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Les Patriotes de 1837@1838 - Les Patriotes et la commission d'enquête Gosford (1835)
 ANALYSE 
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Les Patriotes et la commission d'enquête Gosford (1835)
Article diffusé depuis le 2 janvier 2012
 




La commission Gosford est un événement en soi parce qu’elle se passe en même temps qu’un changement de gouvernement en Grande-Bretagne. Ainsi, trois commissaires sont nommés en quelques mois. La réaction du groupe patriote s’ajuste donc au fil des changements ayant cours en 1835. Afin de bien rendre compte des événements tels que vécus au Bas-Canada, les dates utilisées sont celles de la colonie.

Après le dépôt des 92 Résolutions au printemps 1834, les radicaux britanniques, qui sont alliés aux patriotes, demandent la formation d’un comité d’enquête sur le Bas-Canada. Mais ce comité ne fait état que de certains insuccès de la politique coloniale en ce qui concerne les relations la Chambre et les Conseils et le gouverneur. Par contre, le comité ne souhaite pas se prononcer définitivement sur les mesures à prendre (FILTEAU, 2003 : 189-191). À ce moment, la situation politique en Grande-Bretagne est pour le moins instable. Après la démission du cabinet Grey, Lord Melbourne prend la relève. Mais il est rapidement remplacé par Robert Peel, chassé du pouvoir après une élection que le laisse minoritaire en chambre. C’est sous son ministère que Lord Aberdeen décide du déclenchement d'une commission d’enquête (FILTEAU, 2003 : 191). Quant aux relations entre la Chambre d’Assemblée et le gouverneur Aylmer, elles sont au plus bas. À l’hiver 1835, la majorité vote pour que Londres destitue Aylmer (FILTEAU, 2003 : 183).

Pourquoi avoir déclenché une commission d’enquête? Le ministre Glenelg, dans ses premières instructions à Gosford, l’explique bien. Le ministre note l’état conflictuel dans la sphère politique qui existe, et s’aggrave, dès les années 1820 (GLENELG, 1835 : 3). Ainsi, il est nécessaire d’amasser suffisamment d’informations afin d’apporter une réponse efficace aux maux politiques du Canada (GLENELG, 1835 : 3). L’enquête souhaitée se veut la plus large possible, c’est pour cette raison que trois commissaires sont nommés. Cependant, ces derniers n’ont aucun pouvoir particulier. Gosford a les pouvoirs constitutionnels de gouverneur, mais il ne doit en aucun temps fusionner ses deux fonctions. Leur travail est une « mission de paix et de conciliation » (GLENELG, 1835 : 4).

À l’annonce de la commission, en avril 1835, Le Canadien pense que le gouverneur Aylmer n’accepterait jamais de devenir la marionnette du commissaire (Le Canadien, 22 avril 1835). À l’annonce que le commissaire est Lord Canterbury, le journal québécois exprime des réserves du fait que c’est un tory. Un espoir de réforme subsiste tout de même (Le Canadien, 24 avril 1835). La Minerve affirme que Canterbury sera nécessairement hostile à la majorité parlementaire patriote. En effet, ce dernier vient de perdre la présidence de la Chambre des Communes à cause du parti whig, parti auquel les patriotes se rattachent idéologiquement, selon le journal (La Minerve, 23 avril 1835). Plus, tard, la position éditoriale change du Canadien change. La commission ne sert à rien parce que la réforme qui doit être faite est celle du Conseil Législatif, ce qui n’est pas permis à l’envoyé britannique. Le mandat est donc trop limité (Le Canadien, 29 avril 1835). La Minerve va plus loin dans sa critique de la commission. Selon le périodique montréalais, la commission est inconstitutionnelle. Le commissaire n’a aucun pouvoir pour corriger les maux de la colonie qui sont causés par un Conseil non élu. Le rapport ne servira à rien. La position de La Minerve est que le seul moyen de changer les choses vient d’une décision concrète de Londres (La Minerve, 14 mai 1835). Début mai, la colonie apprend que Lord Canterbury est remplacé par Lord Amherst. Certaines rumeurs affirment qu’il aurait la double tâche d’être gouverneur. On lui confie un secrétaire, Frederick Elliot (Le Canadien, 11 mai 1835). Le Canadien est incertain face à Amherst. S’il est un whig, il n’en demeure pas moins qu’il est nommé par un gouvernement tory. Le journal québécois rappelle que le gouverneur aura nécessairement des préjugés relativement aux Canadiens français et que ces derniers doivent s’employer à les démolir (Le Canadien, 13 mai 1835). Le Canadien a de bons mots pour Elliot. C’est un libéral qui a une solide expérience dans les affaires coloniales (Le Canadien, 18 mai 1835).

