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Les Patriotes de 1837@1838 - Analyse des assemblées patriotes de l'été de 1837
 ANALYSE 
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Analyse des assemblées patriotes de l'été de 1837
Article diffusé depuis le 20 mai 2000
 




Cet article porte sur les résolutions prises lors des grandes assemblées patriotes tenues entre les mois de mai et octobre 1837. Vraisemblablement rédigées à l'avance, ces résolutions peuvent paraître répétitives (Bernard : 12); néanmoins, elles ont le mérite de nous renseigner sur les enjeux fondamentaux ayant mené aux Rébellions, ainsi que d'instruire sur les inspirations, la rhétorique, la plate-forme politique, et les mesures prises par le Parti patriote et ses supporteurs. Mais, avant de plonger dans le classement et l'analyse des résolutions d'assemblées, tâchons de brosser un aperçu des circonstances ayant menées, et entourant, la tenue de ces assemblées.

À la suite du dépôt des 92 Résolutions en février 1834, le gouvernement métropolitain charge le nouveau gouverneur du Bas-Canada, lord Gosford, de mener une commission royale d'enquête : la Commission Grey-Gipps. Arrivant à Québec le 23 août 1835, Gosford et les commissionnaires constatent que rien ne va plus au sein du gouvernement colonial (Filteau : 161-164). Suite à une tentative infructueuse de conciliation, le conflit entre le Conseil législatif (dont les membres sont nommés par le gouverneur) et la Chambre d'assemblée (membres élus par la population) atteint un nouveau sommet lorsqu'en 1836 le Conseil législatif invalide une loi sur l'éducation votée par la Chambre d'assemblée. À partir de cet instant, le Parti patriote refuse de siéger et menace de ne plus voter la liste civile aussi longtemps que le Conseil législatif ne deviendra pas électif (Greer : 133-134, Ryerson : 49). Entre temps, l'enquête des commissionnaires se termine et, à la fin d'octobre 1836, ceux-ci s'embarquent pour l'Angleterre. Les divers rapports de la Commission d'enquête sont finalement déposés devant la législation anglaise le 2 mars 1837 et mènent aussitôt aux fameuses résolutions Russell (Filteau : 183, 186).

Arrivant à Québec vers le 10 ou le 11 avril, la nouvelle de ces résolutions crée un véritable émoi dans les milieux patriotes et réformistes. Quatre des dix résolutions Russell sont particulièrement difficiles à digérer pour les partisans de 92 Résolutions. Il s'agit des point IV, V, VI, et VIII prônant respectivement un conseil législatif nommé, le refus d'accorder un gouvernement responsable, le maintien de la dite compagnie des terres et, enfin, l'autorisation pour le gouverneur d'utiliser les revenus publics sans l'assentiment de la Chambre d'assemblée. Dans l'édition de La Minerve du 13 avril, et celle du The Canadian Vindicator du 14, on crie à l'infamie et propose de suivre l'exemple des anciennes colonies américaines. Puis, dans La Minerve du 20 avril, on annonce la mise sur pied d'une grande assemblée dans le comté de Richelieu (Leclerc : 92-93).

C'est le 7 mai 1837 qu'eut lieu à Saint-Ours la première assemblée anti-coercitive. Importante car elle donne le ton, l'assemblée de Saint-Ours servira de modèle et d'inspiration aux assemblées suivantes. Bien qu'on sache qu'il y eut un grand nombre d'assemblées partout à travers la province, seules les assemblées réformistes ayant bénéficié d'une couverture de la part des journaux La Minerve, The Vindicator, Le Libéral, ou Le Canadien seront étudiées dans les pages suivantes. Toutes les résolutions de ces assemblées sont d'ailleurs disponibles dans un ouvrage présenté par Jean-Paul Bernard, Assemblées publiques, résolutions et déclarations de 1837-1838. Il est a noter que cet ouvrage présente également des comptes-rendus d'assemblées constitutionnelles, ainsi que de la fameuse Déclaration de l'Indépendance signée par Robert Nelson et datant du 28 février 1838. Cependant, afin de présenter un corpus cohérent, nous avons préféré circonscrire notre champ d'étude aux seules assemblées patriotiques ayant eu lieu entre le 7 mai 1837 et le 24 octobre 1837, alors que s'est tenue ce qui semble être l'apogée du mouvement de contestation : la Grande assemblée de la Confédération des Six Comtés.

