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Les Patriotes de 1837@1838 - Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 7 a ) (Copie dactylographiée.) Paris, 29 avril 1839
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Lettre de Papineau à sa femme ( A P Q P - B : 5 7 a ) (Copie dactylographiée.) Paris, 29 avril 1839
Article diffusé depuis le 28-mars-04
 




Ma toute bonne amie. Depuis ta lettre du quatre Mars venue par le paquet du Havre parti le huit de New York ceux du seize, et du 24 sont arrivés sans m'apporter de lettres ni de toi ni des enfans, ni d'Ocallaghan, ni de qui que ce soit au monde. La première circonstance me va au coeur bien douloureusement, de peur qu'elle ne soit dûe à la continuation des malheurs et de la maladie qui t'ont saisie, enlacée, déchirée depuis notre séparation sans que j'aie pû les adoucir en t'entourant de soins et d'amitié, ainsi que notre chère petite fille. Quant à la seconde elle me laisse trop longtems dans un état d'incertitude, sur l'état politique du Canada. Ta lettre contenait des détails précieux sur la détermination de M(r) Chartier d'aller sur la frontière: d'ajouter à la vigueur des attaques de Duvernay, s'il réussit à imprimer contre les seuls oppresseurs de notre cher pays, les agents du gouvernement anglais. Tant qu'il pend et exile, c'est une bien déplorable hallucination, que d'aller s'attaquer à des questions sur lesquelles il y a diversité d'opinion parmi les Canadiens. Tant qu'il n'y a pas une représentation nationale, qui puisse rémédier à des abus dans les institutions provinciales, civiles ou ecclésiastiques, c'est donner des arguments au Gouvernement de l'étranger, pour qu'il détruise brusquement des établissements qui, contenus dans de justes bornes, seront protecteurs des intérêts Canadiens, qui, abattus par le fanatisme protestant, ou philosophique ne le seront pas au profit du peuple, mais à celui du pouvoir. Autre chose sont les spéculations du philosophe dans son cabinet et les décisions de l'homme. d'État dans les conseils 419 publics. Il est bien vrai que le Catholicisme, en alliance étroite avec le despotisme Monarchique sur presque tout le continent, y a été dénaturé au point que le philanthrope éclairé à juste raison de n'estimer pas le type du prêtre, tel que les Cours l'ont moulé; mais des institutions républicaines en font l'ami et le consolateur des peuples. Erasme, de Thou, l'Hôpital, Coligny, voulaient donner à la reforme une direction philosophique qui aurait fait le bonheur du monde. Luther et Calvin lui ont donné une direction fanatique, qui a aggravé les maux qu'ils voulaient guérir; mais l'Eglise anglicane, plus qu'aucune autre qu'il y ait au monde, est l'alliée de la persécution arrêtée contre les Canadiens. L'homme d'Etât ne travaillera à rien de ce qui peut affaiblir un établissement Canadien, au profit de rivaux ainsi disposés. Si Duvernay ne représentait que ses opinions individuelles, il a le droit absolu de le faire, autant que son Evêque les siennes. Mais un journal étant lié à la défense des Canadiens, ceux qui sont attachés à leurs opinions, opposées aux siennes ou aux miennes, ne doivent pas se voir assaillis et chagrinés par des reproches, quand nous n'avons pas le droit, comme hommes publics de leur demander compte de leurs affections, leur dérober leurs convictions, quand nous ne pouvons le faire, (sans faire) sans perdre, à juste titre, soit des électeurs, soit des soldats, selon qu'il y a possibilité de défendre les intérêts de la patrie, dans les champs de batailles ou dans les conseils de l'Etat. Dans ce moment des reproches fondés sont hors de saison, des reproches calomnieux, comme je crois que son prospectus en contient, et qu'il m'avait promis de faire disparaitre, quand j'allai à Washington, sont une grande faute, dont M(r) Chartier arrêtera les suites j'espère. L'établissement est pourtant bien nécessaire d'un journal indépendant sur la frontière. Si les Canadiens du Canada étaient bons à quelque chose, ils donneraient à O'callaghan les moyens de vivre sur la frontière ou même à New York. Puis ils peuvent s'en fier à lui sur tout ce qu'il conviendrait d'écrire dans quelques uns des journaux, qui y sont imprimés. Cette idée, suggérée à M(r) W. Nelson, peut fructifier. Je n'ai pas écrit la semaine dernière parce qu'il est reconnu que l'Erié est le plus mauvais des paquebots de la ligne et que celui qui part après lui, presqu'invariablement arrive avant lui. C'est M(r) Bossange fils, qui portera la présente lettre. Un bon et aimable jeune homme, avec une éducation