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Né d'une grande famille bourgeoise anglaise apparentée au légendaire amiral Horatio Nelson, vainqueur d'Aboukir et de Trafalgar, Wolfred Nelson naît à Montréal le 10 juillet 1791. Il est le quatrième enfant de William Nelson, un ancien officier de la marine anglaise, et de Jane Dies, une américaine de l'État de New York. Le nouveau-né est baptisé dans la religion anglicane le 30 juillet suivant. Sa famille déménage à William-Henry (Sorel) alors que le jeune Wolfred a trois ans. En 1805, à l'âge de 14 ans, il commence l'apprentissage de la médecine et de la chirurgie auprès du Dr Christopher Carter à Sorel. Il reçoit son permis de pratiquer la médecine du gouverneur James Craig le 13 février 1811, mais déjà le jeune Nelson a la direction de la pharmacie d'un petit hôpital militaire. Lors de la guerre contre les États-Unis en 1812, il est nommé médecin du 5e Bataillon de la Milice incorporée. Jusqu'à cet événement, il " est un ardent tory et est porté à détester tout ce qui est catholique et canadien-français, mais une connaissance plus intime de ces gens change son point de vue " (Thompson, 1988: 655). En effet, avec son affectation à la milice dont le quartier général de son bataillon est à Saint-Denis, il s'est beaucoup rapproché des Canadiens français si bien qu'après le conflit il s'établit dans ce village de la vallée du Richelieu où il commence véritablement sa carrière de médecin. Le jeune docteur de 29 ans se marie à Charlotte-Josèphe Noyelle de Fleurimont (alors âgée de 21 ans), descendante d'une illustre famille canadienne-française, avec laquelle il a sept enfants (Horace, Alfred, Charles-Arthur, Sophie, Julia, Walter et Charles, tous élevés dans la religion catholique). La cérémonie se déroule à Verchères le 30 juin 1819. En 1830, il ouvre une importante distillerie à Saint-Denis avec le Dr Kimber et son beau-frère, Louis Deschambault, seigneur de l'endroit. Le nom de la société est Wolfred Nelson & Cie. Il fait aussi un voyage en Europe où il étudie les institutions médicales.Par la suite et parallèlement à sa fonction de médecin, il commence une carrière politique en 1827. Avec ses idées radicales, il dénonce les politiques de la bureaucratie et joue un rôle central lors des rébellions de 1837, notamment en tant que chef des rebelles de Saint-Denis, lors de la bataille du 23 novembre 1837. Suite à son arrestation, à sa condamnation pour haute trahison et à son retour d'exil des Bermudes au début de 1839, il s'installe à Plattsburgh, New York, non loin de la frontière bas-canadienne où il est rejoint par sa famille. Avec l'amnistie exceptionnelle votée par le nouveau procureur général du Bas-Canada L.-H. LaFontaine, Nelson peut désormais revenir au pays. Ce qu'il fait au mois d'août 1842 en louant une maison à Montréal à l'angle des rues Saint-Jacques et de l'actuelle rue Saint-Laurent. À cette endroit, il ouvre un nouveau bureau de médecin. Avec l'insistance de LaFontaine, il se présente comme candidat aux élections de 1844. Il est élu député de Richelieu le 24 octobre 1844, défaisant par le fait même Denis-Benjamin Viger avec 1053 voix contre 685. Il conserve son mandat jusqu'en 1851. Durant ces sept années, et au grand scandale des tories, il se fait à nouveau l'interprète anglophone des droits des Canadiens français et est un avocat déterminé du gouvernement responsable (Thompson, 1988: 657). À 60 ans, il annonce son retrait de la vie politique et on lui offre, pour ses services rendus au ministère Baldwin-LaFontaine, un poste d'inspecteur des prisons et des asiles de la province. Il fait plusieurs rapports sur les abus commis et les souffrances injustifiées infligées aux prisonniers. Malgré ses allégations passées, Wolfred Nelson est élu maire de Montréal le 7 mars 1854 devant Édouard-Raymond Fabre, un papineauiste, devenant par la même occasion le premier maire de Montréal à être élu au suffrage populaire. Dans