Tout ce qu’on sait de lui tient dans le registre de la prison de Montréal de janvier 1838 : maître d’école, né en 1795 à Saint-Marc (Verchères) d’Étienne Nicolas et de Louise Borgia-Levasseur. Il est cependant démontré que François-Stanislas Nicolas fut en fait élevé par son oncle Joseph Levasseur Borgia (1773-1839), avocat et député de la ville de Québec qui semble lui avoir dispensé une bonne éducation. Nicholas sait lire et écrire. Il aurait d’abord été commerçant, puis instituteur à L’Acadie en 1831.
C'est l'historien et chercheur indépendant, M. Guillaume Marcotte, qui
nous a fait connaitre une brève lettre signée de la main de François Nicholas et
qui lève en partie le voile sur un pan de la vie du patriote pendu le 15 février
1839. Nos remerciements vont donc à M. Marcotte et à son précieux travail
aux archives provinciales du Manitoba sans qui ce DOCUMENT important serait sans
doute resté inconnu.
L’affaire Chartrand
Outre son implication politique dans le mouvement patriote du Haut-Richelieu, François Nicholas surgit vraiment dans l’histoire le 27 novembre 1837, à l’occasion de l’assassinat à Saint-Blaise de l’espion bureaucrate Joseph Armand dit Chartrand. Arrêté pour meurtre en janvier, Nicholas est formellement accusé en août, puis subit son procès avec quatre autres patriotes. Il est déclaré non-coupable le 7 septembre 1838, le jury ayant jugé que la mort de Chartrand serait survenue durant « une période de guerre ». Nicholas prend ensuite la fuite aux États-Unis où il se joint au second soulèvement.
Pendu au Pied-du-Courant, le 15 février 1839
À l'automne 1838, Nicholas est capitaine au camp de Napierville, puis participe le 9 novembre à la bataille d'Odelltown. Appréhendé peu après, il est jugé en cour martiale et condamné à mort le 18 janvier. Les autorités britanniques sont alors d’autant plus déterminées à exécuter Nicholas qu’ils n’ont toujours pas digéré que ce dernier ait été innocenté dans l’affaire Chartrand. Le mardi 12 février, Nicholas apprend donc qu’il sera pendu dans les jours suivants. Il monte sur le l'échafaud le 15 février 1839, à 9h45 AM, en compagnie du Chevalier de Lormier, Charles Hindenlang, Pierre-Rémi Narbonne et Amable Daunais. Avant l'ouverture de la trappe, il aurait déclaré de vive voix : « Je ne regrette qu'une chose, c'est de mourir avant d'avoir vu mon pays libre, mais la providence finira par en avoir pitié, car il n'y a pas un pays plus mal gouverné dans le monde ».
Il avait 41 ans et il n’était apparemment pas marié.
Un DOCUMENT émouvant absolument inédit
Le DOCUMENT que nous mettons au jour n’a semble-t-il jamais été analysé par un historien, si bien qu’une page importante de la vie d’un patriote pendu est restée dans l’ombre. Le chercheur indépendant Guillaume Marcotte nous aura fait connaitre d’une lettre conservée aux archives provinciales du Manitoba, dans le fonds de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Quelques heures avant d’être pendu, le patriote Nicholas souhaite soulager sa conscience et implore l’indulgence d’un officier de la Baie d’Hudson à propos de biens et de sommes dont la compagnie aurait été privée.
Monsieur James Keith
Monsieur
Comme je suis sur le point de mourir et que j’appréhende de paraître devant mon dieu chargé de péchés, je vous pris et demande comme une extrême faveur de notre part de me pardonner tant en votre nom qu’aux noms de tous les autres associés de la Compagnie du Nord West au service de laquelle j’ai été cinq ans, ainsi que de celle de la Baie d’Hudson que j’ai servi près de deux ans, de vouloir bien me pardonner tous les dommages que je pourrais vous avoir occasionnés par la dissipation de vos effets et pour tous autres que je me suis appropriés illicitement et tournés à mon avantage, pardonnez moi je vous pris qu’il m’est impossible de restituer ce dont je vous ai pris; daignez donc me faire cette grâce et si je suis assez heureux d’obtenir une place dans le Royaume des Cieux, je vous récompenserai par mes prières.
Je suis avec Respect / Votre très humble serviteur/ Frs. Stanislas Nicholas /Prison de Montréal /15 février 1839
Hudson's Bay Company Archives (Provincial Archives of Manitoba)
Montreal Correspondence Inward, B.134/c/41, folio 133. https://www.gov.mb.ca/chc/archives/hbca/resource/post_rec/types.html#b


Coureur des bois, puis patriote
Par ce bref DOCUMENT on peut donc en partie retracer la jeunesse de Nicholas. Sans doute à l’âge de 21 ans, en 1816, Nicholas, qui d’après les archives judiciaires est doté d’un physique imposant et d’une bonne santé, se serait engagé comme voyageur pour la North West Company. Cet engagement n’a alors rien d’exceptionnel et attirait à l’époque de nombreux jeunes hommes du Bas-Canada, surtout ceux qui, comme Nicholas, ne comptaient pas hériter de la terre paternelle. La North West fusionne avec la Compagnie de la baie d’Hudson (CBH) en 1821 et Nicholas affirme avoir encore travaillé pour cette dernière durant deux ans, soit jusqu’à environ 1823. Après quoi il est probable qu’il soit revenu dans la vallée du Saint-Laurent.
Où séjourne-t-il durant ces années ?
On est en partie éclairé sur où se trouvait Nicholas durant ces années par le fait qu’il adresse sa lettre à un certain John Keith. Or on sait que Keith est né en Écosse, puis qu’il s’installe dans l’Ouest à compter de 1793 au service de la North West puis de la CBH. Au moment où Nicholas lui adresse sa lettre, Keith n’est plus vraiment à l’emploi de la compagnie. Retraité à demi-solde depuis avril 1837, il voyage alors en Angleterre et en Europe, en attendant de définitivement prendre sa retraite en 1843 et de mourir en 1851, sans jamais plus revenir au Canada. Il n’a donc pas pu recevoir la lettre de Nicholas. Cela prouverait que Nicholas connaissait personnellement Keith et que c’est à lui directement qu’il souhaitait se confier à la veille de sa pendaison. Or, où se trouvait au juste Keith entre 1816 et 1823, soit durant la période probable où Nicholas se livre au commerce des fourrures ? Les archives de la HBC à Winnipeg nous éclairent à nouveau sur ce fait. De 1815 à 1821, John Keith est gouverneur de la North West Company, sur la côte du Pacifique, dans le district de Colombie, où il supervise la traite des fourrures avec les indiens Haïda. Est-ce là que Nicholas aurait connu Keith ? Keith est ensuite l’un des commissaires qui paraphent la fusion de la North West et de la HBC en 1821, puis revient s’installer dans l’est.
Il est trop tôt pour s’avancer davantage. Il est cependant plus que probable qu’un des patriotes pendus à Montréal aux côtés de De Lorimier le 15 février 1839 soit un ancien coureur des bois ayant séjourné sur la côte du Pacifique avant de revenir dans la vallée du Saint-Laurent où l’éducation qu’il avait reçue lui a permis de s’installer comme instituteur. D’autres pièces doivent bien sûr être ajoutées au dossier. Il demeure que l’histoire des patriotes de 1837 vient de s’enrichir d’un DOCUMENT inédit, précieux et émouvant qui nous en révèle un peu plus sur la vie de ces inénarrables héros.