excellente, et, que son père croit nécessaire d'éloigner; pour qu'il puisse apprendre à faire le commerce général, avec plus d'habileté, d'étendue, de connaissance des gouts et des besoins commerciaux des pays étrangers, qu'il ne pourrait l'acquérir en France. Il va envoyer le cadet à Londres pour le même objet. Il trouve les professions de Médecins et de jurisconsulte trop surchargées pour les y laisser entrer. Mais à dire le vrai, il me semble que les médecins et les jurisconsultes donnent tant de temps à la vie sociale, qu'il ne leur en reste pas assez pour se livrer à leurs professions avec ce dévouement et cette assiduité qui seuls méritent des succès. M(r) Nancrède, père, en arrivant ma offert sa maison pour demeure. M(r) Bossange, s'atable tous les jours, et, l'un et l'autre assez franchement et amicalement, que j'aurais pu en user convenablement, Mais ça ne cadrait pas avec les vues qui m'avaient engagé à un aussi douloureux sacrifice que celui que m'imposait ce voyage. Je les ai remerciée, et ils ont convenu que j'avais raison; qu'il me fallait faire et recevoir des visites à des personnes de rang, et que pendant quelque temps au moins il fallait se loger en conséquence. J'ai donc pris de jolis appartements, petits mais meublés très proprement. Le loyer, linges, et service des domestiques, me coutent cent quarante francs par mois. Avec ma bonne santé et mes goûts simples, je ne dépenserai pas grand chose sous les rapports de bouche. Un pain de deux sols un gobelet de bon vin font mon déjeuner. Je ne prends rien, jusqu'à un diner à 6 heures qui, pour le prendre à une table d'hote excellente, me coûte 5 francs. Je pourrais l'avoir assez bon, pour moins de moitié de ce prix en mangeant seul: mais je vais souvent là parce que j'y rencontre la société d'hommes publics, et que la situation de mon cher Canada est facilement ramené sur le tapis. On m'a dit: ""Mais le gouvernement anglais saura tous vos propos."" -- Oui, et assez pour qu'il se lasse d'écouter un homme qui a tant et de si justes reproches à lui faire. -- Mais y-a-il moyen de réveiller assez l'attention publique en France, pour l'intéresser dans un avenir prochain, à la cause du Canada ? Je n'en sais rien, quand elle est pour le moment en léthargie, sur ses propres et ses plus grands intérêts. Quand la lutte entre la Couronne et le peuple les paralysent tous deux pendant deux mois, au point de ne pouvoir former un ministère et que leurs hommes d'Etat les plus influents ne savent ce qu'ils peuvent et doivent faire pour eux mêmes, il est difficile de leur faire comprendre ce qu'ils peuvent faire pour d'autres. J'en vois plusieurs chez eux, chez moi, à la Chambre des députés, dans des salons où ils se réunissent. Beaucoup de société française et américaine. Je travaille chez moi à écrire, depuis 7 1/2 heures ou 8 heures du matin jusqu'à 2 quand je vais pas à la chambre des députés, jusqu'à 1 heure quand j'y vais, sauf des interruptions fréquentes que je recois. Je sors et visite alors quelques personnes où je dois aller, ou bien des collections, liées à la science, ou aux beaux arts et c'est à durer toute l'année avant que l'on ait fini de tout voir, à six, je vais diner, jusqu'à présent très souvent par invitation; quelques fois j'invite une connaissance qui m'a donné son diner, à venir prendre le mien à une table d'hôte ou à un restaurant. La lecture de trois ou quatre journaux du jour est mêlée au repas, et le fait durer deux heures. De là je vais faire la veillée dans les maisons qui reçoivent à jour fixe. M(r) Lafitte reçoit tous les Dimanches, M(r) Delagrange tous les jeudis. Mess(rs) les Docteurs Harlan de Philadelphie, tous les Samedis, Robertson, d'Edinbourg, mais depuis 20 ans à Paris, tous les vendredis. Ils désirent que j'en sois toujours, et j'en suis souvent, Chez les deux premiers les tendances des réunions sont vers la politique. Chez les derniers, vers la science. Je m'y enfonce jusqu'au cou, avec les plus forts d'entre eux sans m'y trouver trop étranger. Je rentre vers 11 heures et lis jusque vers 1. Je donne ces détails pour que tu voies comme passe le temps, Je n'ai été qu'une fois au sermon et une fois au théâtre, quoique sollicité plusieurs fois d'y aller. Non j'ai laissé derrière moi trop de sujets d'inquiétude et de douleurs, pour me permettre des amusements, qui ne tendent pas à gagner des amis pour mon pays. Je t'envoie un écrit signé de mon nom, mais comme cela n'est pas preuve judiciaire, tu ne mentionnerait pas que je le reconnaisse, tu ne le nieras pas non plus. Je continuerai d'écrire