En juillet, les journaux font état d’incertitudes quant à l’avenir de la commission Amherst. Lord Gosford le remplacerait (Le Canadien, 22 juillet 1835). Gosford est présenté comme un antiorangiste. Charles Gray est également nommé commissaire adjoint (Le Canadien, 24 juillet 1835). Il est rapidement confirmé que Gosford est nommé commissaire et gouverneur (Le Canadien, 27 juillet 1835). En août, Gosford et ses assistants Grey et Gipps sont confirmés dans leurs fonctions (Le Canadien, 3 août 1835). Gipps est présenté comme un illustre inconnu (Le Canadien, 5 août 1835). Pour Louis-Joseph Papineau, les deux commissaires adjoints paraissent suspects du fait qu’ils sont pratiquement inconnus (PAPINEAU, 2006 : 305). Le Canadien écrit qu’il sera difficile pour Gosford de concilier ses tâches de commissaire et de gouverneur. Selon la publication, les Canadiens devraient faire le minimum pour faire fonctionner la commission. De plus, Neilson et Walker, des bureaucrates en mission à Londres, pourraient endoctriner les commissaires, ce qui serait négatif pour les Canadiens (Le Canadien, 10 août 1835). La Minerve accuse également les bureaucrates d’avoir fait changer les instructions de la commission (La Minerve, 27 juillet 1835). Le journal de Québec accuse d’ailleurs Neilson d’avoir comploté pour changer la nature de la commission. Au lieu de remédier aux griefs présentés par la Chambre d’Assemblée, la commission doit simplement en prendre acte (Le Canadien, 12 août 1835). À cet égard, le journal montréalais affirme que la commission est inutile parce que les doléances coloniales sont déjà connues à Londres, par l’intermédiaire des 92 Résolutions (La Minerve, 30 juillet 1835). La nomination de Gosford est vue comme une bonne chose. Son expérience de conciliateur en Irlande et son impartialité sont jugées favorablement (Le Canadien, 14 août 1835). Après que Gosford arrive à Québec à la fin août, Le Canadien défend la commission, tout en souhaitant qu’elle ne serve pas qu’à temporiser. Cependant, la commission montre bien que Londres ne comprend rien au Bas-Canada et justifie donc la demande coloniale de vouloir contrôler ses affaires internes. La commission, au mieux, ne sert donc qu’à soulager les problèmes du Bas-Canada. Néanmoins, la population doit tout faire pour aider les commissaires (Le Canadien, 26 août 1835). Papineau pense que la population ne devrait pas être obligée de témoigner devant la commission Gosford. Toutefois, il pense que les membres de la commission, à l’exception du gouverneur-commissaire, devraient être tenus de témoigner devant la Chambre d’Assemblée (PAPINEAU, 2006 : 305).

Au printemps 1835, la situation politique britannique semble beaucoup plus importante que la nomination de la commission (Par exemple : Le Canadien, 24 avril 1835 et La Minerve, 20 avril 1835). Il va sans dire que les deux journaux appuient le parti whig. En effet, le lien semble automatique entre tories britanniques et bureaucrates coloniaux (Le Canadien, 6 mai 1835 et La Minerve, 11 mai 1835). Dans ce contexte, les deux journaux s’emploient à informer leurs lecteurs quant à l’orientation politique des différentes personnes nommées au poste de commissaire. Il est intéressant de noter le changement de position du journal Le Canadien. Au départ, la ligne éditoriale du journal est que la commission n’est pas une si mauvaise chose. Par la suite, la commission ne sert plus à rien. Finalement, il est plutôt préférable de participer à l’enquête, même si les principaux problèmes, de nature politique, ne seront pas réglés par leur intervention. La Minerve, beaucoup plus près des Patriotes, adopte un point de vue plus constant. Le journal persiste à être contre la commission. La division des Patriotes entre Montréalais et Québécois semble déjà commencée à ce moment-là.

