|
Ezechiel Hart (1770-1845) ou, selon certaines sources Moses Hart (1768-1852)
|
Ezechiel Hart, fils d’Aaron Hart et de Dorothea Judah, est né le 15 mai 1770 à Trois-Rivières et s’éteint dans cette ville le 16 septembre 1843. Il acquiert en 1782 quarante pour cent des parts du magasin de fourrure appartenant à son père. L’année suivante, il va parfaire son éducation à New York alors qu’il est logé chez le futur sénateur américain Ephraim Hart (ROME, 1980 : 198). Hart s’affirme graduellement comme un des plus importants hommes d’affaires de la région trifluvienne. Le 2 décembre 1796, il s’associe à ses frères Benjamin et Moses dans la production de bière et de potasse, ainsi que dans la mise sur pied d’une boulangerie. Pour réaliser ses plans, Ezechiel Hart se lance à la recherche de propriétés foncières : il achète le terrain de Jean-Baptiste Corbin sur la rue du Haut-Bac en plus d’acquérir 40 arpents de terres au Cap-de-la-Madeleine (ROME : 209). Après la mort de son père en 1800, Ezechiel vend ses parts à son frère Moses pour la somme de £338 6s 8d. Il choisit ensuite de se lancer dans l’import-export tout en gérant son magasin général et la seigneurie de Bécancour reçue en héritage (DBC, 7: 418).
Au cœur du développement économique de Trois-Rivières, il n’est pas étonnant que des membres de la famille Hart convoite un siège à l’Assemblée législative. Ezechiel se présente aux élections complémentaires dans le bourg de Trois-Rivières en 1807 dans le comté de Trois-Rivières. Il réussit à se faire élire avec 59 voix devant le colonel Thomas Coffin (41 voix), Matthew Bell (16 voix) et Pierre Vézina, qui s’est retiré en faveur de Coffin. Hart se présente donc en chambre pour la première fois le 16 avril 1807, soit juste à temps pour apprendre la prorogation de l’assemblée (ROME: 220-224).
L’affaire Hart débute réellement le 29 janvier 1808 avec l’ouverture de la nouvelle session parlementaire. Hart se retrouve au centre d’un affrontement entre le Parti canadien et le Parti bureaucrate, auquel adhère spontanément le nouveau député. Le Parti canadien prend ainsi prétexte du judaïsme de Hart pour voter son expulsion de la Chambre, tout comme il plaidera l’inéligibilité des juges. S’ouvre ainsi une lutte politique, mêlant les arguments juridiques et antisémites sur fond de conflit larvé entre le parti canadien et le gouverneur Craig (WALLOT, 1967: 113-114; SACK, 1964: 75-81).
La validité du serment de Hart, qui ne peut jurer sur les évangiles «on the truth faith of a Christian» est au cœur du débat. Le Parti bureaucrate argue que la loi 13 George II, chap. 7, confère aux Juifs les mêmes droits que les autres sujets nés dans les colonies, alors que le Parti canadien plaide que ce décret confère plutôt au Juifs coloniaux les mêmes droits qu’aux Juifs de Grande-Bretagne, qui ne peuvent siéger au parlement (ROME: 283-285). Le 20 février 1808, l’assemblée vote à 21 contre 5 que Hart ne peut ni « siéger ni voter dans cette chambre » (WALLOT: 114; ROME: 273). Cependant, Hart est de nouveau réélu aux élections de 1808. La nouvelle session s’ouvre le 10 avril 1809. Hart y siège jusqu’au 19 avril, alors que l’assemblée constate qu’il est le même député qui a été jugé inapte à siéger (SACK: 87-89). Le 15 mai, Sir James Craig se sert de la nouvelle expulsion de Hart comme prétexte à une nouvelle dissolution de la Chambre, toujours dominée par le Parti canadien (WALLOT: 119). Il semble que Ezechiel Hart ne se soit pas présenté aux élections de 1809, son frère Moses aurait tenté de se faire élire, mais sans succès (DBC, 7: 420). L’Affaire Hart sert en fait de prétexte, à la fois au parti canadien et au parti du gouverneur, pour poursuivre une lutte larvée depuis la querelle des prisons et l’affaire deBonne. La thèse de l’antisémitisme ne tient l’analyse tant, dans cette affaire, le cas de ce pauvre Hart, sera mèlé à d’autres considérations de nature purement politiques et stratégiques.
Mathieu Roy
| |