l'administration municipale, il est un grand partisan du progrès socio-économique; il favorise notamment des mesures de bien-être en faveur des pauvres. Il se retire néanmoins de la politique municipale deux ans plus tard. Tout au long de sa vie il pratique sa profession de médecin; il est d'ailleurs reconnu pour avoir fait, avec son fils Horace, la première opération au Canada au cours de laquelle on usa d'anesthésiants (Thompson, 1988: 658). Voulant réglementer la profession médicale et son enseignement au pays, il élabore une législation à l'Assemblée à cet effet (Thompson, 1988, 658). Toutefois, c'est par son rôle politique durant les rébellions de 1837-1838 que nous connaissons davantage le docteur Wolfred Nelson. C'est à la suite de la guerre de 1812-1815 que l'on observe chez Nelson le développement d'idées réformistes radicales. Il commence sa carière politique en 1827 lorsqu'il se porte candidat aux élections dans la circonscription de William-Henry (Sorel), réputée pour être le fief du gouverneur. Dénonçant l'appui public du gouverneur Dalhousie envers son adversaire James Stuart, procureur général du Bas-Canada, il remporte néanmoins l'élection le 31 juillet 1827 par quatre voix de majorité (Aubin, 1998: 155). À la suite de son voyage en Europe, il est nommé juge de paix à Saint-Denis, mais l'assassinat à Sorel de son allié politique Louis Marcoux durant les élections de 1834 le marque profondément. Il devient donc de plus en plus radical à mesure que les abus de l'oligarchie au pouvoir sont plus apparents (Thompson, 1988: 656). Par la suite, W. Nelson fait plusieurs discours à saveur libérale et préside de nombreuses assemblées et réunions patriotes à Montréal, Saint-Denis et Saint-Charles notamment. Aussi, en 1834, il dénonce avec véhémence les politiques coercitives du gouvernement et organise plusieurs assemblées pour discuter des Quatre-vingt-douze Résolutions votées par la Chambre. Vite remarqué par son radicalisme, il est relevé de ses fonctions de juge de paix par l'administration gouvernementale. Le lundi 23 octobre 1837, il est président de l'assemblée des Six-Comtés; le plus important rassemblement patriote de l'année. Il ouvre l'assemblée et y fait un discours d'une extrême violence (Filteau, 1975: 276). Durant l'assemblée, Louis-Joseph Papineau fait preuve d'une modération surprenante. Selon lui: " Le meilleur moyen de combattre l'Angleterre, c'est de ne rien acheter d'elle [...] Le recours aux armes, non! pas ça! " Nelson reprend aussitôt la parole et dit: " Eh bien! moi, je diffère d'opinion avec monsieur Papineau. Je prétends que le temps est arrivé de fondre nos plats et nos cuillères d'étain pour en faire des balles " (Filteau, 1975: 277). Le 16 novembre suivant, le gouvernement émet des mandats d'arrestations contre plusieurs chefs patriotes, y inclus Nelson dont la tête est mise à prix pour 500 livres. Ayant leurs têtes mises à prix, Papineau et O'Callaghan viennent rejoindrent Nelson à Saint-Denis. Ensembles, ils décident de résister à leur arrestation. Les autorités britanniques ont déjà eu vent de ces attroupements à Saint-Denis et à Saint-Charles et y envoient donc l'armée. Nelson et ses hommes attendent la venue des troupes de Gore. La bataille commence le matin du 23 novembre 1837. Le chef rebelle se montre à la hauteur du poste qu'on lui confie: celui de général des insurgés de Saint-Denis. Sa confiance extrême se reflète sur ses troupes. Il force l'ennemi à se replier et les Patriotes de Saint-Denis, sous le commandement de Wolfred Nelson, remportent la victoire. Immédiatement après l'affrontement, le Dr Nelson s'efforce de porter les premiers soins aux nombreux blessés des deux camps. La victoire de Saint-Denis électrise le Bas-Canada et fait de Wolfred Nelson un héros parmi les Patriotes (Thompson, 1988, 657). Prévoyant le retour de Gore et voyant ses effectifs diminuer de jour en jour, il quitte Saint-Denis avec quelques Patriotes le 1er décembre 1837 en direction des États-Unis. Toutefois, le 11 décembre, après dix jours de marche difficile, il est arrêté par un détachement du bataillon de Shefford commandé par le lieutenant-colonel Paul Holland Knowlton près de Stukeley dans les Cantons-de-l'Est. Il est rapidement conduit à Montréal pour y subir son procès pour " haute trahison ". Logé en face de son ami R.