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Les Patriotes de 1837@1838 - Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 7 b ) (Copie dactylographiée.) Paris 9 Mai 1839
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Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 7 b ) (Copie dactylographiée.) Paris 9 Mai 1839
Article diffusé depuis le 28-mars-04
 




Ma chère amie. Voilà plus de quatre mois d'une pénible séparation, plus de trois de séjour ici, et j'ai bien moins qu'au commencement l'espoir que ce grand sacrifice, sera dans un avenir prochain, utile à notre cher pays, dans l'intérêt duquel seul, nous pouvions nous résoudre, à le faire: J'ai reçu ta lettre du 20 avril, le dix mai; c'était prompt et consolant; depuis ce tems, je n'en ai point reçu d'Amérique, c'est bien long, bien désolant. Comme je l'ai mandé précédemment j'ai été passer quelques jours à la campagne. Le voyage et la vue de bonnes cultures, et la société de bons cultivateurs m'ont ravivé; mais cette infinie durée de temps sans lettre de ma famille et de mes amis me vieillit de nouveau. C'est un singulier effet que de se trouver si isolé au milieu d'un million d'hommes, quoique j'ai invariablement été accueilli avec la bienveillance la plus marquée, par tous et chacun de ceux avec qui je me suis trouvé en rapport. Mais après tout, si je sens que je puis être utile ni aux autres ni à moi, cela jette dans le découragement. ""Le parti Républicain est pauvre, le parti du gouvernement est en ce moment par peur de la Russie, non par affection pour l'Angleterre, enchainé à cette alliance."" Les anglais sont profonds politiques, et tous nationaux à un degré digne de tout éloge, quand ce n'est pas poussé jusqu'à la haine contre les autres nations, de sorte que tous, Tories, Whigs ou radicaux, venant à Paris, disent les deux gouvernements constitutionnels, les deux nations libres, doivent s'entre-soutenir. Moi je réfute ces propos en prouvant que chez la plupart d'entre eux, c'est calcul et feinte, et non sincérité; que l'abolition ici de l'hérédité de la pairie est aux yeux de tout ce qui tient au gouvernement anglais un exemple qu'il ne pardonnera jamais à la France d'avoir donné, et je le prouve à beaucoup de ceux qui ne s'en doutaient pas, par la connaissance que j'ai de beaucoup de publications anglaises qui ne sont pas aperçues ici. Je ne puis être utile au Canada ni aujourd'hui ni demain. ""Je ne doute pas que mon séjour ici, est de tous, celui ou je pourrais ultérieurement lui être le plus utile. J'étends le cercle des connaissances qui peuvent préparer pour l'avenir quelques défenseurs à sa cause soit dans la tribune, soit dans des écrits ou autrement."" Tous conviennent que l'indépendance des Canadas et leur aggrégation à la Confédération américaine est leur avenir prochain et la combinaison la plus favorable. Les uns les croient éloignées, qui pensent que l'angleterre peut demeurer en paix pendant plusieurs années--les autres, prochaines, qui la croient à la veille de se trouver avec des embarras à l'intérieur ou à l'extérieur, et qui sont persuadés d'une part que les Canadas ne peuvent remuer jusqu'à ce jour, ni alors demeurer soumis. L'angle 423 terre commence à souffrir la punition due à son injustice. Elle fait aux Etats-Unis des concessions plus ample qu'elle n'en aurait faites si elle n'avait pas profondement mécontenté les Colons. Ce n'est que le commencement, non la fin, de la Justice rétributive qu'elle éprouvera. Mes dernières connaissances utiles et agréables sont la famille de M(r) Lafayette et de M(r) Beaumont, son gendre, qui vient de publier un excellent ouvrage sur l'Irlande et qui comprend que c'est la même odieuse tyrannie que l'on veut organiser en Canada; puis son ami M(r) de Jacqueville(?), député, qui a écrit un si excellent ouvrage sur les Etats. Nous sommes tous très contents les uns des autres, et ils doivent me faire connaitre le cercle de leurs amis. C'est cette jeune France qui bien vite va prendre inévitablement la direction des affaires; il est important de réveiller ses sympathies, en faveur du Canada, quoique ce ne puisse servir sa cause que dans un temps trop éloigné si l'on compte et mesure les souffrances qu'il aura à supporter jusque là. L'angleterre, avec ses ministres qui ne se maintiennent que sous le bon vouloir, ou même à la prière du Duc de Wellington et de M(r) Peel, semble tomber dans l'anarchie, après s'être par rapport aux colonies, engouffrés dans un abîme de difficultés ils se montrent