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Source: Canadian Archives, 1897, pp. 32-37; Michel Brunet, Guy Frégault et Marcel Trudel (éditeurs), Histoire du Canada par les textes, Montréal, Fides, 1956, pp. 141-143. Cette pétition, portant un total de 1452 signatures, fut présentée aux autorités britanniques en décembre 1822 . Les signataires, pour la plupart des marchands anglais de Montréal, y justifient leur appui au projet d'Union du Haut et du Bas-Canada présenté secrètement aux Communes de Londres en juillet 1822. Ce fut alors un déluge de pétitions, manifestes et contrepétitions dénonçant et appuyant le projet de loi . Pour les marchands anglais, le passage de l'Acte d'Union était une question de vie ou de mort. En effet, l'ouverture du Canal Érié et le projet américain de canalisation de la rivière Hudson rendaient plus nécessaire que jamais la modernisation du système fluvial du Saint-Laurent. Une telle modernisation nécessitait cependant de vastes sommes que l'Assemblée, et en particulier les députés canadiens, refusait de voter. Pour les marchands anglais, l'Union du Haut et du Bas-Canada constitue la seule porte de sortie, encore que cette Union devra être faite selon des modalités car les Canadiens du Bas-Canada demeurent plus nombreux que les Britanniques du Haut et du Bas-Canada . On projette donc une Chambre d'assemblée unique avec 60 députés pour le Haut et pour le Bas-Canada. Comme on compte bien sur la possibilité de faire élire au moins 15 députés britanniques du Bas-Canada, ceux-ci pourront évidemment compter sur une majorité automatique . Le projet d'Union fut rapidement retiré dès que son existence fut découverte au Bas-Canada. En général, les anglophones du Bas-Canada appuyaient l'idée d'union tandis que les Canadiens la dénonçaient vertement; voir la pétition des Habitants des Cantons de l'Est celle des Habitants de Québec, celle des Habitants de Kingston, celle de la Société Constitutionnelle de Québec, dans Archives Canadiennes, Documents relatifs a l'histoire constitutionnelle du Canada 1819-1828, Ottawa, Imprimeur du Roi 1935, pp. 132-143. Certains citoyens du Haut-Canada, par contre, tels ceux de Wentworth, ne sont pas très enthousiasmés par l'idée, craignant d'être submergés sous la masse canadienne. Sur la situation économique du Canada par rapport à celle des États-Unis, on pourra consulter Albert Faucher, Québec en Amérique au XIXe siècle, Montréal, Fides, 1973, pp. 17-43. 300,000 contre 200,000. Le taux de natalité variera entre 48.5 et 55.1 (pour mille) pendant la période allant de 1800 à 1830. Sur la population canadienne au XVIIIe et XIXe siècles, voir les deux études de Jacques Henripin, "From Acceptance of Nature to Control: The Demography of the French Canadians since the 17th Century", dans Canadian Journal of Economics and Political Science, 23, 1 (1957), pp. 10-19, La population canadienne au début du XVIIIe siècle, Paris, Les presses universitaires de France, 1955. Ce projet d'Union, par contre, ne prévoyait aucune mesure visant à restreindre les droits des catholiques. Seul le mode de représentation populaire était affecté. (...) Les pétitionnaires de Sa Majesté représentent en toute humilité que la division de la ci-devant province de Québec en deux provinces doit être regardée comme.une mesure des plus pernicieuses. A l'époque où la division eut lieu, plus de trente ans s'étaient écoulés depuis la conquête du pays par les armes de Votre Majesté; et nonobstant la générosité sans bornes dont on avait fait preuve à l'égard des vaincus, en leur reconnaissant leurs lois et leur religion, en les admettant à la participation au gouvernement et à tous les droits des sujets britanniques, et par de continuelles démonstrations de bontés à leur égard, nul progrès n'avait été fait vers aucun changement dans les principes, la langue, les coutumes et les manières qui les caractérisent comme un peuple étranger. D'après l'expérience du passé de même que par ce qu'on sait de l'effet de sentiments communs à l'humanité, on ne doit s'attendre à pareil changement tant qu'on permet au peuple conquis de régler exclusivement son propre gouvernement, et chérir et perpétuer les traits nationaux qu'il est de l'intérêt à la fois de la mère patrie et de la colonie de faire graduellement disparaître au moyen d'une union avec les co-sujets d'origine britannique. 54 Pour cette raison, il semblait évidemment nécessaire, en formulant une nouvelle constitution de gouvernement, qu'on réglât la représentation de façon à assurer une juste et raisonnable influence aux sentiments et aux principes britanniques sur la conduite de la législature coloniale. Les mesures capables d'arriver à cette fin se trouvaient alors facilitées par l'augmentation de la population britannique qui avait eu lieu et par les établissements qu'avaient formés les loyalistes américains dans les régions supérieures de la ci-devant province de Québec; et grâce auxquels un corps suffisamment nombreux de personnes d'origine britannique aurait pu être introduit dans la législature coloniale sans offenser aucun principe de justice et certainement en stricte conformité des dictées d'une saine politique. Eût-on à cette époque amené un pareil état de choses, ce à quoi la population canadienne-française s'attendait alors et aurait volontiers