Voici donc deux tableaux inventoriant les divers points soulevés dans les résolutions d'assemblées. À défaut de trouver un mode de présentation plus significatif, nous avons opté pour un classement par ordre chronologique de date d'assemblée. Bien que cette manière semblait la plus propice à une appréciation des tendances, d'autres facteurs seront également discutés. Afin de permettre l'insertion d'un maximum d'informations par tableaux, et ainsi faciliter l'observation des tendances se dégageant des résolutions d'assemblées, un style télégraphique est employé pour décrire le discours des résolutions réformistes.

Commenter tous les points contenus dans ces tableaux serait long, et nous nous contenterons donc de souligner les lignes de force en tâchant de les inscrire dans le contexte historique. Tout d'abord, il faut admettre l'énorme importance et influence des résolutions de Saint-Ours. Comme il a été mentionné plus haut, l'assemblée de Saint-Ours est une conséquence directe du dépôt des résolutions Russell à Londres, et la condamnation de ces résolutions constitue conséquemment le premier résolu typique de chaque assemblée. Ces condamnations des Résolutions Russell sont ensuite généralement accompagnées d'arguments constitutionnels basés sur les droits et privilèges traditionnels accordés aux sujets britanniques de Sa Majesté. Parmi ces droits et privilèges, nul n'est plus souvent mentionné que le célèbre "no taxation without representation". Défendant jalousement le principe selon lequel le contrôle des deniers publics doit revenir à la Chambre d'Assemblée, et s'empressant d'ajouter qu'il s'agit là du seul moyen constitutionnel permettant au peuple, par l'entremise de ses représentants, d'exercer un minimum de pression sur un gouvernement irresponsable, les patriotes s'en prennent particulièrement à la résolution VIII du rapport Russell. Comme nous pouvons le constater par l'entremise des tableaux, ce type de discours est omniprésent dans les résolutions d'assemblées et forment un corps distinct de revendications qu'on qualifiera de réactions directes aux résolutions Russell et à l'appropriation dite "coercitive" des deniers publics. Notons que ces mêmes résolutions, de l'aveu des patriotes, brisent le peu de confiance que les réformistes canadiens entretenaient encore envers les autorités britanniques. Conséquemment, on décide souvent de ne plus en appeler au Parlement britannique.

La deuxième grande catégorie regroupe l'ensemble des mesures concrètes prises dans un premier temps pour contrer les résolutions Russell. Si certaines, comme celle prônant de tarir les revenus en établissant un boycott des importations payant un droit semblent unanimes, d'autres, comme celle invitant à la contrebande, sont moins explicitement partagées. À cet égard, notons qu'aucune assemblée tenue sur la rive nord de Montréal, omis celle de la Malbaie, ne recommande la contrebande comme moyen de pression. Remarquons également que toutes les assemblées ayant résolu le boycott, omis celle de la Malbaie et celle de Deschambault, procède à l'élection d'un comité de surveillance de comté. Il faut encore souligner la volonté générale d'établir une grande convention devant regrouper des membres de chaque comté de la province. On pourrait encore ajouter à cette catégorie l'appel aux autres colonies et aux États-Unis, ainsi que le désir de propager une éducation et une instruction de droits politiques. Si ces deux premières catégories de revendication accaparent la grande majorité des résolutions jusqu'au 6 août, on constate qu'elles sont ensuite virtuellement absentes des procès d'assemblées. Ceci s'explique mieux si on considère que le 3 juillet 1837, la Chambre des Communes de Londres, à la demande de la Reine Victoria, renonce aux résolutions Russell (Leclerc : 100).

La troisième catégorisation possible est celle qui comprend les rappels des griefs de longue date. Se contentant dans l'ensemble de réaffirmer différents points des 92 Résolutions, ces revendications portent sur des thèmes classiques tels que le Conseil législatif, le gouvernement responsable, le monopole des terres, et l'aristocratie coloniale. Viennent également se joindre de nouvelles condamnations, comme celles dénonçant la bonne foi de Gosford, ou la partialité de la Commission Grey-Gipps.

