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Les Patriotes de 1837@1838 - Octobre 1845, retour de Louis-Joseph Papineau au Canada après sept ans d'exil
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Octobre 1845, retour de Louis-Joseph Papineau au Canada après sept ans d'exil
Article diffusé depuis le 1 janvier 2012
 


L'honorable Louis-Joseph Papineau par Alfred Boisseau (1823 – 1901)

Après plusieurs années d’exil aux États-Unis et en France, le retour possible de Papineau au Canada, suscite diverses réactions de la part de ses anciens compatriotes. La plupart d’entre eux l’espèrent et le redoutent tout à la fois, craignant qu’il s'insurge contre les décisions prises par les réformistes, en principe les héritiers politiques des Patriotes. Ces réformistes ne sont pas non plus sans savoir que l'appui d'un Papineau, s'il se concrétisait, leur procurerait une influence extraordinaire auprès du peuple où le Tribun est demeuré très populaire. Depuis un moment, certains de ses alliés, dont son neveu Louis-Antoine Dessaulles, écrivent à Papineau, lui demandant de rentrer au pays alors qu’ils ont besoin de lui. Sa femme et ses enfants deviennent de plus en plus insistants car l’argent commence à manquer et ils souhaitent aussi grandement qu’il puisse obtenir un poste de député à la Chambre. Cependant, Papineau refuse de rentrer tant que les exilés d’Australie n’ont pas reçu l’amnistie, malgré l’accord obtenu par LaFontaine. Lorsque ce dernier réussit finalement à obtenir des pardons individuels pour les Patriotes en exil à force de supplications, en janvier 1845, 58 d’entre eux sont en route pour le Canada et Papineau décide de faire de même. Entre temps, le Parlement se bat afin qu’il récupère les gages qu’il n’a pas reçus depuis 1837 pour son rôle d’orateur à la Chambre d’Assemblée (FILTEAU, 2003 : 594-596).

Le grand tribun s’embarque ainsi à bord du Britannia au début de septembre 1845. Il arrive le 25 à Saratoga (NY), où l’attend son fils aîné Amédée. Tous les deux en profitent alors pour visiter des amis qui les ont aidés durant leur exil aux États-Unis (RUMILY, 1977 : 304). Après quelques jours, ils rentrent au Canada en allant directement à Verchères pour y rencontrer la mère de Julie qui, depuis le départ de Papineau, a refusé de retourner à Montréal sans lui. Avant d’arriver, ils font un bref arrêt à Saint-Jean où quelques amis et membres de la famille les attendent : « Il faisait un temps magnifique et une foule immense dirigée par Denis-Benjamin Papineau (tout en larmes), avait parcouru les trente et un milles qui séparaient Laprairie de Saint-Jean pour l’accueillir. Pendant des heures, il retrouva ses vieilles connaissances, serrant les mains qui s’offraient de toutes parts. » (MONET, 1981 : 267). Quelques jours plus tard, le voyageur arrive enfin à destination pour y retrouver ses camarades ainsi que sa femme et ses enfants :

À Montréal, les vieux Patriotes, les anciens Fils de la Liberté qui avaient protégé leur chef au cours des journées d’octobre et de novembre 1837, accoururent le saluer et, les larmes aux yeux, lui demander l’accolade. Prieur, qui arrivait d’Australie, vint lui soumettre ses « Notes d’un condamné politique » (FILTEAU, 2003 : 596).

Quant à LaFontaine, il tarde un peu à rencontrer son ancien chef, puisqu’il craint que celui-ci lui fasse part de son opposition concernant les décisions qu’il a prises. Puis, rapidement, il est question du retour de Papineau en politique et des électeurs lui demandent de les représenter à la Chambre. L’ancien chef refuse, préférant se consacrer à l’exploitation de sa seigneurie à la Petite Nation. Toutefois, en 1848, il cède et se présente comme candidat dans le comté de Saint-Maurice où il se fait élire malgré le manifeste écrit pour la population lui demandant de ne pas voter pour lui. Dans cette adresse, il explique son point de vue concernant l’Union et affirme que son élection entraînerait automatiquement une division au sein des réformistes puisqu’il ne partage pas leurs idéaux. Dans son premier discours au Parlement, passionné comme à l’habitude, il demande immédiatement le rappel de l’Union et déclare l’adoption de la responsabilité ministérielle comme inefficace puisque personne ne connaît son fonctionnement :

Il était opposé à l’Union qui avait été imposée aux Canadiens français contre leur volonté, qui avait chargé le Bas-Canada de la dette publique du Haut-Canada et qui avait posé le principe injuste de l’égalité de représentation. Il ne croyait pas non plus que cet acte inique pouvait être rendu acceptable par la doctrine du gouvernement responsable, « un mot jeté au hasard, une vaine théorie nullifiée par la pratique et par les explications des lords Russell, Syndenham et Metcalfe » (MONET, 1981 : 351).