-S.-M. Bouchette et à côté de J.-J. Girouard, il signe un aveu de culpabilité le 28 juin 1838 qui le force à s'exiler aux Bermudes avec sept autres condamnés. Le 2 juillet suivant, vers 15h00, les huit prisonniers s'embarquent à bord du vapeur Canada. Ce sont W. Nelson, R.-S.-M. Bouchette, R. Desrivières, H.-A. Gauvin, S. Marchessault, L.-H. Masson, B. Viger et T.-H. Goddu. Le lendemain à Québec, les huit exilés partent à bord du Vestale (un voilier de guerre) et arrivent au port de Hamilton aux Bermudes le 24 juillet suivant. L'exil prononcé par Durham et son Conseil est déclaré illégal le 26 octobre 1838 par les Communes de Londres; c'est-à-dire que les exilés peuvent maintenant revenir en sol américain, mais ils sont toujours bannis du Canada. Ils repartent le 31 octobre pour arriver à Hampton (Virginie) le 8 novembre après un voyage très éprouvant. W. Nelson ne prend pas une part active au soulèvement de 1838, mais assiste néanmoins à plusieurs assemblées patriotes dans les villes américaines d'Albany, de St-Albans et de Swanton. De retour en territoire bas-canadien depuis 1842, il continue à appuyer les résolutions favorisant le gouvernement responsable et l'abolition de la peine de mort qu'il qualifiait d' " assassinat légal " (Thompson: 1988, 659). Il s'attaque verbalement à L.-J. Papineau à l'Assemblée législative qu'il accuse de vouloir briser l'alliance réformiste et de vouloir reprendre le leadership de la Chambre aux dépends de LaFontaine. Malgré sa constante popularité, sa réputation est quelque peu affectée de cette attaque diriger contre un personnage aussi considéré que Papineau. Tout le cours de la vie de Wolfred Nelson est marqué par des préoccupations humanitaires. " S'occupant plus de rendre service à ses semblables que de s'enrichir, entouré de l'estime publique et cher au peuple dont il est toujours le protecteur et l'ami dévoué " (David, 2000: 204), il est avant tout un excellent médecin et un ardent patriote. De tempérament plutôt nerveux et impulsif, il est de nature bouillante selon l'historien L.-O. David. D'un esprit droit, intelligent, cultivé, distingué et dévoué plus que tout à ses malades, il est comme son frère cadet, le Dr Robert Nelson, plutôt un homme d'action que de discussion; plus un soldat qu'un orateur et plus un agitateur qu'un diplomate (David, 2000: 204). Surnommé le " loup rouge " (" wolf-red "), Wolfred Nelson décède le mercredi 17 juin 1863 à 19h55 dans sa maison de Montréal petite rue St-Jacques à l'âge de 71 ans. Il est inhumé trois jours plus tard au cimetière anglican de Sorel (Aubin, 1998: 170). Sur sa tombe, une plaque porte les mots suivants: " Ici repose la plus noble réalisation de Dieu, un honnête homme " (Thompson, 1988, 659). Jonathan Lemire AUBIN, Georges. Wolfed Nelson. Écrits d'un patriotes 1812-1842. Montréal, Comeau & Nadeau, 1998. 178 pages.; DAVID, Laurent-Olivier. Les Patriotes de 1837-1838. Montréal, Comeau & Nadeau, 2000, Édition originale parue en 1884. 360 pages.; FAUTEUX, Aegidius. Les patriotes de 1837-38. Montréal, Éditions des Dix, 1950.; FILTEAU, Gérard. Histoire des Patriotes. Montréal, Éditions del'Aurore, 1er trimestre 1975, 493 pages.; THOMPSON, John Beswarick. " Nelson, Wolfred ". DBC, volume VIII de 1851 à 1880: U.L. et U.T.P., 1988 :655-659. Montréal 1791 Montréal 1863 (46 ans en 1837) Le héros de Saint-Denis devenu maire de Montréal Medecin et député de l'Assomption 1834-37) Wolfred Nelson s'était déjà fait remarquer par son radicalisme, en particulier à l'assemblée des Six comtés (24 octobre), alors qu'il prône le recours à la violence contre les autorités britanniques DOCUMENT. Il fait donc partie de ceux inculpés pour trahison le 13 novembre 1837. Réfugié à Varennes, il décide d'organiser la résistance dans la région du Richelieu, en particulier pour couvrir la fuite de L.