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Ma chère amie, C'est non seulement la privation d'un grand plaisir de n'avoir pas plus assiduement de tes nouvelles, mais c'est aussi une source d'inquiètude puisque ton excuse a toujours été la continuation de la maladie de nos chers enfans. Tu as un double motif de m'écrire plus souvent que tu ne le fais, si tu le peux. Je devais envoyer des raquettes aux enfans par Mr. Delisle. Il est parti sans que j'aie pu profiter de son occasion, parce que son départ, qui a été retardé, paraissait devoir l'être encor plus par d'autres comités qui l'ont relaché plus tôt que je ne m'y attendais. Je profiterai de quelqu'autre prochaine occasion. La sauvage qui les a faites s'absentant, je n'en enverrai pas d'autres. Il faudra que tu aies l'art d'en concilier l'usage entre les deux frères sans interruption de la paix et de l'harmonie entre eux. Ces jours derniers, la Chambre s'est plusieurs fois ajournée à bonne heure, et cela a fait que j'ai répondu à plusieurs invitations à diner, toutes Anglaises. Eux seuls, dans Québec ont le ton et la fortune nécessaires pour recevoir. Il n'y a pas une seule maison Canadiennes qui le puisse faire. Les ressources du pays sont dévorées par les nouveaux venus, et quoique j'aie le plaisir de rencontrer parmi eux des hommes instruits, estimables, qui me voient aussi avec plaisir, la pensée que mes compatriotes sont injustement exclus de participer aux mêmes avantages m'attriste au milieu de leur réunion, et me rendrait le séjour de Québec désagréable. Le mal n'existe pas au même degré à Montreal. Ce soir le Gouverneur ferme l'année et ouvre la nouvelle par un bal où il y aura, dit-on, cinq cens personnes et les Canadiens n'y seront probablement pas au nombre de cent. Il est vrai que dans toutes ces réunions, l'Etat Major et les officiers de la garnison forment toujours la majorité. Il n'y a que ceux qui ont quelque commission ou grade civil qui soient appelés, et la dernière administration en avait exclu tout ce qui était attaché au pays. Le détail de toutes les turpitudes et violences de cette odieuse Administration se déroule tous les jours de plus en plus devant nos divers comités spéciaux à un point qui m'embarasse. Car, à la fin il résultera que le nombre des coupables est si grand qu'il n'y aura pas moyen d'obtenir justice. Le Gouverneur est toujours, à mon opinion, un honnête homme voulant le bien, mais que l'Administration en Angleterre, n'a pas mis à portée de l'opérer puisqu'elle l'envoyé sans avoir reformé les Conseils ni puni les auteurs de tous nos maux. Le Comte de Dalhousie est un homme dont le nom sera de plus en plus flétri à mesure que l'on verra combien il a directement participé à tous les écarts de son Administration malgré de fréquentes représentations de ceux qui faisaient le mal avec lui, mais ne voulaient pas aller assez loin pour se compromettre étourdiment. En ce qui me concerne personnellement, j'ai la preuve de plusieurs mensonges et petitesses de sa part dont je parlerai à mon père quand je serai à Montréal. Adieu je te souhaite sincèrement tout ce qui peut te rendre heureuse et contente ainsi que mon cher père et ta mère J'embrasse les enfans, leur souhaite de la santé, de la sagesse, du savoir et plaisir. Cela est pour les ainés. Les deux petites filles, qu'elles aient de la santé et du contentement, c'est tout ce qu'il faut à leur âge. Adieu, ma chère Maman, sois diligente et bien portante Toute la famille d'ici souhaite la bonne année à toute la famille delà. Ton bon ami et fidèle époux. L.-J. PAPINEAU Quebec, 31 decembre, 1828.
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