donné son adhésion , les pétitionnaires de Votre Majesté sont convaincus que la province serait aujourd'hui en toutes choses essentielles, une province anglaise. Malheureusement les pétitionnaires de Sa Majesté de même que leurs confrères britanniques doivent déplorer que plutôt que d'adopter cette politique d'Union... la population anglaise du Bas-Canada fut rendue impuissante à cause de son petit nombre. (...) Sans l'union cette population gardera sa prépondérance dans le gouvernement du pays, et naturellement elle ne cessera pas d'elle-même d'être française. Son augmentation progressive sous la protection propice de la Grande-Bretagne amènerait donc nécessairement le résultat que l'on prévoit dans le cas où l'union ne se ferait pas. Et les pétitionnaires de Votre Majesté ne peuvent omettre de noter l'étendue excessive des droits politiques qui ont été conférés à cette population au détriment de ses co-sujets d'origine britannique; et ces droits politiques en même temps que le sentiment de sa croissance en force, ont déjà eu pour effet de faire naître dans l'imagination de plusieurs le rêve de l'existence d'une nation distincte sous le nom de nation canadienne; ce qui implique des prétentions qui ne sauraient être plus irréconciliables avec les droits de ses co-sujets qu'avec une juste subordination à la mère-patrie. Les pétitionnaires de Sa Majesté demandent respectueusement s'il y a lieu de persister dans un système de gouvernement qui a eu de pareils résultats, et qui, dans ses conséquences ultérieures, doit exposer la Grande-Bretagne à la mortification et à la honte d'avoir à grands frais élevé jusqu'à la maturité pour l'indépendance une colonie conquise sur l'étranger, pour la voir devenir l'alliée d'une nation étrangère et le préjudice des sujets-nés et de leurs descendants. (...) Il suit de la respective situation géographique des deux provinces, que le Haut-Canada est tout à fait dépendant du Bas-Canada pour les moyens de communiquer avec la mère-patrie et les autres pays. Ce n'est que par la voie du Bas-Canada que la province supérieure peut recevoir ce dont elle a besoin ou exporter les denrées qu'elle a de trop. Le port de Québec est l'entrée commune . Ce port étant dans le Bas-Canada, les habitants du Haut-Canada ne peuvent entrer dans leur pays ni en sortir que tant que le permet le gouvernement du Bas-Canada... Tant que les provinces seront gouvernées par des législatures différentes, la tendance vers cette éventualité (l'union du Haut-Canada aux États-Unis) s'accentuera par l'effet de l'établissement de voies artificielles de communication pour lesquelles l'État de New York a fait dernièrement d'énormes dépenses , et qui, dans le cas où le port de Québec deviendrait incommode pour le Haut-Canada, fourniraient à cette dernière province un moyen facile d'atteindre les ports maritimes des États-Unis; et elle sera d'autant portée à prendre cette direction que le Bas-Canada continuera à rester français. (...) Les habitants français du Bas-Canada, aujourd'hui divisés de leurs co-sujets par leurs particularités et leurs préjugés nationaux, et évidemment animés de l'intention de devenir, grâce au présent état de choses, un peuple distinct, seraient graduellement assimilés à la population britannique des deux provinces et avec elle fondus en un peuple de caractère et de sentiment britanniques. Tout antagonisme d'intérêts et toute cause de différends entre les provinces seraient à jamais éteints: une Législature efficace, capable de concilier les intérêts de la colonie avec ceux de la mère-patrie, de préserver la sécurité et de promouvoir la prospérité agricole et commerciale du pays, serait alors établie de façon à promouvoir la position internationale des deux provinces et de la Grande-Bretagne: le lien qui unit la colonie à la mère-patrie se trouverait renforcé et la dépendance du Canada assurée à la mère-patrie d'une façon durable au grand avantage des deux pays. 55 Entièrement convaincus que ces biens importants et durables découleront d'une union des provinces, les pétitionnaires de Votre Majesté demandent humblement qu'il soit rendu un acte à l'effet d'unir les provinces du Haut et du Bas-Canada sous une même législature par des mesures que la sagesse de Votre Majesté jugera à propos. Le projet de loi déposé aux Communes de Londres faisait de l'anglais la seule langue officielle et accordait un délai de 15 ans avant d'exclure le français des débats parlementaires. Allusion ici à une prise de position de Louis Panet lors de la première session du Parlement en 1792. Il déclarait alors: "Quelle est la langue générale de l'empire? Quelle est celle d'une partie de nos citoyens? Quelle sera celle de l'autre et de toute la province en général à une certaine époque?" La construction du Canal Érié commencée en 1817 et terminée en 1825 permettra de relier Albany à Buffalo (360 milles). En 1797, l'Assemblée avait décidé de remettre au Haut-Canada sa part des droits de douanes perçus sur les marchandises dédouanées à Québec en direction du Haut-Canada. Estimée tout d'abord à 12% cette part est accrue jusqu'à 20% en 1817. Mais en 1819, à cause de la crise politique qui paralyse l'Assemblée, le Haut-Canada ne peut percevoir sa part, d'où paralysie de son administration.
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