Une quatrième catégorie de résolution doit être réservée à la question des droits seigneuriaux. C'est d'abord à Sainte-Rose, le 11 juin, qu'on propose d'abolir, avec compensation, le système seigneurial. Puis, à Napierville dans l'Acadie aux assemblées des 12 juillet et 10 septembre, on demande l'abolition de ce même système. À Saint-François-du-Lac le 6août, lors une assemblée consacrée uniquement à la tenure, on préfère parler de réforme du système seigneurial. Idem à Saint-Ignace le 10 septembre.

Cependant, les réformes envisagées, dans un cas comme dans l'autre, sont si drastiques qu'il est permis de croire à un euphémisme. Suggérons seulement que la résolution Russell VII, portant sur l'abolition du régime seigneurial, pourrait expliquer ce léger tortillement terminologique. Par contre, à Vaudreuil le 6 août, et à Saint-Polycarpe le 15 octobre, on demande explicitement l'abolition. Il faut finalement constater que les droits seigneuriaux semblent être un enjeux régional de taille dans le comté de Vaudreuil, où toutes les assemblées demandent l'abolition ou du moins la réformation complètes de ces droits. Ce comté nous fourni également les seuls exemples de résolutions sommant le clergé à strictement s'occuper des affaires spirituelles.

Abordons enfin la dernière catégorie de résolutions, celle concernant l'établissement d'une justice parallèle, ainsi que la formation des corps de volontaires et d'organisations paramilitaires. Suite à sa proclamation du 15 juin, interdisant la tenue d'assemblées, le gouverneur Gosford se mit à démettre de leur fonction les juges de paix et capitaines de milice refusant de coopérer. D'autres, solidaires au Parti patriote, démissionnèrent d'eux-mêmes (Greer : 200-201). Au début, on se contente de dénoncer les agissements du gouverneur, puis, le 10 septembre à Napierville, on rend hommage aux officiers destitués et démissionnaires. En plus de les féliciter pour leur patriotisme, on enjoint les réformistes d'éviter tout commerce avec les "personnes indignes" ayant accepté les nouvelles nominations de Gosford. À partir du 1er octobre le mouvement devient plus menaçant. Réunit en assemblée, le Comité permanent du comté de Deux-Montagnes établit les procédés d'une justice parallèle. Pour la première fois, un comité de comté, se disant investi d'une "autorité conférée par le peuple" se dresse d'une telle façon contre l'autorité britannique. Le même comité recommande à la population de s'exercer aux maniements des armes en s'organisant par paroisse sous le commandement d'un capitaine de milice de leur choix. Le 4 octobre, les Fils de la liberté émettent leur Adresse aux jeunes gens de l'Amérique, dans laquelle ils invitent le pays à s'élever au rang des "souverainetés indépendantes de l'Amérique".

Finalement, le mouvement des assemblées atteint son paroxysme lors de Grande assemblée de la Confédération des Six-Comtés, les 23 et 24 octobre 1837 à Saint-Charles (Ryerson : 57). De loin la plus chargée, cette assemblée pourrait avoir attiré de 4 à 5000 personnes (Leclerc : 102). En plus de réitérer les résolutions prises à Deux-Montagnes, on discute ferme de la possibilité de recourir aux armes et bien que les résolutions officielles soient d'apparence pacifique, les formes pompeuses de l'assemblée, ainsi que l'Adresse de la Confédération des Six-Comtés aux habitants du Canada, (qui emprunte au préambule de la Déclaration d'indépendance américaine) constituent des précédents dangereux pour le gouvernement colonial (Greer : 209). Ironiquement, se tient le 23 octobre à Montréal la plus grande assemblée loyale, et moins d'un mois plus tard les combats font rage dans la vallée du Richelieu.

Emmanuel Estérez

Bernard, Jean-Paul. Assemblées publiques, résolutions et déclarations de 1837-1838. VLB Éditeur, Montréal, 1988. 304 pages.; Filteau, Gérard. Histoire des Patriotes. L'Aurore, Montréal, 1975 (1937). 493 pages.; Greer, Allan. Habitants et Patriotes. Boréal, 1997. 370 pages. ; Leclerc, Félix. "1837-1838, dates et événements", dans Jean-Paul Bernard, Les Rébellions de 1837-1838. Les patriotes du Bas-Canada dans la mémoire collective et chez les historiens. Boréal Express, Montréal, 1983. 349 pages.; Ryerson, Stanley-Bréhaut. Capitalisme et Confédération. Parti pris, Montréal, 1978. 364 pages.

 

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