dans cette feuille, Revue du progrès, qui parait de quinze en quinze jours. Mais s'il paraissait de temps à autre quelque chose de très intéressant des États Unis ou du Canada, qui pourrait exciter ici des sympaties, je le ferai traduire de suite. J'aurais souhaité connaitre le Bill que proposera le gouvernement anglais, et connaitre quel parti montera au pouvoir ici avant d'écrire: mais il y a eu tant de lenteurs que je me suis décidé à commençer avant eux. Le Bill qui devait être introduit le 23 ne l'était pas le 25. Je ne sais nullement quel sera l'avenir du Canada, ni, par conséquent, le nôtre en particulier. Je ne puis me résigner à l'idée de nous voir séparés les uns des autres. Si la fortune nous manque, je crois qu'il y a plus de facilités dans les États Unis qu'ici pour que nous puissions 421 aider nos chers enfants sans autre aide que leurs efforts personnels. Ne sont-ils pas assez jeunes pour se plier avec facilité, à se plaire dans la société solide des Etats Unis, surtout s'ils ne connaissent pas la société plus aimable de l'Europe. Et si leur avantage était clairement plus grand à demeurer en Amérique, nos goûts ou nos inclinations ne doivent ils pas être subordonnés à ces considérations ? Une fois rendu ici l'on y peut vivre très économiquement, en sorte que si nous étions condamnes à n'espérer pas rentrer en Canada de plusieurs années, et que l'on pût s'assurer sur mes biens un petit revenu, ponctuellement reçu, de quelques £200 à £250 et, bien administrés, ils peuvent me donner cela et plus; il nous serait plus doux d'être ici. En ce cas, il n'y aurait pas les mêmes raisons que j'avais pour moi, de venir sans passeports du Consul anglais. Si mon cher Lactance vient, il en demandera, mais pouvons nous faire perdre à mon cher Amédée les études qu'il a commencées, les chances qu'il a de réussir par la bienveillance de son patron, le Chancelier? Mais venir pour recommencer au bout de quelques mois les dépenses du passage, nous soumettrait une longue gêne. Si vous venez, il faudra prendre quelqu'arrangement pour que ceux qui m'ont mis à même de venir, avec l'argent emprunté à Albany, soient ponctuels à le rembourser à son échéance, commençement d'août. Je crois qu'il n'y a pas risque de commotions sanglantes, comme j'étais porté à le croire à mon arrivée. Le ton français est un peu trop celui de l'exagération. Il faut un peu de temps pour en apprendre l'exacte portée. Mais assurément l'Europe sera plus souvent, agitée que l'Amérique. Faut-il dans ces circonstances, songer non pas à s'exposer soi-même, nous sommes vieux et hors de danger quelque chose qui arrive, mais exposer les siens, après soi, à être broyés dans les chocs qui auront lieu ici ? Bingham n'est pas de retour d'Italie. Je n'ai fait d'ouvertures à personne pour la vente de mes biens; Personne ici n'y Mordrait. Tu vois toutes les difficultés qui nous enveloppent. Quelque détermination que tu prennes, je sais qu'elle sera pour le mieux. Que d'obligations j'ai à nos bons amis d'Albany, pour les soins dont ils t'ont environnée dans tes pénibles épreuves. Je serre contre mon coeur mes grands garçons & ma chère petite Azélie, et leur bonne mère et ma bonne épouse. Combien son absence m'afflige, combien me tourmentent ses tourments. Le sujet du Canada demanderait un gros volume: personne ne le lirait. Les feuilles journalières ne peuvent allouer qu'une vingtaine de lignes, personne ne comprendrait l'état de la question. Si les Etats Unis font la guerre, les sympathies française l'appuiront. S'ils ne la font pas, il n'y aura que peu de choses à obtenir et lentement. Il ne faut pas perdre de vue que le gouvernement peut à toute heure ordonner à l'étranger de sortir et qu'il n'y a qu'une extrême circonspection qui puisse le protéger. La pauvre famille du Canada, et d'Albany, et de Paris, quand sera-t-elle réunie dans les bras les uns des autres ? A la fin de la Session J'irai à vous si je n,ai pas vendu, vous viendrez si j'ai vendu, ou si tu le décides même sans cela. Tout à toi M(r) Bossange se tue par son assiduité au travail, et il en exige autant de ceux qui travaillent sous lui.-- Il ne m'a pas demandé de faire venir mon fils: mais s'il venait je ne doute pas qu'il l'encouragerait. Il ne manquera pas, non plus que toi si vous allez à New York, lui d'aller voir et d'inviter M(r) Bossange fils à te voir. (Au haut de la page 1:) Venue par Mr. Bossange fils, reçue le 28 mai 1839 (adresse) Miss Papineau at Miss Fitch. North Pearl Street Albany State of New York.

 

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