade, comme toi, de peine autant que de fatigue, et je ne puis être avec vous à partager vos peines et vos fatigues et, depuis tant d'années, que moi et bien d'autres avons sacrifié le bonheur de partager les chagrins comme les jouissances de vivre en famille au désir, au devoir de promouvoir le bien du Pays, nous n'y pouvons réussir parceque quelques individus couverts de crimes veulent se gorger d'or. Le désespoir donne des forces, ils sont démasqués, attaqués tous les jours plus vivement, avilis, ils ont commencé à rouler du haut de la Montagne où ils s'étaient élevés en rampant, à chaque instant: ils roulent avec une vitesse redoublée et vont s'engloutir dans l'abime et l'obscurité d'où ils n'auraient jamais du sortir --A ce que je conseillais de faire de suite à Montréal contre Stuart dans ma lettre d'hier, il faudrait que trois au moins des personnes qui ont été parties au procès ou témoins vinssent avec la requête, des personnes éclairées capables de répondre avec énergie car nous n'aurions pas le tems après l'avoir reçue d'envoyer quérir et d'attendre des témoins--Dans les causes de St Benoit, les avocats ont du excepter à l'indictement en disant qu'il n'y avait pas d'officiers de milices ni de mai (sic) d'officier tout cela est pour Théophile pour qu'il en parle sans me citer à d'autres qu'à Nelson, Cherrier et L(s) Viger, qui ont l'énergie qu'il faut pour mettre cela en train et pour venir l'appuyer. Tout ce que je pourrai recevoir d'avis de détails d'entretien de toi ma chère amie et des nôtres sera le seul soulagement & mes fatigues comme homme public, à ma douleur comme père plongé dans un grand malheur. Adieu mes respects à ta maman, à mon père. Par une lettre que Dessaulles a eue hier je vois que la santé de ma chère maman se rétablit. Je t'embrasse & mes enfans de toutes mes forces. Ton bon ami & fidèle époux.
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