bien incapables d'en sortir. Défaits sur le Bill de la Jamaïque ils en reproduisent un autre à la suggestion de leurs adversaires pour le Canada, ils veulent le laisser soumis au brutal despotisme militaire actuel, jusqu'en 1842. Il serait insupportable pour toi comme pour moi d'être victimes et spectateurs de ces maux sans y pouvoir porter remède, si tant est que l'on voulut nous permettre d'en être les spectateurs. Je dis donc, plus fortement que dans mes précédentes lettres, que si mon père & Viger peuvent réaliser quelques choses de mes biens et de mes revenus, et qu'ils te les fassent passer, tu viennes avec Lactance et Azélie me rejoindre, avec les autres s'il y a moyen, et que tu le trouve pour le mieux, après que vous en aurez délibéré ensemble. Si mon père vendait ma maison et que le prix en fut place à Albany, il me donnerait, ainsi que les autres argents en dépot, cinq à six au moins avec explication que l'intérêt m'en serait transmis régulièrement, de six mois en six mois, et partie du capital à volonté si nous en avions besoin. Ici les Banquiers tiennent compte de trois pour cent seulement; mais aussi l'on tire à vue sur eux. Si rien de ces arrangements ne se réalisaient, j'irais bientôt vous rejoindre, car je ne voudrais pas pour tout au monde me résigner à une séparation prolongée. Ces jours derniers, je passais une soirée chez le général Cass, l'ambassadeur américain, où il y avait une réunion brillante et nombreuse. Quelques anglais en petit nombre: mais entre autres le D(r) M(c)Clauchlin et sa Lady. Il n'était pas venu me voir, ses liaisons sont Toryes, il a même la réputation d'être une voie par laquelle les amis du gouvernement Anglais apprennent, non pas par espionnage tout à fait, mais par la familiarité des conversations, tout ce qu'ils veulent apprendre. M'entendant nommer, il m'a demande, comme compatriote à faire connaissance, a dit qu'il me viendrait voir, m'a présenté à sa Dame; puis M(mme) Johnson qui demeure chez lui, belle soeur de M(r) Leslie. Elle est vieillie, et n'est plus jolie.--J'ai pris occasion de ces conversations pour reprocher amèrement au gouver(nt) anglais sa conduite ce dont il est convenu en grande partie. Il m'a dit que Lord Gosford avait passé une dizaine de jours de la semaine précédente à Paris; qu'il l'avait vu plusieurs fois, et voyait journellement Lord Aylmer, qui y demeure; que l'un et l'autre lui ont dit n'avoir été nullement consultés sur les affaires du Canada; qu'ils les croyaient disposés à suivre les recommendations de Lord Durham, et que cela ne pouvait aucunement avoir pour résultat leur tranquilité. La suite a montré qu'ils conjecturaient juste. Ces deux hommes ont parlé avec beaucoup d'estime de moi, et dit que si, à bonne heure, ils avaient été plus libres d'accéder un peu plus aux demandes de la Chambre, nuls des embarras actuels n'auraient eu lieu si vite. -- Pendant que j'écris, j'apprends que le paquet du premier de mai est arrivé au Hâvre hier; Que les lettres sont distribuées, je n'en ai pas encore reçu, je crains qu'il n'y en ait pas à mon adresse. S'il en est ainsi, c'est inquiétant, puisque tu étais malade. C'est mal, puisque si tu ne peux écrire, les enfants le devraient faire; ou c'est bien, si vous êtes en route. Oh! que je souffre et désire voir finir la souffrance qui accompagne l'incertitude des déterminations que nous devrions prendre. Les nouvelles d'angleterre vous les aurez plus fraiches que je ne puis vous les donner, car le Canada est sur le tapis demain et la British Queen, par lequel j'envoie la présente, vous donnera des avis de quatre jours plus tard que je ne le puis faire. Adieu ma bonne amie, je t'embrasse et mes chers enfants, ma bonne soeur & mes bons parents, que tu verras. En cas que nous nous réunissions ici dans un long exil, j'ai commencé à rassembler des vieux bouquins relatifs à l'histoire du Canada, qui est un oeuvre à faire. Je répète qu'il faut mettre en vente ma bibliothèque à l'exception des livres relatifs au Canada, et m'en apporter deux volumes pour le moment si possible: Bibliothéca Americana, et le Catalogue publié par M(r) Faribault. A mes excellents amis d'Albany et de Saratoga mes respects et amitiés. Adieu mon amie et mes enfants, que j'ai hâte de vous revoir et vous embrasser Ton bon ami et bon époux. (Au haut de la page 1:) (Adresse) M(r) Amédée Papineau Via Liverpool Saratoga Springs State of New-York L'intérieur de la lettre est à madame L.J.P.

 

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