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Le 4 novembre 1838, près de 300 Patriotes se rendent au Moulin Meigs de Saint-Athanase où ils doivent trouver des armes pour, le soir même, s'emparer du village de Christieville (Iberville) (Fortin, 1988 66). C’est ainsi que l’historien Réal Fortin résume l’événement, l’un des plus importants rassemblements lors de la rébellion des Frères Chasseurs de novembre 1838. Si on a quelques autres détails, notamment que les armes devaient provenir de la résidence de Lucien Gagnon à Pointe-à-la-Mule (St-Blaise), on a en revanche pas la moindre information sur l’emplacement exact du fameux moulin où se sont rassemblés des patriotes de Rouville, Shefford et de Saint-Hyacinthe. C’est là le point de départ de la quête de M. Roch Montpetit. On a peu fait état de l’emplacement du Moulin Meigs, sans doute parce que rien n’est finalement sorti de ce rassemblement. Reste que toute l’énergie investie par ces Patriotes mérite que la mémoire collective en garde le souvenir.
La région du Haut-Richelieu est particulièrement effervescente durant l'été de 1838 tandis qu'on prépare le second soulèvement; on recrute de nouveaux adhérents et on tente de se stocker des armes en provenance des États-Unis. La date du 4 novembre est ciblée pour des opérations simultanées visant à prendre le contrôle du Bas-Canada.
Les travaux de Pierre B. Cadieux sur les événements de 1838 nous donnent des renseignements de première main sur les événements à St-Athanase puisqu’il a surtout travaillé à partir de témoignages et d'archives. D'après ses recherches, il s’est déroulé un conseil de guerre le 1er novembre 1838 chez Lucien Gagnon à la Pointe-à-la-Mule. Cette rencontre chez Gagnon servait à établir le plan d'une opération le 4 novembre. Elle s'avère cruciale pour comprendre le contexte du rassemblement au Coin Meigs. Une délégation de Saint-Athanase se trouvait assurément chez Gagnon à ce moment puisque le docteur André Lacroix, de Saint-Athanase, fut arrêté par William McGinnis apparemment pour s'y être rendu (Cadieux, 1996, p. 146). Cela donne à penser que ceux de Saint-Athanase étaient en coordination avec ceux de Saint-Valentin. La mission confiée aux patriotes de Saint-Athanase aurait consisté à s'emparer du village avec le concours de ceux de L’Acadie, Saint-Valentin, Saint-Jean et Pointe-Olivier, puis de fondre sur le Fort Saint-Jean durant la journée du 4 novembre (Fortin, 1988, p.53). Le point de ralliement devait être le Moulin Meigs, bien situé à l’écart du village et à proximité des paroisses voisines.
Ces informations circulaient avant même la réunion chez Gagnon et on avait déjà entrepris de transporter des armes vers St-Athanase.
Jules Gagnon, fils de Lucien, rapporta qu’il y avait plus de 5000 fusils dispersés ainsi dans le pays. D’ailleurs, vers la même époque, un canon fut transporté dans la grange de Larose dans la Grande-Ligne. Il sera ensuite transporté au Coin Meigs, lors du rassemblement qui s’y tiendra au début de novembre, puis transporté à Sorel (Cadieux, 1996, p.146).
Toujours selon Cadieux, depuis la mi-octobre, un certain Louis Neveux de Saint-Athanase se rendait en barge par le Richelieu prendre des armes aux Etats-Unis pour les stocker à la Pointe-à-la Mule chez Gagnon en prévision du 4 novembre. Une fois les hommes réunis aux Moulin Meigs, le 3 novembre, « un chargement d’armes envoyé par Gagnon devait arriver sur une goélette par les rivières Richelieu et de La Barbotte » (Cadieux, 1996, p.149).
Il semble que vers les 3h du matin, ne trouvant aucune arme et n’ayant pas reçu le signal convenu (incendie d’une maison de Saint-Jean visible de loin), les hommes assemblés au moulin aient choisi de rentrer chez eux.
Le site du Moulin Meigs (Afficher le site du Moulin Meigs sur une carte plus grande)
Le Moulin Meigs s'avère un point stratégique à plusieurs égards : d'accès facile et discret pour y entreposer des armes, à l’abri de la surveillance des milices et des délateurs et à une position centrale pour les Patriotes des environs. Détail non négligeable pour assuré la discrétion du site, il semble que le moulin n'ait pas été en opération à cette époque :
In 1830, Bronson Meigs of Swanton, Vermont, received permission to built a new mill on River la Barbotte in Bleury, paying only 6.5.0 L. per year during the nine-year term of this lease. A list of arrears owing 1835 for mills indicates that a number of other held lease at various times, but that they must have abandoned them before their termination (Noël, 1992, p.64).
La rivière de La Barbotte est située à l’extrémité sud de Saint-Athanase. C’est un cours d’eau de peu d’importance qui, venant de l'Est, se perd en méandres jusqu’aux pieds du mont Saint-Grégoire. D'après certains documents, un moulin avait bien été construit sur la rivière de La Barbotte; un certains seigneur '’Weigs’’ en aurait fait construire un en 1827, puis l'aurait vendu à un certain McGinnis avant de brûler lors d'un incendie en 1874. Une tradition orale dit qu’on en aurait entre temps bâti un autre à 16 arpents de là, acheté par un certain '’Weigs’’ (Labelle, 1968, p.26-27).
