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Le village de Saint-Eustache, au croisement des rivières du Chène et des Mille-Isles.
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Très tôt à l’été 1837, le comté de Deux-Montagnes se distingue pour le grand nombre de charivaris qui s’y déroulent. Ces manœuvres d’intimidation pratiquées par les patriotes radicaux franchissent cependant rarement le cap de l’intimidation et de la violence verbale (BERNARD, 2001 : 167). Il y a toutefois deux exceptions dignes de mention : les cas de Robert Hall et celui d’Eustache Cheval.
Dans la nuit du 28 juin 1837, Robert Hall, un cultivateur de Sainte-Scholastique, reçoit la visite de quatre hommes menaçant sous le commandement de John C. Hawley pour lui reprocher de ne pas se joindre aux patriotes de la paroisse et l’enjoindre de signer une pétition. Dans sa déposition, il affirme que « la porte de sa maison a été enfoncée et que l’une de ses fenêtres a été fracassée en miettes avec des pierres […] L’une de celles-ci pesant environ cinq livres est tombée tout près de l’un de ses jeunes enfants qui dormait dans une couchette sur le sol ». Une partie de ses clôtures est aussi jetée par terre et détruite. Son champ de blé est laissé ouvert aux bêtes, tandis que ses chevaux ont la crinière et la queue rasées à tel point qu’ils sont à peine utilisables et qu’il s’expose au ridicule lorsqu’il voyage avec eux (A.N.Q.M., no. 607, 15 juillet 1837).
Tout comme Hall, Eustache Cheval avait dénoncé aux autorités la tenue dans Deux-Montagnes d’assemblées anti-coercitives. Afin de se venger et de se protéger de la « clique seigneuriale », un groupe d’hommes se rend chez le cultivateur Cheval au début de juillet 1837. Prévenu de leur arrivée, Cheval se prépare à la défense en compagnie de son frère Joseph et de quatre amis. Au milieu de la nuit, ils repèrent des maraudeurs non loin de son étable qui sont promptement chassés. Plus tard, une balle fracasse une fenêtre de la maison. Les éclats de verre blessant une des filles de Cheval. Il est alors convaincu qu’on a tenté de l’assassiner.
Suite à ces deux incidents, l’adjoint du procureur général du Bas-Canada reçoit des plaintes et engage des procédures criminelles. Il ordonne l’arrestation des quatre individus dénoncés par Hall et offre 100 £ de récompense à qui fournira des renseignements permettant d’identifier les agresseurs de Cheval (BERNARD, 2001 : 167).
Ainsi, le 13 juillet 1837, le grand connétable de police Benjamin Delisle et l’adjoint du shérif, Édouard-Louis-Antoine Duchesnay, accompagnés d’un sergent et de deux acolytes quittent Montréal avec des mandats d’arrêt. À Saint-Eustache, ils débusquent François Labelle sur sa ferme de la côte Saint-Joseph pendant que sa femme court chercher de l’aide. Une foule imposante, armée de bâtons et d’instruments aratoires, se rassemble alors devant les connétables brandissant leurs armes pour les contenir. Devant l’imminence d’un affrontement, les officiers décident de quitter les lieux emmenant cependant Labelle. Un groupe de Patriotes partis de Saint-Benoît pour le délivrer arrive cependant trop tard (A.N.Q.M., nos. 837-838-839, 14 juillet 1837).
Le même jour, deux huissiers de Montréal arrivent à Grand-Brûlé pour y placarder des affiches concernant « l’affaire Cheval » (A.N.Q.M., no. 669, 14 juillet 1837). À l’auberge de Louis Coursolles, les deux hommes sont intimidés par Coursolles et Luc-Hyacinthe Masson et décident de passer leur chemin (BERNARD, 2001 : 168). La tension est à son comble dans le comté des Deux-Montagnes et les charivaris se poursuivent tout l’automne jusqu’à la bataille de Saint-Eustache, le 14 décembre 1837.
Jonathan Lemire
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