En novembre 1835, la Chambre d’Assemblée prépare l’adresse au discours du trône. La Chambre se déclare satisfaite du discours de Gosford (Journal de la session, 1836 : 39). Quant à la commission, la députation affirme que « c’est donc avec des sentimens [sic] d’espoir que nous envisageons les pouvoirs et les attributions étendues et les circonstances avec lesquelles Votre Excellence a commencé à remplir sa haute mission » (Journal de la session, 1836 : 39). Les élus se montrent prêts à collaborer avec Gosford (Journal de la session, 1836 : 41-42). Le 5 novembre, les députés bureaucrates présentent une motion au projet d’adresse afin que la Chambre se déclare satisfaite de l’envoi d’une commission d’enquête. La motion est rejetée par 45 voix contre 8 (Journal de la session, 1836 : 60-61). Ainsi, la commission d’enquête n’est pas officiellement reconnue par la Chambre d’Assemblée. (CHAPAIS, 1923 : 64) L’accueil patriote à la commission d’enquête est donc plutôt froid.

Selon Thomas Chapais, si une commission d’enquête est déclenchée, c’est à cause de tensions entre l’Exécutif et la Chambre d’Assemblée (CHAPAIS, 1923 : 55). Helen Taft Manning affirme que la commission a été envoyée pour dans le but de retarder l'inévitable, aux yeux du ministre anglais Glenelg, c’est-à-dire un ultimatum de la métropole à sa colonie (MANNING, 1962 : 372). Pour Gérard Filteau, le choix d’Amherst n’est pas le meilleur (FILTEAU, 2003 : 191). Quant à Gosford, Chapais affirme que les camps patriote et bureaucrate avaient certaines appréhensions quant aux actions qu’il ferait (CHAPAIS, 1923 : 57). L’auteur insiste sur les petits événements qui montrent que Gosford se veut conciliant (CHAPAIS, 1923 : 57-58). Gérard Filteau décrit Gosford en des termes assez positifs (FILTEAU, 2003 : 192). Ainsi, Papineau devient rapidement beaucoup moins intransigeant avec Gosford qu’il l’avait été avec ses prédécesseurs (FILTEAU, 2003 : 197). La rapide préparation d’une adresse au gouverneur va également dans le sens de relations plus cordiales avec le nouveau gouverneur-commissaire (FILTEAU, 2003 : 200). Chapais note déjà une division chez les patriotes avec l’absence de membres de Québec avec la venue de Gosford (CHAPAIS, 1923 : 60). Manning mentionne aussi l’influence énorme qu’a eue Edward Ellice auprès des ministres britanniques à propose de la commission d’enquête (MANNING, 1962 : 373).

En conclusion, la réaction des patriotes, malgré quelques divergences, est plutôt négative face à la commission. Toutefois, l’annonce, et surtout l’arrivée de Gosford, rend les Patriotes plus réceptifs. De plus, le gouverneur Aylmer est remplacé. Toutefois, ils ne reconnaissent pas officiellement la commission en Chambre. Ainsi, les Patriotes font un accueil au mieux mitigé à la commission Gosford. Et cette accueil tiède est de bien brève durée.

Sébastien Lecompte-Ducharme

BIBLIOGRAPHIE

Sources

GLENELG, Charles William Grant, Copies des instructions données à Lord Gosford et aux commissaires nommés pour s’enquérir des griefs dont on s’est plaint dans le Bas-Canada, 1835. <http://www.canadiana.org/afficher?cihm=9_00987&seq=0001> (15 décembre 2011)

La Minerve : Éditions du 20 avril 1835 au 14 mai 1835 et du 23 juillet 1835 au 30 juillet 1835.

Le Canadien : Éditions du 22 avril 1835 au 18 mai 1835, du 20 juillet 1835 au 2 septembre 1835 et celle du 11 novembre 1835.

Journaux de la Chambre d’Assemblée Journaux de la Chambre d'assemblée du Bas-Canada, depuis le 27 octobre 1835 jusqu'au 21 mars 1836 dans la sixième année du règne du Roi Guillaume Quatre, étant la deuxième session du quinzième Parlement provincial de cette province, session 1835-6, 1836. < http://www.canadiana.org/ECO/ItemRecord/9_00938_46?id=2d1840ea3201fa57&Language=fr> (15 décembre 2011).

PAPINEAU, Louis-Joseph. Lettres à divers correspondants. Tome 1, 1810-1845, texte établi et annoté par Georges Aubin et Renée Blanchet, Montréal, Varia, 2006, 587p.

Études

CHAPAIS, Thomas, Cours d’histoire du Canada. Tome 4, 1833-1841, Québec, Librairie Garneau, 1923, 335p.

FILTEAU, Gérard, Histoire des Patriotes, Québec, Septentrion, 2003, 628p.

MANNING, Helen T., The French Revolt of French Canada, 1800-1835 : A Chapter in the History of the British Commonwealth, Toronto, Macmillan Company of Canada, 1962, 426p.

 


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