|
La maison du domaine Garth, aujourd'hui l'hôtel de ville de Lorraine, au nord de Montréal.
|
Textes et photos de M. Pierre Lapointe
La maison Garth
Avant de nous diriger vers Sainte-Anne-des-Plaines, faisons un petit détour à Ville de Lorraine, fondée en 1960, pour voir la maison Garth. Pour s'y rendre, empruntez le boulevard Adolphe-Chapleau nommé ainsi pour Joseph-Adolphe Chapleau (1840-1898) qui fut député provincial conservateur de Terrebonne de 1867 à 1882, premier ministre du Québec (1879-1882) et député fédéral conservateur sous John A. McDonald de 1882 à 1892, ce dernier meurt le 6 juin 1891 (Lamarche, 1998, p.10 ). Il termine sa carrière en tant que lieutenant- gouverneur de 1892 à 1898 ( Lapointe , 1998, p.7). Il est vertement vilipendé par les canadiens-français lors de la pendaison de Louis Riel en novembre 1885 où il refuse de prendre position en faveur de l’accusé. Il est demeuré derrière J. A. McDonald. (www. Histoirequebec).
La ville de Lorraine est d’ailleurs située sur les anciennes terres du domaine Garth. Le premier propriétaire de la terre fut André Mathe de 1807 à 1834, c’est lui qui aurait bâti la maison( Fournier, 2010 : 16). Il vendit sa terre à Alpheus Kimpton, loyaliste, en 1834. C’est sur ses terres que l’armée britannique établit son quartier général en 1837 ( L’armée britannique à Lorraine en 1837 : Google-Wikipedia). En 1864, Alpheus père céda sa terre à Alpheus fils qui la vendit à Charles Garth en 1890. En 1962 la ville de Lorraine en fit l’acquisition (Fournier, 1978, p.51). Retournons sur nos pas jusqu’à la ville de Bois-des Filion fondée en 1949. Elle obtient son statut de ville en 1980 (Les Publications du Québec, 2006 : 72). Le nom de Filion est une erreur de transcription car le premier occupant de la terre était un français arrivé en Nouvelle-France en 1684. Il était menuisier et s’appelait Antoine Feuillon. Il ne savait ni lire et écrire et n’a donc pu corriger l’erreur et le nom Filion demeura. (Google : Origine des noms de villes du Québec, code 18).
Nous sommes à l’intersection du boulevard Adolphe-Chapleau et de la montée Gagnon, cette dernière relie Bois-des-Filion à Sainte-Anne-des-Plaines. Son tracé passant sur les terres de Jean et François Gagnon, le nom Gagnon lui fut donné (Blondin, 1987, p.21). Un peu avant d’entrer dans Sainte-Anne-des-Plaines, nous croisons une route appelée Rang Lepage en l’honneur du premier seigneur de Terrebonne, le curé Louis Lepage de Saint-Claire (1690-1762). Durant les rébellions de 1837-1838, plusieurs patriotes firent parler d’eux à Sainte-Anne-des Plaines. Nous en avons retracé cinq qui font parti de la toponymie locale. Il y a eu également un curé qui fit parler de lui à l’époque, mais pour des raisons différentes, il était antipatriote. Il s’appelait Isidore Poirier et aucune rue ou endroit ne portent son nom. Un petit mot sur l’origine de Sainte-Anne-des-Plaines. En 1787, le territoire de Sainte-Anne fut détaché de la seigneurie de Terrebonne qui s’appelait Mascouche du Page. En 1788, la nouvelle paroisse pris le nom de Sainte-Anne de Mascouche et en 1816, le nom est changé pour celui de Sainte-Anne-des-Plaines (Blondin, 1987, p.14). Nous commençons par le patriote Nicolas Daunais (1805-1862). Il habitait Saint-Louis de Terrebonne où ses parents possédaient de grandes étendues de terre. En 1827, il se marie avec Esther Granger, fille de bourgeois possédant également plusieurs terres à Sainte-Anne-des-Plaines. Nicolas Daunais était un cultivateur fortuné. Sa maison se situait en face de l’église où se trouve maintenant un dépanneur. Il était un des chefs patriotes et fit partie d’une conjuration contre le curé Isidore Poirier pour les propos antipatriotes qu’il tenait. (Blondin, 1987, p.122).