-J. Papineau vers les États-Unis. Dans le village de Saint-Denis il réussit à concentrer hommes et armes dans une solide mansarde, la maison Saint-Germain. Les Patriotes y triomphent des forces britanniques commandées par le Lieut-col. Gore le 23 novembre 1837. Arrêté quelques jours plus tard, il est exilé aux Bermudes d'où il revient en 1842. De retour en politique, il se joint aux Réformistes de LaFontaine. Il est désormais un adversaire acharné de Papineau qu'il accuse de tous les avoir abandonné dans sa fuite, autrefois, en 1837. Après avoir abandonné son mandat de député à l'âge de 60 ans, Wolfred Nelson se fait élire maire de Montréal: il fut le premier maire de la métropole élu au scutin populaire. Il abandonne la politique municipale deux ans plus tard pour se consacrer jusqu'à sa mort à la médecine Wolfred NELSON (1791-1863)Fils de Wlliam Nelson et de Jane Dies- Époux de Charlotte de Fleurimont - Né à Montréal en 1791 - Décédé à Montréal en 1863 ( à l'âge de 72 ans ) - Médecin (chirurgien) et député - Patriote, principal chef de l'insurrection de 1837-1838 Dès l'âge de 14 ans, Wolfred Nelson se lance dans l'étude de la médecine. C'est vers cet âge qu'il commence à pratiquer. En cette époque, les médecins sont plutôt rares : ils commencent donc à pratiquer avant l'obtention de leur diplôme et cela leur permet en même temps d'acquérir de l'expérience. C'est ainsi qu'à seize ans Nelson obtient la direction d'un petit hôpital militaire. Recevant son diplôme, en 1811, il s'établit à Saint-Denis. En 1813, il offre ses services au gouvernement anglais, ce qui est naturel vu ses origines britanniques. Tranquillement, il se lance en politique et est élu, aux élections de 1827, contre le procureur-général James Stuart. C'est cette élection qui le rapproche du peuple canadien-français. Bien qu'il a toujours eu un amour aigü de la justice et de la liberté, ce n'est qu'à cette période qu'il commence à se dévouer pour les Patriotes. Fervent partisan de Papineau, il soulève les foules du Bas-Canada. Très actif au sein du parti patriote, Nelson devient le principal chef des Rébellions de1837-1838. Il mène ses troupes à la victoire à Saint-Denis le 23 novembre 1837. Suite aux rébellions, la tête de Nelson est mise à prix. Il essaie, comme beaucoup d'autres insurgés, de fuir aux États-Unis, non sans désolation de quitter le Bas-Canada. Il ne peut s'échapper longtemps : après quinze jours de fuite on le retrouve et il est fait prisonnier. Ne sachant que faire des prisonniers politiques, Lord Durham décide de faire acte de clémence pour la plupart des prisonniers. Cependant, huit sont exilés aux Bermudes, dont Nelson. Ironie du sort, le parlement impérial annule l'ordonnance de Durham, les prisonniers ayant été condamnés sans procès. C'est donc avec joie que Nelson quitte les Bermudes. Ne pouvant cependant pas retourner au Bas-Canada, il s'établit à Plattsburg et se consacre à sa profession de médecin. La Fontaine instaurant une loi d'amnistie générale, Nelson peut revenir au Bas-Canada et il s'établit à Montréal où il reprend la politique en 1845. En 1851, Nelson se retire de la politique pour se consacrer à la médecine, mais en 1854, il revient en force et devient candidat du parti conservateur pour la mairie. Il devient donc maire de Montréal, au grand enchantement du peuple. Peu de temps après, en 1856, il se retire définitivement de la politique et se consacre à sa profession pour soigner les malades. BIBLIOGRAPHIE : AUDET, F.-J. Les députés de Montréal, 233s. DAVID, L.-O. Les Patriotes 1837-1838, Jacques Frénette Éditeur, Montréal, 1981, pp. 185-194. WOLFRED NELSON, Wolfred Nelson et son temps, Montréal, 1946. Julie Nolet
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