À partir de ce moment, la relation entre LaFontaine et Papineau se détériore les menant directement à un duel violent. De plus, l’ex-orateur n’exerce plus la même influence sur ses compatriotes qui s’éloignent progressivement de lui. En effet, Duvernay, rédacteur de La Minerve, et Cauchon, de la Revue, entreprennent une campagne afin de ternir l’image de l’orateur :

Il est évident que M. Papineau veut démolir l’administration que le pays a pris tant de temps à édifier. Il accuse de sentiments mercenaires des hommes (les ministres) que, dans son premier manifeste du mois de décembre, il préconisait de toute la puissance de sa parole. Nous comprenons bien sa pensée. Haine, haine, haine profonde pour l’Angleterre! Mais où va nous conduire cette haine? (MONET, 1981 : 382)

Ils affirment aussi que Papineau a fui lâchement aux États-Unis durant la bataille de Saint-Denis abandonnant ses alliés, leurs dires étant appuyés par le grand chef de la bataille, Wolfred Nelson, considéré comme un héros par la population.

La grande majorité des journaux, apprenant le retour prochain de Papineau, consacrent un ou plusieurs articles à ce sujet, les réactions et les commentaires variant toutefois de l’un à l’autre. Ceux qui ont appuyé les Patriotes pendant les Rébellions de 1837-1838, telle que La Minerve, attendent avec impatience son arrivée. Lorsqu’il entre enfin au pays, plusieurs abordent le sujet avec entrain, espérant qu’il effectue un retour en politique. Le Canadien par exemple le décrit comme le seul homme à avoir assez d’influence pour rallier la majorité de la population :

Ce sentiment est si vif chez tout le monde que ceux qui cherchèrent à le perdre lorsqu’il était absent n’osent plus ouvrir la bouche, et feignent même de lui rendre quelques hommages aujourd’hui, c’est bien ce que nous avions prédit. Chacun est forcé de s’avouer aujourd’hui que lui seul pourrait rallier le pays dans les présentes conjonctures […]. On a remarqué que ses huit années d’absences ne l’avaient guère altéré et qu’il conservait encore toute sa vigueur de tempérament et de santé. – (Aurore,) (Le Canadien, 13 oct. 1845).

Papineau doit cependant comprendre que le contexte au pays n’est plus le même et que LaFontaine est maintenant le chef. Il doit donc accepter de coopérer s’il veut véritablement être utile à son pays. Le Canadien fait une déclaration en ce sens : « Depuis son départ, il s’est opéré de grands changements dans cette province ; des hommes nouveaux ont surgi ; des opinions nouvelles se sont manifestées ; des partis plus ou moins nuancés se sont formés ; des intérêts divers ont été créés » (RUMILY, 1977 : 311). Il est finalement question de son retour en politique alors que l’honorable Papineau ne veut pas collaborer avec ses anciens partenaires et qu’au contraire il compte obtenir le rappel de l’Union. Il est alors vu comme un homme vivant sans cesse dans le passé, conservant les mêmes vieilles valeurs et tentant d’entraîner une seconde fois la population du Bas-Canada dans un projet de république irréalisable. Il cherche en effet à diviser les membres du Parti réformiste afin de gagner un maximum d’appuis à sa cause, mais comme les choses ont changé et que plusieurs parmi eux soutiennent LaFontaine, ces tentatives ne sont pas menées à bien. À ce moment, les journaux vont tous s’opposer à Papineau sauf L’Avenir dirigé par Dessaulles, qui croit toujours en lui et qui conteste l’Union avec vigueur allant même jusqu’à attaquer publiquement ses défenseurs : « Les Unionistes qui ne font appel qu’aux passions basses et cupides, la peur et l’avarice. Ils disent […]. Ne vous plaignez pas constitutionnellement par des assemblées, des écrits, des protestations, contre les iniquités de l’acte d’Union (…). Nous somme au pouvoir, et nous sommes le gouvernement responsable. » (MORIN, 1981 : 354). L’ancien chef fait lui aussi les frais d’attaques violentes de la part de Morin par exemple, rédacteur pour le Journal de Québec, qui l’accuse de vouloir diviser les troupes tout en leur faisant perdre le pouvoir qu’elles ont acquis :

Ce n’est pas, il faut y songer, avec nos forces seules, surtout avec les forces que l’Union nous a faites, que nous pouvons remporter la victoire, mais avec ces forces combinées avec d’autres qui nous manquerons si nous acceptons l’état des choses auquel M. Papineau veut nous amener. Si nous voulions revenir en 1836, dans ce moment tous les hommes sincères qui se rallient à notre cause nous abandonneraient de suite pour nous laisser dans l’isolement (MONET, 1981 : 379).

