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Les Patriotes de 1837@1838 - 1849 : le duel Papineau-La Fontaine
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1849 : le duel Papineau-La Fontaine
Article diffusé depuis le 5 juillet 2010
 




Louis-Joseph Papineau et Louis-Hippolyte La Fontaine appartiennent bien à deux générations même s'ils partagent un parcours politique et idéologique commun.  Plus de vingt ans séparent les deux hommes et à l’époque du premier soulèvement, Papineau aborde la cinquantaine tandis que La Fontaine vient à peine d’avoir trente ans. En 1837, « de l’autre côté de la rivière Outaouais, La Fontaine ne partage pas l’analyse de Papineau sur la marche à suivre. Cette divergence de vues sur le plan stratégique devient évidente au cours de l’année » (Aubin, 2002 :8). Ce texte s’efforcera de mettre en relief ces divergences à travers la correspondance respective des deux hommes.
Aux yeux d’une bonne partie de la classe politique des années 1840, Louis-Hippolyte La Fontaine représentait le digne successeur de Louis-Joseph Papineau pour ce qui est de l’aboutissement des démarches entreprises au début du siècle afin d’obtenir une meilleure répartition des pouvoirs et de l’imputabilité au sein des institutions politiques. Cependant, pour Papineau, les choses ne sont pas si simples. Dans une lettre au Dr. O’Callaghan datée du 12 mai 1846, soit relativement peu de temps après son retour en 1845, il écrit : « Il y a eu erreur capitale commune à M. Viger et à M. La Fontaine à ne pas hautement, incessamment, protester contre l’Union; il y a eu duperie commune à croire à l’importance, à la sincérité de l’octroi du gouvernement responsable, mais cela est vieux» (AUBIN, 2006 : 24). Ainsi peut-on constater que l’exil de Papineau et les récents changements apportés à la politique canadienne, loin de lui redonner confiance en l’agenda, ont plutôt accéléré sa désillusion de voir un jour écoutées et considérées les revendications de la cause patriote.

Cette «naïveté» de La Fontaine était déjà apparente en 1837, alors que ce dernier « quelques jours avant que n’éclatent officiellement les rébellions avec la bataille de Saint-Denis du 23 novembre, [avait tenté] de son propre chef de négocier un entente avec le gouverneur lord Gosford » (AUBIN, 2006 :8), ce même Gosford qui déclarait, quelques jours plus tôt : « Nous ne pouvons plus parlementer avec Monsieur Papineau; il nous faut l’abattre ou accepter qu’il nous abatte» (PAPINEAU, 1968 :23).
Quoique respecté et déjà perçu comme le nouveau chef, La Fontaine n’est pas sans appréhender le retour de Papineau : « Cette prudence dans le jugement, on la retrouve également lorsque vient le temps de traiter du cas délicat de l’ancien chef patriote bas-canadien. « Il paraît qu’il approuve l’orientation que nous avons prise, écrit La Fontaine, mais il a laissé entendre à Berthelot qu’il ne se mêlerait plus de politique. Cet espoir s’éteint lorsque, trois ans après son retour, Papineau publie un premier manifeste, impolitique et inutile, estime La Fontaine, dans lequel il désapprouve de façon virulente l’approche réformiste» (AUBIN, 2002 :12). À la suite de ce manifeste, La Fontaine écrivait, dans une lettre à son ami Baldwin datée de janvier 1848 : « Il est inutile de vous dire que comme vous, je désapprouve le discours de M. Papineau. Après un tel manifeste, je ne peux que trouver embarrassante sa présence au Parlement» (AUBIN, 2002 :181).

Papineau n’avait pas tort lorsqu’il considérait que La Fontaine faisait preuve d’une trop grande naïveté en politique. Une lettre de La Fontaine à Baldwin, datée de décembre 1851, le confirme : « J’espère de tout cœur que je ne serai jamais placé dans une situation qui m’obligerait à reprendre le pouvoir. Plus j’observe les choses, plus je suis saisi de dégoût. C’est à croire que la duplicité, la supercherie, l’absence de sincérité et l’égoïsme sont des vertus (…) » (AUBIN, 2002 :14-15). Ainsi, quoique à l’époque du retour de Papineau à la scène politique La Fontaine se soit montré un farouche opposant, taxant l’ancien chef plus souvent qu’à son tour d’être dépassé et trop vieux pour comprendre les nouveaux enjeux du nouvel état des choses, une fois qu’il aura quitté la politique La Fontaine en remarquera toutes les sournoiseries. À l’opposé, Papineau, chargé de sa longue expérience en Chambre, revient au pays désillusionné et conscient malgré tout de la puérilité de son action, d’un point de vue politique. « À la session du parlement uni de 1849 à Montréal, Papineau attaqua férocement La Fontaine. Il parla de l’Union comme d’une iniquité et considéra l’annexion du Canada aux États-Unis comme inévitable, voire même souhaitable. Mais le parlementaire prestigieux avait perdu son emprise sur les esprits. De plus, son attitude intransigeante l’isola. La Fontaine le prit de haut » (PAPINEAU, 1968 : 27). Cette attitude intransigeante n’est en fait que la conséquence des multiples déceptions ayant entouré la carrière politique de Papineau. Inébranlablement convaincu de la mauvaise foi des autorités britanniques et plus encore de celle de la classe politique du Canada-Uni, Papineau, vieux et amer, n’a d’autre choix que de se confiner à une opiniâtreté qui en d’autres circonstances eût pu passer pour du courage, mais que son retard sur la vie politique d’alors fit passer pour du passéisme et de l’entêtement mal placé.

Avant même le retour de Papineau, La Fontaine rejette d’ores et déjà la participation de celui-ci aux nouvelles luttes politiques qui attendent son parti : « Tout comme M. Bidwell, je ne puis croire que M. Papineau puisse se prêter aux desseins du gouvernement actuel. » (AUBIN, 2002 :109).
En définitive, il apparaît que les divergences d’opinion entre Papineau et La Fontaine sont profondes, tant sur la forme que sur le fond, et que le retour de Papineau en politique n’a fait qu’accentuer de façon navrante à quel point le changement de génération politique s’est effectué rapidement et en marge de ce que Papineau avait souhaité. En somme, les belles actions de La Fontaine ont en quelque sorte été ternies par le revenant politique que représentait Papineau, lequel voyait d’un très mauvais œil les transformations de la stratégie réformiste.

Philippe Fortin-Villeneuve

BIBLIOGRAPHIE
AUBIN, Georges. Louis-Joseph Papineau : Lettres à divers correspondants. Tome I et II. Montréal : Éditions Varia, 2006, 367 p.
AUBIN, Georges. Louis-Hippolyte La Fontaine : Correspondance générale. Tome I et II. Montréal : Éditions Varia, 2002, 466 p.
CIRCÉ-CÔTÉ, Ève. Papineau : Son influence sur la pensée canadienne. Montréal : Lux Éditeur, 2002, 266 p.
PAPINEAU, Louis Joseph. Histoire de l’Insurrection au Canada. Ottawa : Éditions Leméac, 1968, 100 p.
PAPINEAU, Louis-Joseph. Textes choisis. Présentés par Fernand Ouellet. Montréal, Presses Universitaires Laval, 1959, 103 p.
PAPINEAU, Louis-Joseph. Un demi-siècle de combats : Interventions publiques. Textes choisis et présentés par Yvan Lamonde et Claude Larin. Québec : Éditions Fides, 1998, 662 p.
PAULIN, Marguerite. Louis-Joseph Papineau : le grand tribun, le pacifiste. Montréal, XYZ éditeur, 2000, 205 p.

 

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