Les frères Prévost, les Rois du Nord
Guillaume Prévost, marié à Josephte Quévillon, sa cousine au quatrième degré, habitait une maison sise là où est maintenant la caserne de pompiers, juste à côté de l’église et en face de la maison de Nicolas Daunais. Il était forgeron et possédait le magasin général. Il était l’oncle de Jean-Baptiste Léon-Léandre Prévost , notaire, patriote et Frère Chasseur de Terrebonne qui était à la bataille de Terrebonne en novembre 1838 et qui s’est réfugié aux États-Unis en février 1839 ( Messier, 2002, p.396). Guillaume Prévost fut un patriote actif. Il a eu onze enfants. Parmi eux, on se souvient de quatre garçons : Mélassipe (1817-1887), Melchior (1819-1897), Jules-Édouard (1828-1903), Wilfrid (1832-1898). Ces garçons furent appelés les Lions du Nord. Mais, quand on y regarde de près, nous voyons qu’en 1837 Jules-Édouard avait 9 ans et Wilfrid 5 ans. Ils n’ont donc pu participer aux activités de leurs frères. Nous n’avons pas retrouvé à quel moment l’expression les Lions du Nord est apparue mais puisqu’elle inclue les quatre frères, elle doit être postérieure aux rébellions. Une explication que nous avons trouvée nous vient de Charles Prévost (charlesprevostlinton.com/Lionsdunord.html) qui dit que les frères Prévost avaient une chevelure abondante, une barbe bien fournie, une voix puissante et qu’ils dégageaient beaucoup d’énergie . L’expression Lions du Nord leur convenait donc bien.
Attardons nous un peu à la famille Prévost. Guillaume, le père, était un ardent patriote. Sa maison servait de lieu de rencontre et servait aussi à fabriquer des balles (Messier, 1999 : 396). Il participa avec ses fils, Mélassipe et Melchior, à la bataille de Terrebonne que Serge Laurin appele un feu de paille (Laurin, 1999, p.14). Pour éviter que ça finisse comme à Saint-Eustache, Joseph Masson intervient entre les loyaux et les patriotes. Il convainc les loyaux en premier de mettre bas les armes et ensuite les patriotes acceptent de faire de même. Joseph Masson dit aux patriotes qu’en rendant leurs armes et en libérant les prisonniers, ils ne seront pas poursuivis mais, les autorités britanniques refusent de reconnaître l’entente et procèdent à des arrestations. Guillaume et ses fils échappent à la police. Joseph- Léandre Prévost se réfugie aux États-Unis ( Laurin, 1999, P.14). Après les Rébellions, les frères Prévost eurent des carrières bien remplies. Gédéon-Mélassipe fut d’abord notaire à Sainte-Anne-des-Plaines où il fut secrétaire à l’assemblée patriote du 28 août 1837. Il était chargé de transmettre les messages entre les insurgés. Il aidait son frère Melchior à fondre des balles et était présent à la bataille de Terrebonne (McKay, 2006, p.230). Il est élu député de Terrebonne à la chambre d’Assemblée du Canada-Uni de 1854 à 1857 en battant nul autre que Augustin-Norbert Morin à qui il reproche d’avoir retardé l’adoption du projet de loi sur les tenures seigneuriales (Laurin, 2009, p.77) et maire de Terrebonne de 1860à 1869. Il s’est marié à Julie Prévost le 26 novembre 1939 à Terrebonne (Blondin, 1987, p.290).
Melchior , notaire, est le premier maire de Saint-Jérôme de 1855 à 1862(www.Charlesprevostlinton. Il se marie avec Henriette Labrie, fille du Dr Labrie ancien leader du parti canadien de Saint-Eustache (Blondin, 1987, P.290) et belle-sœur de Jean-Olivier Chénier de Saint-Eustache, le 12 juillet 1841 à Saint-Eustache (Laurin, 2009, p.51).
Jules-Édouard devint médecin en 1848 et va rejoindre son frère Melchior à Saint-Jérôme. Il épouse sa cousine Edwidge Prévost, la fille de Joseph- Léandre Prévost, notaire à Terrebonne. Il fonde la fanfare de Saint-Jérôme qui existe encore aujourd’hui sous le nom d’Harmonie Saint-Jérôme (Laurin, 2009, p.66). Il participe avec son frère à la fondation d’une société de littéraire et scientifique, l’Institut canadien des Artisans de Dumontville (Charlesprevostlinton). Il à eu quinze enfants. Il est aussi l’ami et le confident du curé Labelle (Laurin, 2009, p.66.