Papineau décide finalement de se retirer de façon définitive de la politique en 1854 après avoir vu sa popularité diminuée considérablement entre autres suite à sa lutte contre LaFontaine.

Les historiens partagent des opinions mitigées en ce qui a trait au retour de Papineau en 1845. Toutefois, tous s’entendent pour dire qu’il est accueilli au Canada avec enthousiasme par ses amis. Dans la brève partie qu’il consacre à cet événement, Filteau décrit la joie de ses compatriotes lorsqu’ils le retrouvent et explique les différentes démarches qu’ils ont entreprises afin d’accélérer son retour au pays suite à son refus de repartir sans que l’amnistie aux exilés ne soit proclamée (FILTEAU, 2003 : 594-596). Monet, auteur de La Première Révolution tranquille, analyse plus en profondeur son retour ainsi que sa rentrée en politique. L’historien en arrive à la conclusion que le grand tribun, demeuré le même, ne peut accepter de partager le pouvoir avec quelqu’un d’autre et encore moins de ne pas être le meneur. Par conséquent, il fait tout pour regagner des appuis afin d’être à nouveau proclamé chef des Canadiens français. Il semble aussi dépassé par le cours des événements qui échappe à sa compréhension ayant vécu loin de son pays pendant trop longtemps, ce qui nuit à son jugement lors des prises de décisions (MONET, 1981 : 270). Monet affirme aussi que Papineau cherche toujours les conflits et qu’il ne veut en aucun cas avouer que le contexte au pays est maintenant différent et qu’il n’est plus question d’obtenir l’indépendance du Bas-Canada :

Sa conduite le prouvait. Il ne pouvait s’empêcher de chercher la bataille. Il aimait l’opposition. Il lui fallait se battre contre tous ceux qui mettaient en péril l’instauration de véritables institutions démocratiques comme lui seul les connaissait. Il allait continuer de s’opposer à l’Union. Il allait lutter pour l’édification d’une république démocratique (MONET, 1981 : 350).

Robert Rumilly, dans Papineau et son temps, ne laisse pas vraiment transparaître son opinion sur le retour de Papineau. Il explique tout de même qu’une fois au Canada celui-ci est bien accueilli par ses compatriotes malgré que ces derniers craignent qu’il ne s’implique à nouveau en politique en prônant ses anciennes idéologies sans tenir compte des événements survenus pendant son absence : « Papineau revient plus républicain, plus démocrate et encore moins clérical qu’il n’est parti. Un mouvement contraire s’est produit au Canada, où d’anciens adversaires réunis dans l’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal, collaborent sans arrière pensée. » (RUMILY, 1977 : 310). Par exemple, LaFontaine appréhende que son ancien chef divise le peuple en proposant à nouveau son projet d’un État souverain canadien-français et qu’il tente de reprendre la direction. Ainsi, le retour de Papineau bouleverse considérablement la conjoncture dans le Bas-Canada, mais comme son influence est moindre, comparativement aux années passées, il a peu d’impact sur les prises de décisions en matière de politique.

Rose-Élaine Julien-Gilbert

Bibliographie

AUBIN, George et Renée Blanchet, Lettres à Julie, Québec, Septentrion, 2000, 812 p.

FILTEAU, Gérard, Histoire des Patriotes, Québec, Septentrion, 2003, 628 p.

FRÉGAULT, Guy et Marcel Trudel, Histoire du Canada par les textes : tome 1, Montréal, Fides, 1963, 262 p.

MONET, Jacques, La Première révolution tranquille : le nationalisme canadien-français (1837-1850), Montréal, Fides, 1981, 504 p.

OUELLET, Fernand, Louis-Joseph Papineau un être divisé, Ottawa, Société historique du Canada, 1960, 24 p.

RUMILLY, Robert, Papineau et son temps : tome 2, Montréal, Fides, 1977, 594 p.

La Minerve, 13 octobre 1845, dans Collection Bibliothèques et archives nationales du Québec, [En ligne], http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/278148#, (Le 6 décembre 2011).

Le Canadien, 13 octobre 1845, dans Collection Bibliothèques et archives nationales du Québec, [En ligne], http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/1907147#, (Le 6 décembre 2011).

 

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