Nous savons qu’un moulin activé par l’eau ne peut être construit qu’à un endroit où le courant est assez fort et constant, généralement près d’un rapide. On a donc suivi le cours de la rivière de l’embouchure jusqu’à proximité de la Grande-Ligne. Du Richelieu jusqu’à la route 133, la rivière est bordée d’habitations privées d’un bout à l’autre, à l’exception d’un parc à mi-chemin où un pont piétonnier permet de l'enjamber. Vue de ce pont, la rivière apparaît inerte, tel un bayou louisianais. Derrière les maisons, de petits quais où sont accostés des pédalos et des petites embarcations donnant à penser qu’on peutsur une barque quelconque. Les travaux de Pierre B. Cadieux sur les événements de 1838 situent le rassemblement du 3 novembre à l’intersection du 3e rang et de la Grande-Ligne. Cette intersection existe toujours. De plus une carte réalisée en 1978 par Cadieux identifie cette intersection '’Coin Meigs’’. Sur place on aperçoit, à quelques mètres en direction sud, une petite rue qui entre dans le boisé et qui se termine par cul-de-sac donnant sur la rivière de la Barbotte : la rue Princesse-Caroline qui fait 200 mètres tout au plus. Or le courant en direction du Richelie est beaucoup plus vigoureux à cet endroit, certainement assez pour activer un moulin, mais empêchant dès lors toute navigation en amont. Une goélette venant du Richelieu ne pourrait aller au-delà de ce point. On peut donc poser l’hypothèse que quelque part près de ce rapide, en 1838, un moulin appelé Meigs a été l’hôte d’un rassemblement de Patriotes déterminés à prendre en main leur destin.
Bien sûr il reste de la recherche à effectuer pour avoir la certitude que nous sommes au bon endroit (en identifiant des vestiges par exemple) confirmant qu'il s'agit bien l’emplacement de l'ancien Moulin Meigs. Pour la mémoire de ces hommes qui s’y sont réunis, le défi en vaut la peine.
Roch Montpetit
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Le coin Meigs est situé à l’intersection du chemin de la Grande-Ligne et du 3e rang dans le secteur Saint-Athanase de l’actuelle ville de Saint-Jean-sur-Richelieu.
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À quelques mètres de cette intersection, en direction de Saint-Alexandre, il y a une toute petite rue en cul-de-sac: la rue Princesse-Caroline, débouchant directement sur la rivière de la Barbotte.
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C’est là, à l’extrémité de la petite rue Princesse-Caroline, au cœur du Coin Meigs, qu’il y a un petit rapide, le premier à partir de la rivière Richelieu.
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Du « Coin Meigs » jusqu’à la rivière Richelieu,, la rivière de la Barbotte coule doucement sans aucun accident de parcours. Habitée des deux côtés du Richelieu jusqu’à la route 133, elle est ornée de plusieurs petits quais où sont parfois accostés des pédalos et des chaloupes.
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À environ 1 kilomètre au sud du Coin Meigs, traversant la Grande Ligne, en amont du rapide, La Barbotte est plus étroite et a un léger courant.
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Petit retour sur le rapide du Coin Meigs (vue en direction sud).
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Immédiatement après le rapide, au Coin Meigs, la rivière de La Barbotte suit son cours jusqu’au Richelieu (vue direction nord).
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À l’extrémité du chemin de La Grande Ligne, à Saint-Blaise, à l’intersection de la route 223, cette maison serait sur le site approximatif de l’ancienne maison de Lucien Gagnon. Juste en face, la 39e avenue mène au bord du Richelieu. Elle est sur la terre de Lucien Gagnon qui longeait le Richelieu, à l’endroit dit « Pointe-à-la-mule ».
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La 39e avenue, qui débute sur la route 223 et se termine à la rivière Richelieu à Saint-Blaise est juste en face de la maison de Lucien Gagnon. Sans connaître exactement l’emplacement de la Pointe-à la Mule, nous sommes tout près. La vue que nous avons ici est la la rivière Richelieu en direction nord. Quelque part à l’horizon, l’embouchure du la rivière de la Barbotte… C’est de ce secteur que les barges ramenaient au Moulin Meigs les armes cachées dans la grange de Lucien Gagnon, tout près d’ici.
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Cette carte artisanale montre le tracé (flèches orange) du parcours utilisé par les Patriotes pour ramener des armes de la Pointe-à-la-Mule au Moulin Meigs.
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CADIEUX, Pierre-B., Le Saint-Athanase démographique et économique et le Saint-Athanase politique au temps des rébellions, Montréal, uqam, 1996. FORTIN, Réal , La guerre des Patriotes le long du Richelieu. Saint-Jean sur , Richelieu: Éditions Mille Roches, 1988. 286 p. Noël, Françoise, The Christie Seigneuries. Estate Management and Settle in the Upper. Richelieu Valley, 1760-1854. Montréal et Kingston, McGill-Queen's. 1992.
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