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Ma chère amie Ta lettre et celle de Madame Viger à son époux m'apprennent que nos femmes s'amusent chez elles, pendant que nous autres bons hommes nous enuyons loin d'elles. Et bien ce nous est une consolation de savoir qu'elles supportent mieux que nous l'abscence: qu'à une heure du matin elles font voler le bouchon pour boire à notre santé; tandis qu'il ne m'est pas arrivé ici de boire la leur après dix heures du soir. Oui notre vie est si réglée que notre plus long diner à toujours fini avant dix heures. Or si nos diners sont courts il n'en faut pas conclure que ce soit pour allonger la prière, mais bien pour avoir plus de loisir au travail. S'il ne dépendait que de moi d'abréger la Session, elle ne serait pas de deux mois encor, mais elle durera inévitablement plusieurs semaines au delà de ce que je regarderais comme un terme raisonnable. Comment se terminera-t-elle sous le rapport des difficultés financières. Il n'y a pas à le prédire avec certitude. Bien, je l'espère. D'après la détermination du Gouverneur et des Ministres de ne payer absolument personne hors les Juges, s'il n'y a pas d'Actes d'appropriation. Messieurs du Conseil bien & duement avertis, y regarderont de plus près avant de rejetter le Bill de l'Assemblée, vu qu'eux mêmes à leur tour & tous leurs officiers et leurs amis en souffriraient. D'un autre coté s'il arrivait que les lettres de Dalhousie, les encourageassent; qu'il leur dit brouillez les cartes, empêchez un accomodement durant la présente session, ils sont capables de tout hasarder en vue de perpétuer des abus dont ils ont si longuement et si amplement profité. Le gouverneur vient de donner à la Chambre en lui résistant un bon exemple de fermeté, qui le lie lui même vis-à-vis des employés à ne pas leur donner d'argent. Les habitans de Lotbinière en alléguant & prouvant même une grande détresse, sont venues solliciter un emprunt de mille louis dans la bourse publique. N'écoutant que la pitié Bourdages n'a pas voulu se donner le tems de passer un Bill et a entrainé la Chambre à demander par adresse deux cent louis en accompte. Je leur ai dit que cette marche était imprudente; que si nous donnions l'exemple de dépenser de l'argent public sans loi lorsque nous le jugions nécessaire l'Exécutif aurait notre exemple et le prétexte de la nécessité pour en faire autant; et que j'espérais que dans le cas actuel ils ne réussiraient pas dans leur demande. C'est ce que le Gouverneur leur a en effet répondu hier. Ils sont un peu penauds et iront plus doucement à l'avenir. C'était une imprudence qui pouvait brouiller Sir James soit avec nous, soit avec le Conseil. Mais il est si judicieux que ce mal n'a pas eu lieu. Il a dit qu'il ne pouvait avancer aucun argent public sans loi, et en même tems a avancé de ses propres deniers aux Curé & Marguillers de Lotbinière deux cens louis en prenant leur obligation qui dans peu de jours sera éteinte par une loi qui autorisera cette dépense. 14 Janvier-- Il y a longtems que nous disons que Messieurs du Conseil Exécutif ayant tous une accumulation d'emplois divers & de gros salaires & dépenses contingentes sont pour tous les honnêtes gens des pierres d'achopement & de scandale, lorsqu'on les voit siégeant tour-à-tour pour examiner & passer les comptes les uns des autres. Ce sont d'honnêtes pillards qui se font très consciensieusement le partage du bien d'autrui, sans jamais s'entrenuire. Mr Hale vient de donner sa résignation alléguant avec raison l'incompatibilité d'examinateur & de payeurs de comptes publics dans la même personne. Cela fait jetter les hauts cris à tous ceux de ses confrères qui ne sont pas atteints du même scrupule: ils disent que cette démarche honnête est une réflexion contre eux: qu'ayant accepté librement cet emploi du Roi, il ne peut pas le répudier, tout comme on manquerait à l'église si on ne gardait pas la femme qu'elle a donnée, qu'il a siégé comme juge de la Cour d'Appel et ne peut résigner qu'après qu'il aura jugé dans les causes en délibéré. Il dit si je m'allais promener comme nous l'avons tous fait tour à tour sans remords, les mêmes inconvéniens résulteraient et vous ne diriez rien. Si je mourais vous en seriez peut être bien aise, ce serait une chance de profit pour quelques uns de vous. Eh bien, tels que vous êtes, c'est mourir politiquement que de devenir honnête homme, parce que l'on sent aussitôt que l'on ne peut continuer à agir comme vous faites. Ce n'est peut-être pas mot à mot ce qu'ils ont dit mais voici le fait. Mr. Hale résigne, les autres y objectent, il persiste. Les propos sont arrangés à ma façon. Les chers Petits & chers grands enfans avec leur douce Maman, assiègent souvent mon coeur & ma mémoire. Je leur recommande, de faire bien tout ce que maman dira, de s'aimer bien entre eux; d'étudier fort et de jouer plus fort encore ensemble & sans querelles. C'est à condition que toutes ces recommendations s'observeront que l'on peut leur promettre de longues promenades à la Petite Nation & ailleurs. A ta chère maman, à mon cher père respects & amitiés: aux enfans tendres embrassemens. 265 aux parens & amis saluts affectueux à tous santé et contentement, à moi ton amitié constante, ton bon ami & fidèle époux L.-J. PAPINEAU (A l'envers du texte à la page 2:) J'avais commencé à t'écrire hier treize, mais avant de finir, j'ai été interrompu. Je mentionne cette circonstance uniquement pour que la datte de la lettre ne donne pas lieu de croire qu'elle a été expres rétardée à la poste comme mon cher père le suppose quelque fois. Voyant que tu as été désobéissante et ne m'as pas envoyé ce que je demandais Me Plamondon qui avec les autres personnes de la famille vous saluent toujours sans que j'en dise jamais rien, a acheté de la soie pour veste. Ainsi n'envoie point. Adieu. (Au verso:) 13 Janvier 1829 Madame Papineau Rue Bonsecours Montreal
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