Wilfrid, le plus jeune des quatre frères, devient avocat criminaliste et brillant orateur. Il est un fervent libéral pour qui il mène d’ardentes campagnes électorales. En 1859 il s’installe à Sainte-Scholastique. Il est élu maire et député libéral de Deux-Montagnes à la Chambre des Communes de 1872 à 1874. Il travaille en collaboration avec les Lions du Nord, ses frères, pour la réussite des Rouges. Il se marie avec Angélique Marié en 1853. Contrairement aux informations du dictionnaire biographique du Canada où il est mentionné que Wilfrid s’est remarié avec Hortense Globensky le 7 janvier 1829, ce qui est impossible car Wilfrid est né en 1832, il s’est plutôt remarié avec Honorine Globensky le 13 juillet 1891. Elle est la fille de Louis-Édouard Globensky et d’Adélaïde Prévost mariés à Sainte-Anne-des-Plaines le 4 février 1833. Mais voilà, Adélaïde est la sœur de Wilfrid, donc ce dernier marie la fille de sa soeur. Il a fallu une dispense de Mgr Fabre pour qu’ils puissent se marier. Louis-Édouard Globensky à, en 1837, agit comme notaire avec Joseph-Léandre Prévost, notaire du comté de Terrebonne et cousin de Wilfrid, lors de la signature du contrat de construction d’une église à Saint-Jérôme (Laurin, 2009, p. 51).
Le curé Isidore Poirier (1792-1857) est originaire de Saint-Charles sur Richelieu. De 1817 à 1823 il est curé à Sorel, à Memremcook, au Nouveau-Brunswick, à Saint-Luc sur Richelieu et à Saint-Césaire. De 1823 et jusqu’à 1839, il est curé à Sainte-Anne-des-Plaines. L’église se situe à côté de la maison des Prévost et en face de la maison de Nicolas Daunais. Il fait plusieurs discours en rapport avec les évènements qui se déroulent pendant cette période trouble. Mais en novembre 1838, le 11 plus précisément, il fait un discours antipatriotique qui lui attire les foudres des patriotes. Ce discours où il dit, en gros, qu’il vaut mieux mourir en obéissant aux autorités que de vivre l’arme aux poings. Qu’il faut bannir de notre vocabulaire le mot patriote et que si nous aimons le mot patriote, c’est que nous aimons notre destruction et celle de nos enfants. Ce discours est reproduit intégralement dans le journal l’Ami du Peuple, journal loyaliste, et que nous retrouvons dans le livre de Gilles Boileau (Boileau, 2010, p.186-188). Il reçut d’ailleurs des menaces de mort suite a son discours (Blondin, 1987, p.38). Un an plus tard, le curé Poirier fut transféré à Saint-Jérôme où les esprits réchauffés par les évènements avaient besoin d’une douche froide. Comme quoi en haut lieu on avait apprécié son travail à Sainte-Anne-des-Plaines. Il demeura à Saint-Jérôme jusqu’en 1841(Boileau, 2010 : 38).
BIBLIOGRAPHIE
BLONDIN, Serge, Sainte-Anne-des-Plaines, , , 1986, 382p.
BOILEAU, Gilles, Étienne Chartier, la colère et le chagrin d’un curé patriote, Cap Saint-Ignace, Septentrion, 2010, 320p.
COURNOYER, Jean, La mémoire du Québec, de 1534 à nos jours, Montréal, Stanké. 2001, 1,861p.
FOURNIER, Pierre, Ville de Lorraine 1960-2010, Sainte-Adèle, Édition Textes et Contextes, 2010, 148p.
FOURNIER, Rodolphe, Lieux et MONUMENTs historiques du Nord de Montréal, Saint-Jean-sur-Richelieu, Les Éditions du Richelieu Ltée, 1978, 261p.
LAMARCHE, Jacques, Les 20 premiers ministres du Canada, Montréal, Lidec, 1998, 62p.
LAPOINTE, Pierre, Le Curieux No 6, Lévis, Les Éditions à Mains Nues, 1998, 31p.
LAURIN, Serge, Rouge, Bleu La saga des Prévost et des Nantel, Québec, PUL, 1999, 284p.
LAURIN, Serge, Histoire de Saint-Jérôme, Québec, Les Éditions GID, 2009, 511p.
COMMISSION de toponymie, Noms et lieux du Québec, Québec, Les Publications du Québec, 2006, 925p.
MCKAY, Julien S, Notaires et Patriotes, 1837-1838, Québec, Septentrion, 2002, 497p.
Google : Origine des noms de villes du Québec (code 18).
www.charlesprevostlinton.com/Lionsdunord.html
Google : L’armée britannique à Lorraine en 1837.
Dictionnaire biographique du Canada en ligne.
| |